Les sélections des deux pays, qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques, s'étaient déjà affrontées au Mondial pour le "match de la fraternité", remporté en France par l'Iran 2 à 1 dans une ambiance incandescente en 1998.
A l’époque, les médias parlaient d’un "match de la paix" à l’issue de la rencontre remportée par l’Iran. Aujourd'hui, selon Kevin Veyssière, analyste en géopolitique du sport interrogé dans l'émission Forum de la RTS, "le contexte n'est pas du tout le même".
Jouée dans un contexte de dégel entre l'Occident et la République islamique, la rencontre avait été l'occasion de gestes de fraternisation entre les deux équipes qui s'étaient mélangées pour poser ensemble sur la photo officielle du match, s'offrant fleurs et fanions.
"Aucun discours diplomatique"
A l'époque, "tout avait été fait par la FIFA et les pouvoirs politiques pour utiliser ce match comme un billet de reprise diplomatique". Pour le match de 2022 au Qatar, "il n'y aucun discours diplomatique qui va dans ce sens", d'après Kevin Veyssière
Quoiqu'il arrive, il n'y aura donc pas d'impact sur les relations entre les deux pays, selon l'expert, "parce qu'autant pour le match de 1998, il y avait des discours diplomatiques mis en place en amont (..), autant on n'a pas du tout ce genre de discours de la part des responsables politiques américains et iraniens actuels".
Contexte iranien tendu
Il ajoute en outre que du fait que "le régime de la République islamique iranienne est très contesté en interne, (...) l'Iran ne va pas serrer la main à son ennemi (...). Il va surtout mettre la pression sur son équipe pour qu'elle ne prenne pas de nouveau position."
"Cette victoire sera instrumentalisée par le régime pour finalement mettre en avant la flamme nationaliste et essayer d'estomper l'image négative de l'Iran du fait de la répression des manifestations", conclut Kevin Veyssière.
Difficile positionnement des joueurs iraniens
Les joueurs iraniens disputent leur Mondial scrutés par le monde entier. Avant chacune de leurs deux premières rencontres, ils ont dû répondre aux mêmes questions, posées de manière parfois très insistantes par les médias occidentaux.
S'abstiendront-ils de chanter leur hymne pour signifier leur soutien aux manifestants comme ils l'ont fait contre l'Angleterre mais pas contre les Gallois? Fêteront-ils leurs buts? Feront-ils des gestes symboliques pour dénoncer la répression?
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Plusieurs joueurs, notamment la star Sardar Azmoun, ont dénoncé la répression sur les réseaux sociaux. Mais beaucoup de sympathisants des manifestants reprochent à la Team Melli son attitude, comme quand elle a été reçue par le président ultraconservateur Ebrahim Raissi avant son départ pour Doha.
Le sélectionneur iranien apaise
Autres images très commentées, celles des forces de l'ordre fêtant ostensiblement la victoire contre les Gallois, qui a été saluée par un tweet du Guide suprême Ali Khamenei.
Estimant que ses joueurs sont coincés dans une situation où, quoi qu'ils fassent, on le leur reprochera, leur sélectionneur portugais Carlos Queiroz semble avoir accepté d'endosser le rôle de paratonnerre des critiques et a tenté de ramener le match à sa seule dimension sportive.
Elle est considérable: un nul pourrait suffire pour assurer à l'Iran la première qualification de son histoire en huitièmes de finale d'un Mondial, pour sa sixième participation.
Les Etats-Unis, qui ont absolument besoin d'une victoire pour franchir ce tour, ont malgré tout ramené la géopolitique dans les débats d'avant-match.
Anthony Blinken fait de même
Sur son compte Twitter, la Team USA a fait disparaître le symbole de la République islamique sur le drapeau iranien utilisé pour annoncer le match, un geste "ponctuel pour montrer notre solidarité avec les femmes en Iran". Le drapeau officiel a ensuite été remis.
Désireux de calmer le jeu, le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken estimé que ce match restait un simple match sportif.
"Laissez les athlètes faire ce qu'ils ont à faire", a-t-il commenté mardi lors d'une réunion de l'Otan à Bucarest. "Je ne pense pas qu'il y ait d'aspect géopolitique particulier (...), ce doit être un match de compétition, laissons le match avoir sa propre logique."
Dans le même groupe, l'autre rencontre, disputée en même temps, propose une affiche britannique, avec l'Angleterre dans le rôle de la grande favorite face au Pays de Galles. Les Anglais sont quasiment qualifiés et finiront premiers du groupe s'ils l'emportent. Les Gallois, eux, ont besoin d'un miracle pour prolonger leur séjour.
furr avec afp
Plus de 300 morts dans les manifestations en Iran, selon un bilan officiel de Téhéran
Les autorités iraniennes ont pour la première fois fait état de la mort de plus 300 personnes dans les troubles qui ont suivi le décès de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, après son arrestation par la police des moeurs à la mi-septembre.
La mort en détention le 16 septembre de Mahsa Amini, arrêtée pour non respect du code vestimentaire strict de la République islamique, a déclenché une vague de manifestations, d'abord en province puis à Téhéran, qui a été réprimée par les forces de l'ordre.
"Tout le monde dans le pays a été affecté par la mort de cette dame", a déclaré le général Amirali Hajizadeh, commandant de la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran, dans une vidéo mise en ligne par l'agence de presse Mehr.
Bilan proche de celui de l'ONG Iran Human Rights
Ce bilan se rapproche de celui diffusé par l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, qui fait état d'au moins 416 personnes mortes "dans la répression des manifestations en Iran".
Selon cette organisation, ce chiffre comprend les personnes tuées dans les manifestations liées à la mort de Mahsa Amini et celles qui ont perdu la vie dans des violences au Sistan-Baloutchistan, une province du sud-est de l'Iran.
Des milliers d'Iraniens et une quarantaine d'étrangers ont en outre été arrêtés et plus de 2000 personnes ont été inculpées, selon les autorités judiciaires. Parmi les inculpés, six ont été condamnés à mort en première instance. Leur sort dépend désormais de la Cour suprême.