"La plupart des cas sont bénins. Le Covid doit désormais être décrit comme un rhume": telle est la déclaration du célèbre expert chinois en maladies respiratoires Zhong Nanshan, une figure populaire très présente dans la sphère médiatique nationale.
Si les autorités chinoises semblent convaincues de l’impact limité d’Omicron, les experts internationaux prédisent une surmortalité importante l’an prochain, de l'ordre d'un à deux millions de morts à cause de la pandémie. Les estimations se succèdent mais les autorités font mine de les ignorer.
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Une rhétorique qui bascule d'un extrême à l’autre
"Il y a une intense communication sur le fait que le Covid est inoffensif, ce qui est vrai en ce qui concerne les jeunes vaccinés. Mais ce n’est pas le cas pour les seniors. Je suis inquiet de voir la rhétorique basculer d'un extrême à l’autre. On commence à voir des cas graves… Après trois années passées à bloquer le Covid, c’est un virage complet", a témoigné mardi dans La Matinale de la RTS le chef du Département d'épidémiologie à l’Université de Hong Kong Ben Cowling.
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Les autorités chinoises pourraient-elles avoir raison, et la réouverture totale se solder au final par quelques décès marginaux seulement? "C’est tout à fait impossible. Le nombre d’infections double probablement tous les jours, et il y aura de plus en plus de cas graves", affirme l'épidémiologiste, qui souligne que la vaccination des seniors est insuffisante. "Elle devrait être bien plus élevée à ce stade de la pandémie", regrette-t-il (lire aussi l'encadré).
Crématoriums ouverts 24h sur 24
A Pékin, les crématoriums afficheraient déjà complet. Des témoignages évoquent des fours allumés 24h sur 24 pour répondre à une hausse spectaculaire de la demande. Les autorités, de leur côté, ont annoncé lundi les deux premiers morts du Covid depuis début décembre, puis cinq décès supplémentaires mardi. Mais ces chiffres pourraient être une interprétation trompeuse.
"Aux Etats-Unis, par exemple, on teste beaucoup, et toute mort dans les 28 jours suivant un dépistage positif est comptabilisée comme une mort liée au Covid. En Chine, au contraire, on ne teste plus dans les hôpitaux", explique Ben Cowling.
"Les morts du Covid devraient donc officiellement être limitées ces prochaines semaines, mais il y aura une hausse des morts de pneumonie, du cancer ou autre. Elles ne seront simplement pas classées sous la catégorie Covid. On ne pourra identifier de surmortalité que bien plus tard, en fonction des données statistiques des autorités. Pour autant qu'elles soient disponibles", prédit le spécialiste.
Le bilan promet d’être difficile à dresser, mais 2023 pourrait être une annus horribilis pour la Chine.
Sujet radio: Michael Peuker
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Un revirement brusque qui passe mal
A l’heure où une vague sans précédent de cas de Covid-19 déferle sur la Chine, beaucoup d'habitants sont inquiets. Interrogé par le correspondant de la RTS à Shanghai, un étudiant de 23 ans dit ne pas comprendre le brusque revirement du pouvoir et dénonce l'improvisation du Parti communiste.
"Je soutiens la réouverture et la fin du zéro-Covid, mais pas comme ça! Ils ont fait un virage brutal de 180 degrés, ils ont choisi de plonger sans aucune préparation", critique le jeune homme.
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Pour lui, il aurait "selon toute vraisemblance" été possible de lever les mesures au printemps dernier déjà. "Mais à cause du 20ème congrès du Parti communiste en octobre, les autorités ont forcé le pays tout entier à continuer à souffrir pendant six mois, tout ça pour soutenir la stabilité et l’ascension des dirigeants", dénonce-t-il, avant de glisser discuter en secret de ses doutes sur la crédibilité du pouvoir.
Tourisme vaccinal à Macao
Face à la progression de la pandémie, de nombreux Chinois se rendent dans l’ancienne colonie portugaise de Macao pour se faire vacciner contre le Covid-19. Leur objectif: se faire injecter les sérums Pfizer ou Moderna, toujours interdits par Pékin. Contrairement à la Chine continentale, Macao a en effet homologué les vaccins à ARN messagers conçus en Occident. Le Parti communiste, lui, continue de privilégier les vaccins chinois à virus inactivés, moins efficaces que ceux à ARN messager.
"Les citoyens devraient être autorisés à choisir librement leur vaccin. Les autorités pourraient autoriser les vaccins à ARN messager et laisser à la population le choix ou non d’y avoir recours. Il ne s’agit pas de promouvoir ces vaccins ni même de les rembourser… Mais au moins, donnez-nous le choix!", a témoigné un étudiant au micro de la RTS. Il estime qu'il serait plus judicieux de les rendre disponibles plutôt que de les exclure par nationalisme, pour prouver qu’on peut lutter contre la pandémie sans recourir à des solutions étrangères.