Les plans d'un groupuscule complotiste composé d'un prince, d'anciens soldats d'élite, d'une ressortissante russe et d'une ex-députée d'extrême droite ont été déjoués mercredi.
Cette mouvance extrémiste, nourrie à l'idéologie des "Reichsbürger" (Citoyens du Reich, ndlr), a pris de l'ampleur avec les restrictions sanitaires. Elle s'était construite avec une organisation quasi gouvernementale, en vue d'un coup d'Etat: le réseau avait en effet pour objectif d'attaquer le Parlement allemand, d'enlever des personnalités politiques et de renverser le gouvernement.
Au total, 25 personnes ont été arrêtées à l'aube dans une vaste opération qui a mobilisé 3000 policiers à travers toute l'Allemagne, ainsi qu'en Autriche et en Italie. L'enquête vise 52 personnes.
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Des fervents opposants à la République
Les personnes affiliées aux "Reichsbürger" considèrent la République fédérale d'Allemagne comme illégitime, explique Jean-Yves Camus, politologue et codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, jeudi dans l'émission Tout un monde. "Elles arguent de la continuité juridique du second et du troisième Reich et estiment que le Reich créé en 1870 est toujours en existence, et que la République fédérale d'Allemagne est un Etat d'usurpation."
Le renseignement intérieur allemand évalue le nombre des "Reichsbürger" à 21'000. Parmi ces individus, une sous-catégorie de 2100 personnes est spécifiquement orientée vers la violence et peut "avoir l'intention de renverser les institutions", nuance le spécialiste.
Il indique par ailleurs que les plans déjoués du groupuscule d'extrême droite semblent avoir comme toile de fond la tentative d'assaut du Capitole américain, le 6 janvier 2021, qui a "fasciné" certains membres de cette mouvance.
L'Allemagne pas laxiste dans la répression
Jean-Yves Camus souligne également la prudence du système juridique allemand. "La justice n'arrête que les gens sur lesquels pèsent des charges réelles et sérieuses", ce qui expliquerait selon lui que seules 25 personnes aient été arrêtées.
Des critiques adressées à l'Allemagne pointent le fait que le pays investit beaucoup dans la prévention, mais pas assez dans la répression des mouvements extrémistes.
Le politologue français ne s'accorde pas sur cette analyse. Il existe en Allemagne une surveillance assez étroite de la pénétration de tous les extrémismes, notamment dans la police, dans l'armée et dans l'enseignement, affirme-t-il. Et des sanctions sont appliquées. "En raison du passé très spécifique de l'Allemagne, il y a au contraire un système judiciaire qui fonctionne particulièrement bien", insiste le spécialiste.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/iar