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Le président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev réélu sans réelle concurrence

Le président sortant du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev rempile pour sept ans [REUTERS - Press Service of the President of Kazakhstan]
Le président sortant du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev réélu pour sept ans / Le Journal horaire / 1 min. / le 21 novembre 2022
Le président sortant du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a nettement remporté l'élection présidentielle, en l'absence d'opposition. Il confirme ainsi son statut de nouvel homme fort du plus grand pays d'Asie centrale, au terme d'une année noire pour cet Etat riche en ressources naturelles.

Selon les résultats préliminaires fournis lundi par la Commission électorale, l'homme d'Etat, âgé de 69 ans et arrivé au pouvoir en 2019, a obtenu 81,31% des voix. La participation s'est élevée à 69,44%. Comme attendu, ses cinq opposants ont fait de la figuration, aucun d'entre eux ne dépassant les 3,42%. L'option de vote "contre tous", nouveauté de ce scrutin, a séduit 5,8% des électeurs, arrivant en deuxième position.

Situé au carrefour d'importantes routes commerciales, le Kazakhstan a plongé dans le chaos en janvier lorsque des manifestations contre la vie chère ont dégénéré en émeutes, avant d'être brutalement réprimées. Bilan final: 238 morts.

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Le pays reste traumatisé par cette crise et, signe que les tensions persistent, les autorités ont annoncé jeudi avoir arrêté sept partisans d'un opposant en exil, accusés de fomenter un "coup d'Etat".

Dans la nuit de dimanche, Kassym-Jomart Tokaïev, qui avait obtenu près de 71% des voix en 2019, a appelé à l'"unité" pour réaliser le programme de sa réforme constitutionnelle de juin.

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Promesses de réformes

L'ancien président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev (droite) en compagnie du président du parlement turc Mustafa Şentop, à Nur Sultan (Astana), au Kazakhstan, le 27 septembre 2021. [AFP - Orhan Karsli  / Anadolu Agency]
L'ancien président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev (droite) en compagnie du président du parlement turc Mustafa Şentop, à Nur Sultan (Astana), au Kazakhstan, le 27 septembre 2021. [AFP - Orhan Karsli / Anadolu Agency]

"Cette élection ouvre une nouvelle ère et toutes les principales institutions du pouvoir seront réformées", a-t-il promis. Il a répété son attachement aux réformes économiques et à la "fin du monopole au pouvoir", comme l'a connu le Kazakhstan durant les trois décennies du règne de Noursoultan Nazarbaïev, démissionnaire en 2019.

Le président-candidat avait fait campagne en portant son projet visant à créer un "Nouveau Kazakhstan", plus juste. Mais les difficultés économiques persistent, tout comme les réflexes autoritaires.

Kassym-Jomart Tokaïev, qui a fourbi ses premières armes en tant que diplomate soviétique, est devenu à l'indépendance un homme-clé du régime Nazarbaïev.

Mais après avoir été considéré comme l'homme de main de son prédécesseur, le président kazakh a officiellement entrepris de couper le cordon à la faveur de la crise de janvier.

Tradition autoritaire persistante

Il s'est mué cette année en dirigeant implacable, faisant tirer sur les émeutiers en janvier, arrêtant des proches du clan Nazarbaïev, puis tenant tête au président russe Vladimir Poutine (lire second encadré).

Une lutte des clans qui n'a pas empêché Noursoultan Nazarbaïev d'être le premier à féliciter son ex-protégé pour sa réélection, "preuve incontestable de la foi inébranlable du peuple dans (ses) réformes".

Si l'identité du vainqueur était cousue de fil blanc, un léger suspens planait quant au pourcentage de voix que récolterait Kassym-Jomart Tokaïev, pur produit de l'époque soviétique qui se veut l'homme du renouveau.

Mais ce "Nouveau Kazakhstan" que Kassym-Jomart Tokaïev appelle de ses voeux, notamment via la fin d'un régime superprésidentiel, a du mal à se débarrasser de ses réflexes autoritaires après trois décennies passées sous la coupe de l'omnipotent Noursoultan Nazarbaïev.

Opposition entravée

A l'image de cette élection dans la droite ligne de l'époque Nazarbaïev, qui avait récolté 98% des voix en 2015, le paysage politique reste déserté et l'opposition muselée par la pressions des autorités.

Dimanche, l'Agence France Presse a vu plusieurs votants se prendre en photo devant des bureaux de vote, nombre d'électeurs invoquant l'"obligation" de montrer lundi la photo à leur employeur.

En dépit de ce score écrasant et l'absence de concurrence, Kassym-Jomart Tokaïev a estimé que cette campagne avait été "équitable et ouverte".

afp/ami

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Absence de concurrence politique dénoncée

L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), qui avait déployé une mission dans le pays, a déploré dans un communiqué qu'aucun des autres candidats n'ait "réellement contesté le programme du président sortant". Conséquence, le "choix des électeurs a été limité". "Le scrutin a souligné le besoin de mettre en oeuvre plus de réformes (...) pour assurer un vrai pluralisme", a ajouté l'OSCE.

Le Bureau de l'OSCE chargé des Institutions démocratiques et des droits de l'homme (ODIHR) a également pointé du doigt la "restriction des libertés fondamentales, limitant l'espace pour les voix critiques".

"Cadre juridique restrictif"

Bien que la liberté d'expression et l'accès à l'information soient garantis par la Constitution au Kazakhstan, ces derniers sont "limités par le cadre juridique restrictif" auquel s'ajoute des "cas d'intimidation et d'attaques contre les journalistes".

Par ailleurs, les "conditions d'éligibilité des candidats à la présidence sont excessivement restrictives", ce qui "limite de façon déraisonnable le droit des citoyens à se présenter aux élections", estime l'OSCE.

L'organisation salue toutefois que "pour la première fois, afin d'empêcher les votes multiples, la situation électorale des votants devait être vérifiée sur le portail en ligne de l'administration présidentielle".

Liens ambigus avec Vladimir Poutine

Le président russe Vladimir Poutine a salué lundi la victoire de Kassym-Jomart Tokaïev. "Vous avez reçu une preuve de confiance convaincante de vos compatriotes", a salué Vladimir Poutine, cité dans un communiqué du Kremlin, assurant que le "partenariat stratégique" et l'alliance entre Astana et Moscou "progressaient avec un succès remarquable".

"Je vous souhaite, cher Kassym-Jomart Kemelevitch, plein de succès, une santé solide et la prospérité", a ajouté le président russe.

Proximité et distanciation

Allié traditionnel de Moscou, le pouvoir kazakh a reçu l'aide en janvier d'un contingent militaire russe envoyé au Kazakhstan alors que la capitale économique, Almaty, était secouée par les émeutes meurtrières.

Malgré cette aide décisive, Kassym-Jomart Tokaïev a pris une certaine distance avec Moscou après l'offensive du Kremlin en Ukraine fin février.

Piques lors d'un forum à Saint-Pétersbourg

En juin, Kassym-Jomart Tokaïev a notamment publiquement critiqué son homologue russe lors d'un forum à Saint-Pétersbourg, où il s'est prononcé contre la reconnaissance des territoires séparatistes prorusses de l'Est de l'Ukraine.

Lors de ce forum, Vladimir Poutine avait, lui, à de nombreuses reprises écorché le patronyme du président kazakh en s'adressant à lui. Un signe, selon certains observateurs, d'une volonté de déstabiliser, voire de ridiculiser Kassym-Jomart Tokaïev.