Harissa, raï et fête de l'Ours: les heureux lauréats du patrimoine immatériel de l'Unesco
La semaine dernière, le comité du patrimoine culturel immatériel l'Unesco, présidé par le Maroc, s'est réuni à Rabat pour évaluer 56 candidatures.
Afin d'éviter les controverses, l'organisation honore avant tout des traditions et des savoir-faire à sauvegarder. Elle ne reconnaît pas, ainsi, que la baguette de pain appartient au patrimoine mondial immatériel mais que "les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette" en font partie.
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Cette année, des dossiers aussi variés que les techniques de transformation du thé (Chine), l’alcool de prune de Serbie, la pratique de la danse moderne (Allemagne) ou encore le radelage, soit l'art de manier des radeaux, ont fait leur entrée sur la fameuse liste.
Au total, l'organisation a distingué 47 coutumes, des plus emblématiques aux plus méconnues. En voici trois exemples.
La harissa, symbole culinaire tunisien
La Tunisie s'est réjouie de voir la harissa, son condiment national, honoré par l'Unesco. On trouve ce condensé de piments quasiment dans toutes les assiettes de restaurateurs d
u pays.
"La harissa est bien connue sur tout le territoire tunisien où elle est consommée et produite, en particulier dans les régions qui cultivent le piment", peut-on lire dans le dossier de candidature qui avait été présenté par la Tunisie. "Elle est perçue comme un élément identitaire du patrimoine culinaire national, et un facteur de cohésion sociale."
"La harissa est préparée, le plus souvent, par les femmes dans un cadre familial ou vicinal convivial, à caractère festif, marqué par une entraide communautaire remarquable", détaille encore le texte.
Le raï, chant populaire algérien
"Félicitations!", a lancé l'Unesco sur son compte Twitter en annonçant que le raï a fait son entrée sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité.
Apparu dans les années 30, ce chant populaire était à l'origine pratiqué en milieu rural par des doyens qui chantaient des textes poétiques en arabe vernaculaire, accompagnés d'un orchestre traditionnel, selon l'organisation. Il aborde des thèmes tels que l'amour, la liberté, le désespoir et la lutte contre les pressions sociales.
C'est au milieu des années 80 que le raï explose: sous l'influence de "Chebs" (jeunes), cette musique traditionnelle algérienne de la région d'Oran (ouest) se modernise. Après un premier festival en 1985, ce genre musical débarque en France à l'occasion d'un festival à Bobigny, en région parisienne, en janvier 1986.
Grâce à cet événement, le public français découvre aussi la voix de Cheb Mami, qui, aux côtés de Cheb Khaled ou de Cheikha Rimitti, deviendront par la suite des stars mondiales.
Au cours des années 2000, le raï a ensuite peu à peu disparu des grands plateaux de télévision et retrouvé son public confidentiel des débuts.
En France, des ours en liberté
Aux côtés de coutumes et aliments "célèbres", certaines traditions plus confidentielles ont aussi réussi a séduire les membres du comité.
C'est le cas de la fête de l'Ours, qui subsiste dans le Haut-Vallespir, région montagneuse des Pyrénées françaises. Seuls trois villages - Prats-de-Mollo-la-Preste, Saint-Laurent-de-Cerdans et Arles-sur-Tech - célèbrent encore à leur manière le passage de l'hiver au printemps en organisant une folle chasse à l'ours en février.
"Pendant l’événement, de jeunes hommes se déguisent en ours et courent dans les rues pour tenter d’attraper les participants", peut-on lire sur la page web dédiée de l'Unesco. D'une commune à l'autre, le scénario reste sensiblement le même: l'ours se réveille à la fin de l'hiver, les villageois doivent le capturer pour qu'il redevienne humain.
Deux autres fêtes similaires se déroulent dans les haute vallées de l'Andorre, ce qui explique la candidature commune présentée à l'Unesco, précise Ouest France.
doe avec afp
La "ducasse d'Ath", jugée raciste et retirée
L'Unesco a décidé de retirer de sa liste du patrimoine culturel immatériel la "ducasse d'Ath" en Belgique, un festival dans lequel apparaît un "Sauvage" grimé en noir, des chaînes autour des poignets.
Plusieurs pays africains ont soulevé la question à la 17e session du comité du patrimoine immatériel de l'Unesco, à Rabat.
"Je suis africain et je suis profondément choqué par ces éléments", a déclaré le représentant permanent du Maroc et président de séance Samir Addhare.
Tradition remontant au XVIe siècle
La ducasse d'Ath, en Wallonie (sud), existe depuis le XVIe siècle et rassemble des dizaines de milliers de personnes le dernier week-end d'août, avec comme point d'orgue le cortège du dimanche dont le Sauvage est la vedette.
La procession avait été inscrite par l'Unesco en 2008 au patrimoine culturel immatériel, intégrée à l'élément "Géants et dragons processionnels de Belgique et de France", selon l'organisation onusienne.
Fin 2019, l'Unesco avait déjà retiré de sa liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité le carnaval belge d'Alost, accusé d'antisémitisme.