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En Iran, la police des moeurs est dissoute, un geste envers les manifestants

Après des semaines de contestation, le procureur général iranien dissout la police des mœurs, responsable de la mort de Mahsa Amini
Après des semaines de contestation, le procureur général iranien dissout la police des mœurs, responsable de la mort de Mahsa Amini / 19h30 / 2 min. / le 4 décembre 2022
L'Iran a annoncé l'abolition de la police des moeurs à l'origine de l'arrestation de la jeune Mahsa Amini, dont la mort en détention a provoqué une vague de contestation en Iran qui perdure depuis près de trois mois.

Cette annonce, considérée comme un geste envers les manifestants, est intervenue après la décision samedi des autorités de réviser une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire en Iran, imposé quatre ans après la révolution islamique de 1979.

C'est la police des moeurs qui avait arrêté le 13 septembre Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, à Téhéran en l'accusant de ne pas respecter le code vestimentaire strict en République islamique, qui impose aux femmes le port du voile en public. 

Sa mort a été annoncée trois jours plus tard. Selon des militants et sa famille, Mahsa Amini a succombé après avoir été battue, mais les autorités ont lié son décès à des problèmes de santé, démentis par ses parents.

Son décès a déclenché une vague de manifestations durant lesquelles des femmes, fer de lance de la contestation, ont enlevé et brûlé leur foulard, en criant "Femme, vie, liberté".

>> Les explications de Siavosh Gazi dans le 12h30 :

En Iran, le régime suspend la police des mœurs. [AP Photo - Gregorio Borgia]AP Photo - Gregorio Borgia
En Iran, le régime suspend la police des mœurs / Le 12h30 / 1 min. / le 4 décembre 2022

>> Lire aussi : En Iran, la révolte survit à la répression par la puissance des réseaux sociaux

"Abolie par ceux qui l'ont créée"

Malgré la répression qui a fait des centaines de morts, le mouvement de contestation se poursuit.

"La police des moeurs (...) a été abolie par ceux qui l'ont créée", a indiqué samedi soir le procureur général Mohammad Jafar Montazeri, cité par l'agence de presse Isna dimanche.

Cette police, connue sous le nom de Gasht-e Ershad (patrouilles d'orientation), a été créée sous le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, pour "répandre la culture de la décence et du hijab". Elle est formée d'hommes en uniforme vert et de femmes portant le tchador noir, qui couvre la tête et le haut du corps.

Cette unité a commencé ses premières patrouilles en 2006.

Rôle évolutif

Le rôle de la police des moeurs a évolué au fil des années, mais il a toujours divisé, même parmi les candidats à la présidentielle. Sous le mandat du président modéré Hassan Rohani, on pouvait croiser des femmes en jeans serrés portant des voiles colorés.

Une fresque murale anti-américaine à Téhéran. [EPA/Keystone - Abedin Taherkenareh]
Une fresque murale anti-américaine à Téhéran. [EPA/Keystone - Abedin Taherkenareh]

Mais en juillet dernier, son successeur, l'ultraconservateur Ebrahim Raïssi, a appelé à la mobilisation de "toutes les institutions pour renforcer la loi sur le voile", déclarant que "les ennemis de l'Iran et de l'islam voulaient saper les valeurs culturelles et religieuses de la société en répandant la corruption".

Les femmes qui enfreignent le strict code vestimentaire de la République islamique d'Iran risquaient d'être embarquées par cette unité.

Samedi, le même procureur, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé que "le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient" sur la question du port du voile obligatoire, sans préciser ce qui pourrait être modifié dans la loi.

>> Lire : Les autorités iraniennes pourraient modifier la loi sur le port du voile

Loi rigoriste

Il s'agit d'une question ultra-sensible en Iran, sur laquelle s'affrontent deux camps: celui des conservateurs qui s'arc-boutent sur la loi de 1983 et celui des progressistes qui veulent laisser aux femmes le droit de choisir de le porter ou non.

Selon la loi en vigueur depuis 1983, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public.

Depuis la mort de Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvrent la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran.

>> Revoir aussi l'interview de Masih Alinejad, journaliste iranienne exilée et figure de l'opposition, dans le 19h30 :

Depuis 10 ans la journaliste Masih Alinejad œuvre à la remise en question du port du voile obligatoire en Iran. Portrait et entretien
Depuis 10 ans la journaliste Masih Alinejad œuvre à la remise en question du port du voile obligatoire en Iran. Portrait et entretien / 19h30 / 5 min. / le 1 décembre 2022

>> Lire aussi : Masih Alinejad: "Tôt ou tard le peuple iranien va se débarrasser de la République islamique"

Nombreuses victimes

Le 24 septembre, soit une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d'Iran a exhorté l'Etat à annuler l'obligation du port du voile.

L'Iran, qui voit dans la plupart des manifestations des "émeutes", accuse notamment des forces étrangères d'être derrière ce mouvement pour déstabiliser le pays.

Selon un dernier bilan fourni par le général iranien Amirali Hajizadeh, du corps des Gardiens de la Révolution, il y a eu plus de 300 morts lors des manifestations depuis le 16 septembre.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur l'enquête internationale ouverte par l'ONU sur la répression en Iran :

Répression en Iran, l'ONU ouvre une enquête internationale
Répression en Iran, l'ONU ouvre une enquête internationale / 19h30 / 2 min. / le 24 novembre 2022

agences/kkub

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"Une concession calculée de la part du régime"

Hasni Abidi, politologue et spécialiste du monde arabe, explique dans le 19h30 que cette suppression de la police des moeurs est "une manoeuvre du gouvernement iranien pour gagner la confiance de la population et envoyer un signe d'apaisement à la veille d'une grève générale qui s'annonce très difficile".

Le politologue souligne toutefois qu'"il s'agit surtout d'un succès pour la rue, qui a quand même réussi à arracher une victoire importante."

Hasni Abidi estime toutefois que "c'est une concession calculée de la part du régime. Il n'y perd pas grand-chose. La rue ne demandait pas seulement l'abolition de cette police, mais également la fin du système autoritariste. Et ça, le régime n'est pas prêt à le faire."

>> Regarder l'interview complète de Hasni Abidi dans le 19h30 :

Pour Hasni Abidi, politologue et spécialiste du monde arabe, l'abolition de la police iranienne des mœurs est une victoire de la rue qui réclame la fin de l'autoritarisme du régime
Pour Hasni Abidi, politologue et spécialiste du monde arabe, l'abolition de la police iranienne des mœurs est une victoire de la rue qui réclame la fin de l'autoritarisme du régime / 19h30 / 1 min. / le 4 décembre 2022

Une première victoire de la rue, selon Fariba Hachtroudi journaliste iranienne

La dissolution de la police des moeurs et la décision de réviser une loi de 1983 sont deux annonces importantes. Elles montrent que les rapports de force ont changé, affirme dimanche dans Forum Fariba Hachtroudi, journaliste iranienne résidant en France: "Ces messieurs ont compris qu'avec la répression, ils n'arriveraient à rien, que la rue ne s'arrêterait pas là."

Face à la pression, le régime a dû reconnaître une inadéquation entre la loi et les pratiques quotidiennes, explique la journaliste : "Il n'y a plus de police des moeurs, puisque la plupart des femmes sont sans voile." Selon elle, les politiciens modérés ont obligé les fractions les plus radicales à accepter de faire marche arrière, au risque de mener le pays au bord du précipice.

>> L'interview de Fariba Hachtroudi dans Forum :

En Iran, le régime abolit la police des mœurs: interview de Fariba Hachtroudi
En Iran, le régime abolit la police des mœurs: interview de Fariba Hachtroudi / Forum / 6 min. / le 4 décembre 2022

Mais la question du voile n'est toujours par réglée, selon la journaliste, qui détaille le processus qui permettrait de changer la loi iranienne: "Pour régler la question, il y deux manières de faire. Soit le Parlement abroge la loi, soit une fatwa du Guide suprême le fait. Mais je ne vois pas monsieur Khamenei renoncer au port du voile, car c'est un des symboles de ce régime."

Pour les manifestants, cette étape reste une première victoire, estime la journaliste: "Ce qui est très important, c'est que l'on parle de la Constitution. Les manifestants demandent un retour à la Constitution, qui accorde de nombreuses libertés. Si vous la respectez, toutes les libertés sont promises, notamment celle de manifester."