Depuis 2020, Pékin imposait de strictes mesures sanitaires, au nom d'une politique dite "zéro Covid" qui a permis de protéger les personnes les plus à risque et celles peu vaccinées.
Durant près de trois ans, rares étaient ainsi les Chinois à connaître dans leur entourage une personne malade du Covid.
Mais le pouvoir a mis fin sans préavis à la plupart des restrictions début décembre sur fond d'exaspération grandissante de la population et d'impact considérable sur l'économie.
Depuis, les cas de Covid en Chine explosent et une grande partie des Chinois sont livrés à eux-mêmes, au moment où médicaments contre la fièvre et autotests font défaut face à une demande exponentielle.
Obligation de "garantir l'approvisionnement"
En pleine pénurie, au moins une douzaine d'entreprises pharmaceutiques ont reçu l'ordre de "garantir l'approvisionnement" en médicaments clés - un euphémisme pour réquisitionnement.
Wiz Biotech, un fabricant de tests antigéniques à Xiamen (est), a indiqué sur son compte officiel la "réquisition" de sa production par les autorités locales. Un représentant de Wiz Biotech a confirmé la mesure à l'AFP.
A Pékin, les autorités ont envoyé en renfort du personnel chez six fabricants de kits pour les aider à "augmenter la production", selon une note de la municipalité.
Ces décisions permettent de "sécuriser la production mais la logistique est encore loin d'être fluide [...] dans les hôpitaux et les pharmacies", admet Zhou Zhicheng, responsable de la Fédération chinoise de la logistique et des achats.
Pénuries de médicaments contre la fièvre
"Toute ma famille est malade et je n'arrive pas à acheter de médicaments contre la fièvre", peste Yanyan, 32 ans, une employée de Chengdu (sud-ouest), immense métropole connue pour ses pandas.
Jeudi, une douzaine de pharmacies contactées par l'AFP aux quatre coins de la Chine ont fait part de pénuries de médicaments contre la fièvre.
"On n'en a plus du tout depuis une ou deux semaines [...] Il me reste encore quelques anti-douleurs mais très peu. Je dois vous laisser j'ai des clients qui attendent", indique au téléphone une employée qui n'a pas souhaité donner son nom, à Yinchuan dans le Ningxia (nord).
"Je viens de recevoir 30 nouveaux flacons de paracétamol et il n'en reste déjà plus que 13", explique à 2000km de là une pharmacie de Jilin (nord-est), proche de la Corée du Nord. "Chaque personne ne peut acheter qu'un seul flacon", précise une employée, conseillant de se "dépêcher".
Une mauvaise préparation après la levée des mesures
La demande est tellement forte que des producteurs chinois se sont mis à acheter des médicaments à l'étranger. Jeudi, l'Inde s'est notamment dite prête à accroître ses livraisons pour tenter de répondre à cette urgence sanitaire.
La situation actuelle résulte de la politique "zéro Covid" et de son abandon extrêmement rapide. Au cours des trois dernières années, les ventes de médicament anti-fièvre étaient strictement contrôlées et découragées. Pour acheter de l'aspirine, du paracétamol ou encore de l'ibuprofène, il fallait présenter sa carte d'identité et scanner son code QR sanitaire, qui virait ensuite au jaune, contraignant ainsi son détenteur à effectuer un test PCR. Objectif affiché, éviter que la population ne dissimule ses symptômes fiévreux à l'aide des médicaments et n'échappe ainsi au placement forcé en quarantaine.
Or en l’absence de vague d’envergure et de demande, les pharmacies n’ont tout simplement pas renouvelé leur stocks. Les fabricants ont quant à eux eux limité la production destinée au marché domestique.
La pénurie actuelle illustre donc le manque total d’anticipation du pouvoir, qui tente par ailleurs de pallier une autre urgence: la vaccination des aînés. Une priorité absolue à l’heure où les hôpitaux et les morgues de nombreuses localités débordent.
Reportage radio: Michael Peuker
afp/ther
Vers des limitations à Hong Kong et à Taïwan
A Hong Kong, territoire semi-autonome, c'est également la razzia sur les médicaments anti-grippaux en vente libre, malgré une situation sanitaire largement stabilisée et incomparable avec le reste de la Chine.
"La semaine dernière, des gens ont acheté une dizaine ou vingtaine de boîtes de paracétamol pour les envoyer en Chine continentale" voisine, a affirmé à l'AFP un employé de pharmacie qui n'a pas souhaité divulguer son nom.
La plus grande enseigne locale limite désormais les achats de médicaments contre la fièvre, la toux et le rhume.
A Taïwan, île considérée par la Chine comme faisant partie de son territoire mais administrée de fait par un gouvernement propre, la même frénésie est observée. Les autorités locales ont dit jeudi envisager des limitations.