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Pékin est contraint d’assouplir ses restrictions "zéro-Covid"

La Chine annonce un allègement général des règles sanitaires. [AP Photo - Andy Wong]
Les effets encore incertains de l'assouplissement de la politique chinoise du "zéro Covid" / La Matinale / 1 min. / le 8 décembre 2022
Le gouvernement chinois fait un pas décisif vers la fin de sa politique sanitaire draconienne. Cette stratégie visant à enrayer la propagation du virus à coups de dépistages massifs et de quarantaines strictes se solde par un échec pour le pouvoir qui reconnaît implicitement ses limites face à un variant Omicron hautement contagieux. Hormis le coût économique infligé à la deuxième économie mondiale, le "zéro-Covid" a également engendré une rare défiance à l’égard du puissant Xi Jinping.

Le gouvernement chinois a annoncé mercredi un assouplissement sans précédents des restrictions Covid. La plupart des individus infectés pourront désormais effectuer leur quarantaine à domicile. Les personnes atteintes de symptômes légers ou asymptomatiques ne seront plus isolées de force dans des centres au confort souvent spartiate.

Beaucoup en Chine angoissent à l’idée de se retrouver arrachés de force à leur domicile et séparés de leur famille par des escadrons de "Dabai", ces soldats du zéro-Covid vêtus d'une combinaison blanche de protection intégrale. Des scènes qui devraient donc disparaître.

Moins de tests PCR

La fréquence des tests PCR obligatoires sera en outre réduite, ont indiqué les autorités sanitaires. Dans de nombreuses régions du pays, l’admission aux parcs, aux bars, aux restaurant, aux transports publics ou aux hôpitaux est toujours conditionnée à la présentation d’un test de moins de 24, 48 ou 72 heures. Patienter dans les files d’attente des postes de prélèvements dispersés à travers les villes est devenu une corvée quasi-quotidienne pour les habitants.

Si le recours au verrouillage de bâtiments et de zones résidentielles reste possible, ces mesures seront dorénavant limitées dans le temps et devront être levées rapidement.

>> > : La protestation enfle en Chine contre les confinements anti-Covid

Des concessions après les manifestations

Les changements annoncés ne constituent pas un démantèlement complet de la politique "zéro-Covid" de Pékin, mais indiquent clairement un fléchissement du pouvoir qui signale être prêt à vivre avec le virus. Il s’agit d’une petite révolution dans un pays déterminé jusqu'alors à maintenir coûte que coûte ses restrictions exceptionnellement rigoureuses.

L’assouplissement des mesures qui ont occasionné l’effondrement de l’activité économique et perturbé la vie de centaines de millions de personnes apparaît comme une concession implicite face aux manifestations survenues simultanément dans une douzaine de villes chinoises fin novembre.

>> Revoir le reportage du 19h30 sur l'épuisement de la population chinoise face aux mesures anti-Covid :

En Chine, les habitants sont épuisés par les confinements et impuissants face à la répression du régime communiste chinois.
En Chine, les habitants sont épuisés par les confinements et impuissants face à la répression du régime communiste chinois. / 19h30 / 2 min. / le 30 novembre 2022

Une économie frappée de plein fouet

Le mécontentement du public ne suffit cependant pas à expliquer à lui seul le brusque virage opéré par le Parti communiste. Frappées de plein fouet, de nombreuses petites entreprises ont mis la clé sous la porte ces derniers mois. Moteur de l’économie, les exportations sont en berne. Elles se sont mêmes contractées au mois de novembre : -10.8% selon des chiffres officiels dévoilés mercredi, l'une des pires contre-performances enregistrées.

Le chômage a quant à lui pris l’ascenseur, particulièrement auprès des jeunes, dont le taux de sans-emploi atteint près de 20%, un record.

Enfin, la charge financière infligée aux gouvernements locaux – responsables de la mise en œuvre d’une gestion sanitaire gourmande en ressources – devient également insupportable.

Autant de coûts et d’impacts difficiles à justifier pour le gouvernement, à l’heure où les mesures s’avèrent inefficaces pour contenir le sous-variant Omicron. Pékin, Guangzhou, Chengdu, Chongqing se débattent depuis des semaines avec des foyers irréductibles. Une impuissance qui semble avoir pris de court les autorités, contraintes de changer leur fusil d’épaule.

Changement de discours sur Omicron

Après avoir monté en épingle la dangerosité du virus à coup de propagande virulente, le pouvoir s’attache depuis quelques jours à changer sa rhétorique. Dans le sillage des manifestations anti-Covid, les médias d’Etat mettent à présent l’accent sur le caractère bénin d’Omicron.

Un article "exclusif" publié par le quotidien nationaliste Global Times en fin de semaine dernière affirmait par exemple que "des scientifiques chinois viennent de démontrer une pathogénicité du variant Omicron beaucoup plus faible que celle des variants précédents".

Les Chinois auront eu peu de temps pour assimiler ce nouveau discours. Les signaux d’allègements se succèdent rapidement malgré le faible taux de vaccination des personnes âgées, les plus vulnérables face au virus.

Une campagne de vaccination encore défaillante

De nombreux experts ont enjoint Pékin à accélérer le rythme des immunisations avant la réouverture. Seuls deux tiers des plus de 80 ans ont par exemple reçu deux doses de vaccin. Deux sur cinq ont reçu une piqûre de rappel, pourtant jugée cruciale en raison de sérums inactivés, moins efficaces que les vaccins à ARN messager que le gouvernement chinois refuse d’homologuer.

Une campagne de vaccination a bien été annoncée au début du mois. Le gouvernement ambitionne d’immuniser 90 à 95% des 60 ans et plus d’ici fin janvier. Malgré ce délai très court, les autorités ont quand même choisi d’accélérer la réouverture en changeant sans attendre leur politique sanitaire, signalant un certain degré d’urgence. Une gestion chaotique susceptible de semer la confusion auprès des gouvernements locaux.

En effet, après avoir intériorisé les impératifs extrêmes du "zéro-Covid" et les sanctions encourues en cas d’apparition de foyers dans leurs circonscriptions, les officiels régionaux doivent maintenant s’adapter et négocier le virage imposé.  

L'abandon d'une politique signature pour Xi Jinping

Le revirement opéré est d’autant plus remarquable que Xi Jinping, l’homme fort de la Chine, avait misé la légitimité du parti sur la gestion efficace du "zéro-Covid". Devenue sa politique signature, le dirigeant le plus puissant depuis Mao Zedong en avait fait ni plus ni moins une campagne idéologique visant à démontrer la supériorité du système de gouvernance centralisé chinois par rapport aux démocraties occidentales.

Xi Jinping martelait il y a quelques semaines encore la nécessité de poursuivre la  "guerre populaire" contre le coronavirus en mobilisant les masses pour éliminer toutes les infections. En signalant la fin du combat alors que l’ennemi continue d’avancer, le pouvoir reconnaît indirectement une défaite aux conséquences incertaines pour le général en chef Xi Jinping.

Michael Peuker/ther

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