TikTok perçu comme une menace par les autorités américaines

Lancé en septembre 2016, le réseau social chinois a conquis le monde à une vitesse phénoménale. Il a atteint le milliard d’utilisateurs et d'utilisatrices dans le monde beaucoup plus vite que d’autres réseaux comme Facebook ou Instagram.

Aux Etats-Unis, deux tiers des ados utilisent le réseau social, surtout connu pour les chorégraphies - facilitées par l'usage permissif de chansons soumises à droit d'auteur - mais aussi les gags ou encore les tutoriels de maquillage.

Mais les plus jeunes l'utilisent désormais aussi pour s'informer. Ils le préfèrent à Google pour leurs recherches. Et puis, il offre à n’importe qui le potentiel d'une gloire virale instantanée. Il suffit que l’algorithme choisisse d’envoyer l’une de vos vidéos à travers la planète.

Il n'est toutefois pas question pour les fonctionnaires d'au moins 14 Etats américains de télécharger l'application sur leur smartphone professionnel. Et cette interdiction pourrait également bientôt s'étendre aux employés de l'Etat fédéral. Le Congrès pourrait voter d'ici la fin de la semaine en ce sens.

TikTok serait un outil de l'Etat chinois

Depuis plusieurs années, le FBI et les agences de renseignement considèrent que l'application est une menace pour la sécurité intérieure des Etats-Unis. TikTok serait un cheval de Troie qui pourrait permettre aux autorités chinoises d'accéder aux données sensibles. Ces soupçons sont prononcés dans un contexte de rivalité géopolitique avec la Chine qui s'intensifie, si bien qu'un projet de loi a aussi été déposé pour interdire complètement TikTok dans le pays.

Le sénateur démocrate Mark Warner craint que TikTok puisse manipuler l'opinion publique américaine: "TikTok en Chine met en avant la science ou l'ingénierie. Le TikTok auquel accèdent les enfants aux Etats-Unis ou ailleurs n'est pas du tout ça. Il y des trucs bien sur Tiktok. Mais sa magie, c'est les algorithmes qui peuvent être manipulés", dénonce l'élu.

"Risque inhérent aux réseaux sociaux d'aujourd'hui"

Interrogée jeudi matin dans l'émission Tout un monde, la chercheuse Asma Mhalla, spécialiste de la géopolitique du numérique à SciencePo Paris, confirme les risques et les enjeux autour de l'application chinoise, mais nuance l'impact de son interdiction pure et simple.

Selon elle, il y a évidemment un risque lié à la désinformation et la déstabilisation, dans un contexte de "guerre froide hybride". "Ce qu'il faut surtout comprendre, c'est le contexte géopolitique de compétition stratégique et de guerre technologique entre la Chine et les Etats-Unis", pose-t-elle d'emblée. Dans ce cadre, une potentielle interdiction serait avant tout "un geste politique fondamental".

Autrefois sympathiques et ludiques, les réseaux sociaux sont devenus des espaces de lutte et d'influence géopolitique.

Elle souligne toutefois que, si l'algorithme de TikTok fournit évidemment des possibilités de "manipulation cognitive", c'est le cas de tous les réseaux sociaux. Elle cite notamment le scandale Cambridge Analytica, qui a frappé Facebook dans le cadre des élections américaines de 2016, ou le débat actuel autour de la gouvernance de Twitter.

"Le risque est absolument réel, (...) mais je ne crois pas qu'en interdisant TikTok (...), ça résoudrait nos problèmes de désinformation, de manipulation et d'ingérence, parce qu'ils se jouent aussi sur nos réseaux à nous, qui sont très poreux."

En outre, les Chinois "n'ont pas besoin de TikTok pour développer des opérations de cyber-déstabilisation", sur le modèle russe. "C'est inhérent, aujourd'hui, à ce qu'est un réseau social", assène-t-elle, déplorant que l'on "n'arrive toujours pas à trouver la bonne gouvernance de ces objets, qui étaient autrefois sympathiques et ludiques et qui sont devenus des espaces de lutte et d'influence géopolitique".

>> L'interview complète d'

Asma Mhalla

dans Tout un monde:

Keystone/EPA - Hayoung Jeon

TikTok se défend

TikTok nie laisser toute accessibilité aux données des utilisateurs à l'Etat chinois. L'entreprise négocie également avec l'administration du président Joe Biden le séquestre des données des tiktokeurs américains. Mais la méfiance envers TikTok est profonde dans les rangs du Congrès. Une coalition bipartisane veut même bannir TikTok de tous les smartphones du pays, ce qu'avait d'ailleurs essayé de faire Donald Trump en 2020 avant d'être empêché par les tribunaux.

Jordan Davis/ami/jop