L'équipe de football d'Iran marque son soutien aux manifestants en restant muette sur son hymne
Durant la semaine, leur capitaine Alireza Jahanbakhsh avait expliqué que les joueurs décideraient "collectivement" de chanter ou non l'hymne national.
Pendant cet hymne, les caméras ont brièvement montré le visage d'une spectatrice d'une cinquantaine d'années, voile blanc sur la tête, le visage baigné de larmes.
Pancartes dans les tribunes
Les joueurs ont gardé le visage totalement impassible, tandis que sur le banc, un membre de la délégation chantait. Diminué physiquement, la star de l'équipe Sardar Azmoun, qui a dénoncé la répression sur les réseaux sociaux, n'est pas titulaire.
"Femmes Vie Liberté", pouvait-on lire en anglais sur une banderole dans les tribunes occupées par les Iraniens, qui, retirée, a vite disparu.
"C'est trop tard"
Les joueurs n'ont également manifesté aucune joie sur leurs deux buts. Mais s'agissait-il d'un message politique ou plus sûrement du simple dépit devant une déroute sportive (défaite 6-2), la pire dans l'histoire du foot iranien depuis son premier Mondial en 1978 (4-1 face au Pérou). L'attaquant Alireza Jahanbakhsh avait déclaré mercredi que célébrer ou pas un but relèverait d'un choix "personnel".
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Le silence des footballeurs durant l'hymne ne va toutefois pas suffire à convaincre ceux qui jugent leur soutien trop timoré. "C'est trop tard", estime Mazyar Yosefi, conseiller communal à Epalinges (VD) et partisan de l'opposition iranienne, lundi dans le 19h30 de la RTS.
La rencontre de l'équipe avec le président ultraconservateur Ibrahim Raïssi, juste avant le départ pour le Qatar, avait été très critiquée sur les réseaux sociaux. "Avec cette rencontre, les joueurs ont perdu le match face au peuple iranien, ajoute Mazyar Yosefi. (...) Depuis le début de la révolte, on sépare en deux mots la République islamique et l'Iran. L'équipe nationale s'est rangée derrière la République islamique."
Plusieurs refus de chanter l'hymne
Depuis le début du soulèvement en Iran, causé par la mort le 16 septembre de la jeune Mahsa Amini, 22 ans, arrêtée par la police des moeurs à Téhéran pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire strict imposé par le régime, le refus de chanter l'hymne de la République islamique est devenu l'un des leviers utilisés par les sportifs iraniens pour manifester leur soutien au mouvement.
Dimanche, la justice iranienne a annoncé avoir convoqué Yahya Golmohammadi, ancien international et actuel entraîneur du club de Persepolis, l'un des plus populaires du pays avec Esteghlal. Il avait vivement critiqué sur Instagram la semaine dernière les joueurs de l'équipe nationale pour ne pas "porter la voix du peuple opprimé aux oreilles des autorités", après leur rencontre avec Ebrahim Raïssi.
Le 27 septembre, l'équipe nationale de football a ainsi refusé d'entonner ce chant avant un match amical de préparation à la Coupe du monde disputé en Autriche contre le Sénégal (1-1). Vêtu d'une parka noire dépourvue de tout blason et masquant le logo de la Fédération, les joueurs sont restés muets, la plupart la tête baissée.
Ce geste symbolique, parfois couplé au port d'un brassard noir en signe de deuil, a depuis été repris par de nombreux autres sportifs iraniens lors de compétitions à l'étranger.
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afp/vajo
La répression s'accentue dans les régions kurdes, selon une ONG
Des défenseurs des droits humains ont affirmé lundi que les forces de sécurité iraniennes avaient tiré à balles réelles pour réprimer des manifestations dans les régions kurdes de l'ouest de l'Iran, faisant 13 morts en 24 heures.
Le groupe de défense des droits des Kurdes d'Iran Hengaw, basé en Norvège, a posté des vidéos montrant les forces de l'ordre mener des opérations, en tirant à balles réelles, dans les villes de Piranchahr, Marivan et Javanroud.
Des renforts ont été envoyés ces derniers jours dans les régions kurdes, l'un des foyers du mouvement de contestation déclenché le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini.
Les manifestations s'y sont récemment intensifiées, notamment à l'occasion des funérailles des personnes tuées par les forces de sécurité lors des rassemblements.