Les ONG Welfarm, Tierschutzbund Zürich et Animal Welfare Foundation sont actives dans la lutte contre la maltraitance animale et en particulier contre ce qui est appelé les "fermes à sang".
Les premières enquêtes de ces organisations remontent à 2015 et concernent des fermes en Argentine et en Uruguay. Les rapports publiés ont connu un écho médiatique important en 2018, lorsque des images montrant des juments portantes faméliques, à moitié agonisantes et blessées, ont massivement été partagées.
L'opinion publique avait alors découvert la pratique consistant à prélever plusieurs litres de sang sur des juments gestantes dans le but de récupérer la PMSG, une hormone qui favorise la fertilité des truies, des vaches ou des chèvres des élevages industriels. Cette hormone est produite en plus grande quantité lorsque les juments ne sont pas suffisamment nourries.
Les méthodes contestées persistent
A la suite de ce scandale, certains laboratoires en France avaient cessé de produire le médicament vétérinaire issu de la PMSG. D'autres avaient arrêté de s'approvisionner en Amérique du Sud et s'étaient tournés vers les fermes à sang islandaises, qui ont meilleure réputation. Le pays exporte la fameuse hormone depuis plus de 40 ans et est le plus grand producteur européen de PMSG, avec 120 fermes à sang et plus de 5000 juments. En 2021, les fermes islandaises ont elles aussi été mises en cause par Welfarm, Tierschutzbund Zürich et Animal Welfare Foundation, qui dénoncent des méthodes et des traitements similaires à ceux pratiqués en Amérique du Sud.
Vendredi dernier, les trois ONG ont remis le sujet sur la table. Une enquête démontre que depuis quatre ans, les modes de production de ces fermes n'ont pas réellement changé. "Nous avons pu constater par nous-mêmes que les juments utilisées pour la production des hormones PMSG étaient maltraitées. Le procédé pour leur prendre du sang est très brutal. Ce sont des juments sauvages qu'on emmène tout à coup de force dans des boxes où on les attache pour qu'elles ne bougent pas, on leur met une canule et on les saigne", relate Sabrina Gurtner de Tierschutzbund Zürich, interrogée cette semaine dans Tout un monde.
Selon elle, cinq litres de sang sont prélevés par semaine en Islande et jusqu'à dix litres en Amérique du Sud, ce qui impacte gravement la santé des chevaux. "Ajoutons à cela le fait qu'en Amérique du Sud les juments sont avortées, car on ne trouve la PSMG dans leur sang que dans les premières semaines de gestation. Donc on les avorte au bout du 130e, 140e jour, ce qui permet ainsi de les féconder à nouveau la même année et de reprendre leur sang. En Islande, les juments ne sont pas avortées, mais la plupart des poulains sont emmenés à l'abattoir quand ils ont environ six mois", rapporte encore Sabrina Gurtner.
D'autres fermes à sang existent dans le monde, affirme-t-elle, notamment en Allemagne et probablement en Chine. Il pourrait également y en avoir ailleurs sur le territoire européen, car ce marché est lucratif: en 2022, la France a par exemple importé l'équivalent de 4 millions de dollars de ce médicament pour la fertilité animale.
Des alternatives encore peu mobilisées
Des alternatives à ces saignées existent pourtant bel et bien et permettent de maintenir la fertilité des animaux d'élevage. Il y a notamment la méthode de "l'effet mâle", qui consiste à séparer les mâles et les femelles lors de l'élevage d'animaux et de les réunir au moment où il est nécessaire de relancer leur cycle sexuel, explique Sandy Bensoussan-Carole, en charge des études en bien-être animal à l'ONG Welfarm.
D'autres solutions peuvent provenir de l'alimentation et des lieux d'habitation. Une alimentation plus riche et des changements de locaux peuvent aider également à relancer ce cycle. "Cela demande de travailler autrement et de changer ses habitudes", résume la chercheuse. "Il faut être davantage dans l'observation des animaux et être un peu plus technicien dans son travail, pour être sûr que l'on aperçoit bien le moment où les chaleurs se manifestent."
En France, des chercheurs et chercheuses de l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) ont breveté en 2018 une molécule dont les effets, proches de ceux de la PMSG, s’avèrent prometteurs, notamment chez les chèvres et les brebis, mais dont aucun laboratoire ne souhaite financer la commercialisation. "Les méthodes sont connues, mais il faut demander aux éleveurs de les déployer. Actuellement, il y a d'autres volontés politiques, ce n'est pas la priorité", note Sandy Bensoussan-Carole.
De leur côté, les ONG demandent à ce que la production et l'importation de la PMSG soient interdites en Europe. Une résolution non contraignante en ce sens a été votée par le Parlement européen en octobre 2021, mais elle n'a pour l'heure pas été concrétisée. Les pays concernés par la production ou l'importation de cette hormone plaident quant à eux la difficulté de contrôler ces fermes à sang.
Ariane Hasler/iar
Une hormone plus utilisée en Suisse
En Suisse, la PSMG n'est plus utilisée depuis mai 2022, selon une décision des associations d'éleveurs, qui s'étaient tournées vers l'Islande à la suite du scandale sud-américain. Mais une fois les images islandaises révélées au grand public, et pour ne pas entacher leur réputation, les organisations agricoles ont décidé de cesser d'utiliser l'hormone, dont le recours était de toute manière marginal.
"Nous espérions pouvoir obtenir des hormones PMSG de la part d'autres pays qui auraient des modes de prélèvement plus respectueux des animaux, mais cela n'a pas été possible. C'est pour cette raison que nous avons décidé de bannir totalement cette hormone", précise Michel Darbellay, membre de la direction de l'Union suisse des paysans, au micro de la RTS.
Même si la filière suisse se veut plus vertueuse, et que la viande consommée en Suisse est majoritairement produite dans le pays, la viande importée n'est elle pas soumise à cette règle.