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"Donald Trump est affaibli, mais le trumpisme va survivre à Trump"

Géopolitis: Trump, retour manqué [AP/Keystone - Andrew Harnik]
Trump, retour manqué / Geopolitis / 26 min. / le 4 décembre 2022
Donald Trump vise à nouveau la Maison Blanche, alors que le camp républicain ressort affaibli des élections de mi-mandat. Une partie de l'électorat conservateur se détourne de l'ancien président, mais son héritage devrait peser durablement sur la politique américaine.

Depuis son fief de Floride, dans son luxueux domaine de Mar-a-Lago, Donald Trump a annoncé officiellement mi-novembre sa candidature à la présidentielle devant de fidèles supporters. En promettant de "rendre à l'Amérique sa grandeur et sa gloire", l'ancien président comptait sur la "très grande victoire" républicaine lors des dernières élections de mi-mandat. Mais le triomphe annoncé n'a pas eu lieu. La Chambre des représentants a seulement basculé de quelques sièges en faveur des républicains, et le Sénat est resté en mains démocrates. Une déception pour les conservateurs, d'autant que les candidats trumpistes ont échoué dans plusieurs Etats-clés.

Donald Trump avait ardemment soutenu les candidats aux positions les plus extrêmes. En Pennsylvanie, le très controversé Mehmet Oz, médecin et animateur de télévision accusé de charlatanisme, a reconnu sa défaite face au démocrate John Fetterman dans la course au Sénat. Autre revers en Arizona pour Kari Lake qui briguait le siège de gouverneure. Cette figure emblématique du trumpisme, qui a toujours défendu l'idée que l'élection de Donald Trump a été volée en 2020, a elle-même contesté la victoire de son adversaire démocrate.

"Donald Trump sort affaibli de ces élections", commente la chercheuse et directrice de la revue Esprit Anne-Lorraine Bujon dans Géopolitis. Mais si Donald Trump est en difficulté, cela ne signe pas pour autant la défaite du trumpisme, selon elle: "Ces élections nous donnent le signal que le trumpisme va survivre à Trump."

L'aura de Trump ternie

Pour se présenter à nouveau devant le peuple américain, Donald Trump devra d'abord convaincre son propre camp. Lors de son annonce de candidature, l'ancien président semblait plutôt faire cavalier seul. Aucun cadre du Parti républicain n'a fait le déplacement, de même que son fils aîné Don Jr. et sa fille Ivanka. Proche conseillère durant son mandat, Ivanka Trump a fait savoir qu'elle ne s'impliquerait pas dans cette nouvelle campagne.

Une fin de mandat dans le chaos, sa défaite face à Joe Biden qu'il n'a jamais reconnue, Donald Trump continue de surfer sur le thème de l'élection volée, alors qu'il refuse toujours de témoigner devant la Chambre des représentants dans l'enquête sur l'assaut du Capitole, invoquant l'"immunité absolue". Bien d'autres investigations sont en cours: sur ses affaires financières, sa gestion des documents confidentiels de la Maison Blanche ou les pressions exercées sur des agents électoraux.

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Plusieurs anciens membres de l'administration Trump se sont déjà détournés du milliardaire. Son vice-président Mike Pence, qui avait dénoncé "ses actions irresponsables", a estimé que les républicains avaient besoin "d'un nouveau leadership" lors d’une réunion publique organisée par CNN. Son secrétaire d'Etat Mike Pompeo attend pour sa part de "meilleures options" dans le processus des primaires.

L'étoile montante DeSantis

Le gouverneur de Floride Ron DeSantis, réélu haut la main le 8 novembre, fait figure de nouveau favori des conservateurs. "On dit déjà que certains grands caciques du Parti républicain sont en train de se positionner comme des soutiens de DeSantis le jour où il annoncera sa candidature", souligne Anne-Lorraine Bujon. "On dit aussi que des grands donateurs du Parti républicain sont en train de se détourner de Trump au profit de DeSantis et ça c'est très important. "Follow the money"  (suivez l'argent, ndlr), pour comprendre la politique américaine", poursuit-elle.

Ron DeSantis ne représente pas pour autant l'aile modérée du parti, précise la chercheuse: "DeSantis, c’est Trump XXL. C'est le trumpisme, sans Trump. Il est très conservateur, très nationaliste, très protectionniste, il alimente les guerres culturelles". "Ce réalignement politique que Trump a accéléré, il est en train de se poursuivre", ajoute-t-elle.

Si Donald Trump peut toujours compter sur une base de fidèles partisans, un sondage YouGov réalisé dans la foulée des midterms montre que l'homme d'affaires récolte 39% d'opinions favorables, contre 41% pour Ron DeSantis auprès des sympathisants républicains.

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Le tournant conservateur

En nommant trois juges conservateurs à la Cour suprême durant son mandat, Donald Trump a ancré un peu plus à droite la plus haute juridiction américaine.

Dans une décision qui fera date, la cour a révoqué le 24 juin dernier l'arrêt Roe vs. Wade, qui garantissait depuis 1973 la légalité de l'avortement au niveau fédéral. Les 50 Etats américains sont désormais libres de l'autoriser ou l'interdire sur leur territoire. L'IVG est aujourd'hui illégale ou restreinte pour près de la moitié des Américaines.

"Cette Cour suprême très conservatrice est un legs durable de la présidence Trump", relève Anne-Lorraine Bujon. "C'est l'aboutissement de 30 ans d'une stratégie politique de la part de la droite conservatrice aux États-Unis, de la droite chrétienne, qui avait pour obsession de faire nommer des juges conservateurs, non seulement à la Cour suprême, mais à tous les échelons du système judiciaire." Avec des conséquences qui pourraient modifier durablement le visage des Etats-Unis.

Aujourd'hui à majorité conservatrice, la Cour suprême a pris position cet été dans un dossier tout aussi clivant que l’avortement. Elle a invalidé une loi new-yorkaise qui limitait le port d’armes hors du domicile. Dans tous les Etats, les Américains pourront désormais sortir de chez eux un revolver en poche, à l’exception de certaines zone sensibles, comme les écoles. Aux Etats-Unis, le marché des armes à feu a explosé en vingt ans. Le débat est toujours plus virulent, alors que les tueries de masse font de plus en plus de victimes chaque année.

Craignant un volte-face de la Cour suprême sur la question du mariage homosexuel, le Sénat américain vient de voter une loi qui protège ce droit dans l'ensemble du pays. Le président Joe Biden s'est d'ailleurs engagé à la signer "rapidement".

>> Lire aussi : Après l'avortement, la Cour suprême des Etats-Unis fait sa rentrée avec des dossiers brûlants

Ce tournant conservateur illustre bien ce combat des valeurs qui polarise toujours plus le pays. "L'Amérique profonde, plus rurale, moins peuplée, plus blanche, plus chrétienne s'oppose de plus en plus à l'Amérique des grandes villes, multinationales, de la côte", résume Anne-Lorraine Bujon.

Certains Américains n'hésitent pas à déménager pour vivre dans un Etat qui correspond davantage à leurs valeurs. Selon une récente enquête de Morning Consult, menée auprès de plus de 4000 Américaines et Américains, 44 % des sondés, inquiets de perdre leur accès à l’avortement, affirment être prêts à déménager dans un autre Etat plus favorable à l'IVG.

Mélanie Ohayon

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