Publié

À Montpellier, une expérience pilote cherche à intégrer réellement les Roms

Un mendiant Rom qui mendie à la rue de la Confédération dans le quartier des Rues Bases à Genève. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Montpellier tente l'insertion des Roms / Tout un monde / 5 min. / le 29 novembre 2022
La ville française de Montpellier mène une expérience inédite pour tenter d'intégrer les Roms. Elle a évacué le bidonville de Celleneuve, l'un des plus grands de France, au profit d'un "village de transition". Ceux qui ont accepté de s'y rendre bénéficient d'un suivi intensif.

Avec une communauté estimée entre 10 et 12 millions de personnes, les Roms sont la plus grosse minorité ethnique d'Europe. La plupart sont sédentaires, principalement établis en Europe de l'Est. Mais depuis la chute du Mur de Berlin puis l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne en 2007, beaucoup ont pris la route vers l'ouest, où ils finissent souvent dans une extrême précarité.

En avril 2022, le bidonville du quartier de Celleneuve, à l'ouest de Montpellier, a été vidé puis détruit après 10 ans d'existence. C'était l'un des plus grands de France avec 250 personnes.

Alors que les habitants de bidonvilles sont d'habitude purement et simplement expulsés en France, sans autre solution, la ville de Montpellier et la préfecture de l'Hérault ont opté pour une méthode différente.

Ainsi, une cinquantaine de familles ont accepté d'être logées dans un village de transition, au bord de l'autoroute, dans une série de bungalow spartiates mais salubres et équipés avec de l'eau et de l'électricité.

Scolarisation difficile

Ces Roms sont hébergés de façon temporaire dans ce village, où ils bénéficient d'un suivi intensif dans le but de les intégrer. "Une équipe de 12 personnes va aider ces personnes à trouver une autonomie: travail, langue, mais aussi une aide administrative autour de Pôle Emploi et de la santé", explique Christophe Cavard, représentant de l'association Coallia qui chapeaute le projet.

L'objectif est d'aboutir à une intégration professionnelle durable, afin qu'ils puissent également accéder à un véritable logement. Mais pour les travailleuses et travailleurs sociaux, la tâche n'est pas facile. Il leur faut gérer une culture différente, où la scolarisation, par exemple, n'a rien d'une évidence.

Au début, il a même fallu employer les grands moyens pour s'assurer que les enfants aillent à l'école. "Il a fallu accompagner les parents aussi", explique une travailleuse sociale. "Le choix qu'on a fait, c'est d'aller avec eux à l'école pendant deux mois. L'équipe du matin réveillait même les enfants."

Insertion professionnelle efficace

Dans le cadre professionnel, les différences se font également sentir. Certains ont du mal à comprendre le principe de ponctualité au travail, ou qu'on ne puisse pas s'absenter sans s'en justifier. Mais malgré ces quelques exceptions, le taux d'insertion est plutôt prometteur: dans 23 familles sur 42, il y a au moins un conjoint qui travaille. "C'est même très bien au regard du taux de chômage national", commente Sarah Elmonzi.

"Ce sont des gens très volontaires", souligne Christophe Cavard. "Alors qu'on parle aujourd'hui de pénurie dans un certain nombre d'emplois, eux, ce sont les premiers à lever le doigt. Du coup, une fois qu'on les met dans de bonnes conditions, les partenaires comme Pôle emploi ou les boîtes d'intérim sont assez gourmands" de ce genre de profils, poursuit-il.

Dans ces conditions, "il nous semble tout à fait possible d'atteindre notre objectif, c'est-à-dire que tout le monde trouve une solution d'autonomie au bout de 24 mois". Au printemps 2024, à la fin de cette expérimentation, le village de transition devrait avoir été vidé de sa population.

L'expérience est suivie au niveau national, car elle n'avait jamais été tentée en France, encore moins pour résorber un bidonville si important. Malgré le coût du projet, évalué à trois millions d'euros sur deux ans, le modèle pourrait être reproduit s'il s'avère efficace.

Pour le maire socialiste de Montpellier Michaël Delafosse, c'est une évidence: il faut agir de manière constructive contre les squats et les bidonvilles. "Quand ils existent, nous avons le devoir d'agir."

L'ancien site du bidonville de Celleneuve, quant à lui, a été nettoyé et accueillera prochainement un "Hôtel des protections" qui regroupera les services de la police municipale. Une école sera également construite sur ce site.

Frédéric Faux/jop

Publié