Dans cette interview, le ministre taïwanais demande à la Suisse de se comporter de manière "un peu plus neutre" entre Taïwan et la Chine, plutôt que de "se battre du côté de Pékin". D'après lui, se ranger du côté "d'un pays autoritaire" comme la Chine n'est "pas la meilleure politique pour la Suisse".
Pour rappel, comme la plupart des pays du monde, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) écrit sur son site internet que la Suisse ne reconnaît pas Taïwan comme un Etat indépendant et suit la politique d'une seule Chine prônée par Pékin.
Pourtant, d'après Joseph Wu, Berne la suivrait plus scrupuleusement que d'autres démocraties occidentales. "En tant que ministre taïwanais, je peux visiter Bratislava, Copenhague, Prague, Varsovie, Bruxelles, mais je ne pense pas pouvoir visiter la Suisse à cause de l'interprétation de la politique d'une seule Chine ici", juge-t-il.
Plaidoyer pour la démocratie
Tout en disant comprendre "les limites pratiques de la politique étrangère de Taïwan", Joseph Wu souligne qu'il est possible de faire beaucoup plus avec la Suisse.
Le ministre estime notamment que l'île de facto indépendante mais non reconnue pourrait notamment aider la Suisse à mieux se défendre dans le cyberespace. "Taïwan est probablement la première cible de guerre hybride au monde. La Suisse, comme de nombreux pays européens, a souffert de campagnes de désinformations. C'est un bon point de départ pour de nouvelles discussions. Nous avons de nombreux experts en cybersécurité et en lutte contre la désinformation", précise-t-il.
Plus globalement, Joseph Wu dit surtout espérer que la Suisse soutiendra à l'avenir Taïwan dans le cas de menaces chinoises. D'après lui, c'est une question qui dépasse la question de neutralité, car c'est le domaine démocratique en soi qu'attaquerait Pékin à travers le monde entier.
"La Chine n'exerce pas seulement une pression militaire sur Taïwan. Le Japon est également très préoccupé par les activités militaires chinoises dans les mers de Chine orientale et méridionale. La Chine tente aussi d'étendre sa puissance dans le Pacifique en signant un accord de sécurité avec les îles Salomon, qui sont aux portes de l'Australie", rappelle-t-il.
"Le voyage de Xi Jinping en Arabie saoudite montre que la Chine tente encore d'étendre son influence au Moyen-Orient. En Amérique latine, on assiste à un glissement vers la gauche dans plusieurs pays et la Chine y est également présente. Apparemment, Pékin essaie d'étendre son influence dans le monde entier aux dépens des démocraties. Cela vaut également pour la Suisse en tant que pays démocratique", conclut-il.
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