Mirjana Spoljaric: "Avoir accès aux prisonniers de guerre en Ukraine et en Russie est ma priorité"
Le CICR a été accusé depuis des mois par les autorités ukrainiennes de ne pas en faire assez pour les prisonniers de guerre, notamment récemment par le président Volodymyr Zelensky, qui parlait d'"autodestruction de la Croix-Rouge".
Le CICR a rétorqué à plusieurs reprises qu'il ne pouvait pas rendre visite aux détenus si l'accès, de même que la sécurité, ne lui étaient pas garantis. "Dans des conflits armés internationaux, il n'est jamais facile d'accéder à tous les prisonniers de guerre. Mais le CICR y travaille tous les jours, et il s'agit de notre priorité", répond Mirjana Spoljaric, qui a expliqué au micro de la RTS s'investir "personnellement" dans le dossier. L'institution a pu dialoguer avec davantage de prisonniers ukrainiens et russes "ces dernières semaines".
Dans des conflits armés internationaux, il n'est jamais facile d'accéder à tous les prisonniers de guerre. Mais le CICR y travaille tous les jours, et il s'agit de notre priorité
En vertu de la troisième Convention de Genève, les parties d'un conflit armé international sont tenues d'accorder au CICR l'accès immédiat à tous les prisonniers de guerre ainsi que le droit de leur rendre visite où qu'ils soient détenus, ceci afin de pouvoir s'assurer de leurs conditions de détention, du traitement qui leur est réservé et de pouvoir informer leurs familles. "Comme signataires des Conventions de Genève, l'Ukraine et la Russie doivent respecter ce droit. Nous le leur rappelons. Nous n'avons pas le pouvoir de mettre en oeuvre le texte, mais nous pouvons montrer comment le faire. Ce que nous faisons toujours et tous les jours."
Des "principes de confidentialité"
Fin novembre, le directeur du CICR Robert Mardini expliquait à la RTS que le CICR "n'a pas une armée pour forcer les portes". "Il peut certes sortir de sa réserve et aller dans le domaine public, mais seulement quand il aura épuisé tous les moyens d'influence qu'il a et, aujourd'hui, nous avons des signaux encourageants par rapport à des accès futurs à des prisonniers de guerre", justifiait-il, sans confirmer si ces signaux venaient de Moscou.
Si nous avons constaté des choses, nous les avons partagées avec les autorités compétentes
Si la situation s'est améliorée, elle n'est pas encore satisfaisante, selon la présidente du CICR. En raison des "principes de confidentialité", Mirjana Spoljaric ne peut pas évoquer les conditions de détention des prisonniers visités. "Si nous avons constaté des choses, nous les avons partagées avec les autorités compétentes. Lors de ces visites, nous avons pu apporter de l'aide - des vêtements, des médicaments, des livres - aux prisonniers."
Besoin d'énergie
Mirjana Spoljaric s'est rendue début décembre dans quatre régions d'Ukraine, notamment à Kiev. "La population ukrainienne est confrontée à un hiver insoutenable", raconte-t-elle. Le niveau des destructions, notamment des infrastructures critiques liées à l'accès à l'eau et à l'électricité, est "très problématique".
Avec les températures hivernales, les habitantes et habitants ont besoin d'énergie, souligne Mirjana Spoljaric. "L'aide du CICR vise à alléger les souffrances immédiates de la population. Sur le long terme, il faudra réparer les infrastructures essentielles pour garantir l'accès à l'eau", prévient-elle.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/vajo
Un "énorme niveau de souffrances" dans le monde en 2023
Pour 2023, Mirjana Spoljaric s'attend à un "énorme niveau de souffrances" causé par les conflits et la violence dans le monde.
"Les combats tendent à se prolonger sans réelles perspectives de fin. Cette souffrance est combinée avec le choc climatique et la hausse de prix de l'alimentation et de l'énergie. 2023 pourrait devenir une année de grands besoins humanitaires", alerte Mirjana Spoljaric.
Les combats tendent à se prolonger sans réelles perspectives de fin
Et d'ajouter: "Dans le Sahel, par exemple, plus de 10 millions de personnes souffrent déjà de malnutrition. En Somalie, dans les hôpitaux soutenus par le CICR, le nombre de patients souffrant de blessures liées au conflit at été multiplié par dix et le nombre d'enfants touchés par la malnutrition par trois."
Le CICR aura besoin "de beaucoup d'aide, de ressources et de soutien pour affronter les crises dans le monde". L'institution demande ainsi 2,8 milliards de francs, dont 2,5 milliards pour ses opérations sur le terrain, pour financer ses opérations en 2023.