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Fabrice d'Almeida: "Nombre de milliardaires ont comme technique de vivre caché pour vivre heureux"

Fabrice d'Almeida, historien des médias et de la propagande. [Georges Seguin]
Les ultra-riches, nuisibles ou utiles à la société? Interview de Fabrice D'Almeida / Forum / 8 min. / le 10 décembre 2022
La planète est peuplée par 2668 milliardaires, selon une étude de la banque UBS publiée jeudi. Interrogé samedi dans Forum, l'historien Fabrice d'Almeida explique que les ultra-riches préfèrent généralement l'adage "pour être heureux, vivons caché" et que certains rendent de grands services à la société.

Ces personnes richissimes détiennent une fortune totale de 12'706 milliards de dollars, selon l'étude d'UBS. Se pose la question du véritable pouvoir de ces immenses fortunes. Celui-ci est difficilement mesurable. "D'autant plus qu'une bonne partie d'entre eux ont comme technique de vivre caché pour vivre heureux. Et donc d'exercer une influence aussi discrète que possible sur la législation et l'organisation de la société", souligne Fabrice d'Almeida, auteur du livre l'Histoire mondiale des riches, paru récemment chez Plon.

Le magnat des médias Rupert Murdoch en compagnie de Donald Trump, alors candidat à l'élection présidentielle aux Etats-Unis, au golf écossais du second à Aberdeen, en Ecosse, en juin 2016. [REUTERS - Carlo Allegri]
Le magnat des médias Rupert Murdoch en compagnie de Donald Trump, alors candidat à l'élection présidentielle aux Etats-Unis, au golf écossais du second à Aberdeen, en Ecosse, en juin 2016. [REUTERS - Carlo Allegri]

"Une bonne partie d'entre eux agissent par lobby, par cabinet interposé", précise-t-il. "Parfois, il y a des éléments de législation qui leur sont favorables, dont on ne sait pas qu'ils en sont à l'origine. De la même manière, pour négocier avec le fisc, ils ont les mêmes méthodes, avec des cabinets d'avocats."

Selon lui, rares sont les ultra-riches qui cherchent à influencer directement le pouvoir politique. "Donald Trump ou Silvio Berlusconi sont d'une certaine manière des exceptions. Plus souvent, ils se conduisent comme Rupert Murdoch, en soutenant une personnalité politique. Murdoch, c'est ce milliardaire d'origine australienne qui soutient Margaret Thatcher et qui devient un des bailleurs de fonds du Parti républicain, jusqu'à soutenir Donald Trump. D'ailleurs, aujourd'hui, il se met un peu en retrait par rapport au milliardaire tonitruant du Parti républicain."

Sans les riches, on va droit dans le mur

D'après l'historien, la société se détériore en l'absence des riches. "L'Union soviétique, qui abolit la richesse, s'est retrouvée un long moment avec un décrochage en termes de niveau de vie par rapport aux autres nations européenne", illustre-t-il. Il prend également la Chine en exemple. Le système de planification du régime maoïste a totalement désorganisé l'économie et provoqué plusieurs famines. "La Chine s'en sort bien depuis 1978 et 1982, depuis qu'un nouveau chef politique, Deng Xiaoping, a décidé de réintroduire du privé et de l'initiative individuelle, donc de permettre le retour du capitalisme en Chine."

Le système capitaliste n'est pas parfait, admet Fabrice d'Almeida. Mais, d'après lui, il a sorti plus d'un milliard de personnes de la pauvreté dans les 50 dernières années. Quant aux ultra-riches, il ne faut pas les mettre tous dans le même panier, souligne l'historien. Certains ont été des "prédateurs", comme l'escroc financier Bernard Madoff. Mais d'autres ont été très utiles, estime-t-il. Un exemple? Bill Gates, qui crée "des systèmes de logiciels qui sont utiles à la planète entière et met ensuite sa fortune au service de la philanthropie".

Moins de milliardaires

En tous les cas, le nombre des milliardaires s'est réduit en une année. UBS comptabilisait 2755 ultra-riches en 2021, soit une centaine de plus que les 2668 de 2022, pour une fortune cumulée de 13'100 milliards. Dans le détail, 360 individus ont quitté le classement et 273 l'ont rejoint sur un an.

Les données ont été relevées en mars 2022. La banque aux trois clés signale que le nombre total de grandes fortunes et leur richesse devrait encore avoir décliné depuis en raison de la chute des marchés financiers.

Les auteurs de l'étude soulignent que le contexte actuel n'est pas propice à un boom du nombre de super-riches: "La rapide accélération des taux d'intérêt, les démarrages et arrêts économiques dus à la pandémie et la guerre en Europe ont nourri l'incertitude sur les marchés et la volatilité, les fortunes se créant et s'érodant quasiment au même rythme."

Interview radio: Renaud Malik

Adaptation web: Antoine Michel avec ats

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Progression en Inde, repli en Chine et en Russie

Selon l'étude d'UBS, les Etats-Unis comptent toujours le plus grand nombre de milliardaires avec 735 super-riches, un chiffre en hausse de 1,5% sur un an. Suivent la Chine avec 540 milliardaires, mais une chute de 13,7% de leur nombre, et l'Inde qui en compte 166 et affiche la plus forte progression (+18,6%). La Suisse compte quant à elle 41 grandes fortunes (+2,5%).

En Russie, le nombre de milliardaires affiche le plus important repli, avec une baisse de 29,1% à 83. Leur fortune totale a également fondu de 43,5% à 326,9 milliards de dollars. Avec l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, Moscou s'est retrouvée sous le coup d'une série d'embargos et de restrictions internationales, tout comme ses oligarques qui ont vu leurs avoirs saisis ou gelés.

Les spécialistes d'UBS ont également relevé que les grandes fortunes ont été affectées dans les pays tardant à rebondir après la pandémie de coronavirus, comme le Japon qui a enregistré un déclin du nombre de milliardaires de 18,4% à 40 individus.

Enfin, parmi les secteurs comptant le plus grand nombre de milliardaires figure en tête de classement la finance, suivi par le domaine technologique et l'industrie, ainsi que la mode et la vente au détail.