L'armée russe pourrait-elle lancer une nouvelle offensive de grande ampleur pour s'emparer de Kiev?
Dans un article de l'hebdomadaire britannique The Economist paru jeudi, le chef d'état-major ukrainien Valery Zaluzhny a estimé qu'une attaque majeure pourrait intervenir "en février, au mieux en mars et au pire fin janvier".
Les Russes pourraient selon lui viser le sud, le Donbass ou la capitale elle-même. "Je n'ai aucun doute qu'ils retenteront leur chance à Kiev", a assuré l'officier. Les raisons sont nombreuses d'en douter.
L'échec du mois de mars 2022
L'hypothèse se heurte d'abord aux leçons du passé. En attaquant l'Ukraine le 24 février, le Kremlin espérait voir le pouvoir ukrainien se déliter, son armée s'effondrer et le peuple l'accueillir en sauveur.
L'inverse s'est produit. Les forces ukrainiennes ont résisté, le peuple s'est soulevé et les Russes ont témoigné de faiblesses que nul n'imaginait: logistique défaillante, unités sans initiative, coordination militaire insuffisante, renseignement inefficace et incapacité à contrôler l'espace aérien.
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Une attaque sur Kiev au début 2023? "En théorie, c'est possible", indique l'analyste militaire russe indépendant Alexandre Khramtchikhine. "Clairement, cela devra être mieux réfléchi, sans cette idée insensée que tout se passera sans combattre, comme cela avait été le cas pour la Crimée en 2014".
Le piège des villes
Ces derniers mois, le rouleau compresseur russe s'est avéré efficace en associant bombardements intenses et progression lente des forces au sol. Le tout plutôt hors des agglomérations. "Prendre une ville sans la détruire est difficile, sauf en cas de décision de reddition, comme Paris en 1940", note Alexandre Khramtchikhine.
"Toutes celles qui ont été prises en Ukraine par un camp l'ont été par surprise [...] ou après un encerclement ou une menace d'encerclement", confirme Michel Goya, ex-colonel de l'armée française et historien de la guerre. "Aucune grande ville n'a pu être saisie alors qu'elle était reliée à son camp et que le défenseur pouvait toujours ravitailler et relever ses forces".
Le siège de Marioupol (sud-est), entre février et la fin mai, a réduit la ville en poussière. Un assaut sur Kiev serait plus long et plus difficile encore, avec un enjeu stratégique fondamental.
La mobilisation russe
Certains analystes occidentaux soulignent que l'armée russe peut gagner en efficacité avec la nomination au début octobre du général Sergueï Sourovikine comme commandant des opérations russes en Ukraine.
Il "travaille à l'unification de l'armée" et "prépare presque certainement des plans de bataille ciblés, à la différence des assauts passés qui avaient dispersé les troupes russes", écrit l'ex-général australien Mick Ryan sur le site Foreign Policy.
Moscou a compensé ses lourdes pertes par une vaste mobilisation, mais pour remplacer des unités d'élite décimées par des conscrits formés à la hâte. Le moral russe est très bas, insiste l'Australien. Mais le général Sourovikine "va commencer à préparer ses troupes pour de nouvelles opérations".
Les options de Moscou
La stratégie du président russe Vladimir Poutine n'a cessé de surprendre tout le monde et rien n'est à exclure. Mais Washington reste circonspect sur la possibilité d'une vaste opération russe pendant un hiver qui met les organismes et les machines à rude épreuve, mais qui simultanément gèle les sols et permet aux chars de progresser. "Nous ne voyons aucune indication d'un mouvement imminent sur Kiev", a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby.
"Je ne veux pas spéculer sur de potentielles opérations futures", relevait pour sa part le porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder, notant pour autant que "le champ de bataille est dynamique".
Peu avant les déclarations des Ukrainiens, l'expert américain Michael Kofman jugeait "plutôt improbable" que les Russes puissent "retrouver un potentiel offensif après février". Selon lui, "ils utilisent bien plus de munitions qu'ils n'en produisent". Mais ils peuvent en revanche "consolider les lignes défensives".
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Le jeu de Kiev
En dépit d'une aide occidentale militaire et financière massive, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'a d'autres options que de demander plus. Moscou parie sur la durée et un affaiblissement de l'aide, notamment face à la fatigue des opinions publiques devant l'inflation et la crise énergétique.
"Les Ukrainiens hurlent - et ont raison de le faire - qu'il faut continuer à les aider", analyse l'amiral à la retraite Pascal Ausseur, directeur de la fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES). L'Ukraine rappelle qu'elle peut "encore tout perdre", ajoute-t-il.
L'expert suggère qu'elle pourrait aussi faire diversion en préparant une attaque, dans le sud du pays notamment. "La phase offensive de l'hiver commence maintenant. Qui a intérêt à se lancer dans une aventure aujourd'hui? Ce ne sont pas les Russes".
ther avec l'ats