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L'Espagne et l'Ecosse facilitent les changements de genre à l'état civil

La députée Irene Montero (au centre) célèbre la victoire au Parlement en compagnie de militants et militantes LGBT+ [AFP - Javier Soriano]
En Espagne, les députés adoptent une "loi transgenre" qui divise la gauche et l / Le Journal horaire / 20 sec. / le 22 décembre 2022
Les députés espagnols ont adopté jeudi un projet de loi permettant de changer librement de genre à l'état civil dès 16 ans. Ce vote fait suite à des mois de tensions au sein de la gauche et des mouvements féministes. Le même jour, un texte similaire a été adopté en Ecosse.

Cheval de bataille du parti de gauche radicale Podemos, allié des socialistes au gouvernement espagnol, ce texte a été approuvé en première lecture par 188 voix contre 150, et 7 abstentions.

S'il est adopté définitivement par le Sénat dans les semaines à venir, il permettra à l'Espagne de rejoindre la liste des quelques pays au monde autorisant l'autodétermination du genre via une simple déclaration administrative. En Europe, le Danemark a été le premier pays à accorder ce droit aux personnes transgenres en 2014.

La Suisse, quant à elle, autorise un tel changement de "sexe" facilité à l'état civil depuis cette année.

>> Lire : Procédure simplifiée pour changer légalement de sexe dès le 1er janvier

Le projet de loi interdit également les thérapies de conversion, visant à changer l'orientation sexuelle, avec des amendes pouvant aller jusqu'à 150'000 euros.

>> Plus d'infos sur ce sujet : L'interdiction des thérapies de conversion débattue au Parlement fédéral

"Réparation d'une dette historique"

Concrètement, ce texte doit permettre aux personnes qui le souhaitent de faire changer leur nom et leur genre sur leurs papiers d'identité lors d'un simple rendez-vous auprès de l'administration. Il ne leur sera plus nécessaire de fournir des rapports médicaux ou des preuves d'un traitement hormonal, comme c'est le cas aujourd'hui.

"Cette loi répare une dette historique de l'Etat à l'égard des personnes transgenres" et les "'dépathologise'", a déclaré mercredi la ministre de l'Egalité Irene Montero (Podemos), porte-étendard de cette loi.

Possible sous conditions avant 16 ans

Cette "Loi trans" permettra aussi aux jeunes de 14 à 16 ans de changer librement de genre à l'état civil, à condition qu'ils soient accompagnés dans la procédure par leurs tuteurs légaux. Les 12-14 ans devront eux obtenir le feu vert de la justice.

Actuellement, tous les mineurs doivent obtenir cette autorisation judiciaire. Par ailleurs, un délai de trois mois est systématiquement prévu entre le dépôt de la demande et sa validation, pour laisser le temps de confirmer la décision.

ats/jop

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Divisions à gauche

Adopté en Conseil des ministres il y a plus d'un an, ce projet de loi a provoqué une fracture entre Podemos et les socialistes, qui ont tenté de modifier le texte en vain. Il a aussi divisé le mouvement féministe.

"Revendiquer le genre comme étant au-dessus du sexe biologique (...) me semble être un recul" pour les femmes, estime par exemple Carmen Calvo, ex-numéro deux du gouvernement Sanchez. "L'Etat doit donner une réponse aux personnes transgenres, mais le sexe (biologique) n'est ni volontaire, ni optionnel", a-t-elle estimé.

Cette frange du mouvement féministe dit craindre, par exemple, que des personnes de sexe masculin s'identifiant comme femmes puissent participer à des compétitions sportives féminines ou se faire incarcérer dans des prisons pour femmes.

>> Lire aussi : Les personnes transgenres incarcérées font face à un risque élevé de violence

Les socialistes ont choisi de se ranger derrière ce discours, en déposant un amendement afin d'étendre l'obligation d'un feu vert de la justice aux 14-16 ans. Mais celui-ci a finalement été rejeté.

En protestation face à cette posture des socialistes, la militante Carla Antonelli, première femme trans à avoir été élue dans un parlement régional en Espagne, avait claqué la porte du parti en octobre. Elle a accusé jeudi "une partie du Parti socialiste et du mouvement féministe passer de la défense des droits de la minorité trans au boycott acharné de notre existence".

Pour le quotidien conservateur El Mundo, cette victoire "symbolise la plus grande défaite législative du Parti socialiste face à Podemos" depuis la formation de l'exécutif début 2020.

Loi similaire votée en Ecosse

Le Parlement local écossais a également adopté jeudi une loi controversée, défendue par le gouvernement indépendantiste de la Première ministre Nicola Sturgeon, visant à faciliter la transition des personnes trans, autorisée dès 16 ans, après trois jours de vifs débats.

Adopté sans surprise par 86 voix contre 39 contre, le texte supprime l'exigence d'un diagnostic médical et psychiatrique lors de la demande d'un certificat de reconnaissance de genre.

Il réduit aussi la période pendant laquelle un demandeur doit vivre dans son genre acquis de deux ans à trois mois, avec une période de réflexion supplémentaire de trois mois.

En outre, l'âge minimal pour demander ce certificat passe de 18 à 16 ans, selon ce texte.

"Je suis féministe"

Les opposants au texte écossais craignent également que ces procédures simplifiées ne permettent à des hommes d'accéder plus facilement à des espaces réservés aux femmes.

Mais le gouvernement local rappelle que ce nouveau texte n'affectera pas une précédente loi qui permet d'exclure les personnes trans d'espaces non-mixtes comme vestiaires et lieux d'accueil.

"Je suis féministe, je ferai tout ce que je peux pour protéger les droits des femmes aussi longtemps que je serai en vie", a déclaré Nicola Sturgeon. "Mais je crois aussi qu'il est une part importante de mes responsabilités de rendre la vie un peu plus facile aux minorités stigmatisées dans notre pays", a-t-elle ajouté.