L'homme de 69 ans, connu pour des faits précédents de violences avec armes, a été interpellé peu de temps après les faits et placé en garde à vue.
Les faits ont eu lieu rue d'Enghien, dans le Xe arrondissement de la capitale, au niveau d'un centre culturel kurde, dans un quartier commerçant animé et prisé de la communauté kurde.
"Trois personnes sont décédées: deux devant le centre culturel kurde, une autre dans un restaurant, et une autre lutte contre la mort", a détaillé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Deux personnes sont moins sérieusement atteintes et le tireur présumé a été lui aussi légèrement blessé lors de son arrestation.
Les trois personnes décédées - une femme et deux hommes -, abattues avec une arme de poing, sont d'origine kurde, ont indiqué les autorités et un responsable communautaire kurde.
"Odieuse attaque" contre les Kurdes
Dans un tweet, Emmanuel Macron a dénoncé une "odieuse attaque" dont "les Kurdes de France ont été la cible". "Pensées aux victimes, aux personnes qui luttent pour vivre, à leurs familles et proches", a écrit le chef de l'Etat.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour assassinat, tentative assassinat, violences volontaires avec armes et infraction à la législations sur les armes. Les investigations ont été confiées à la police judiciaire.
Le parquet national antiterroriste (Pnat) s'est rendu sur place mais il n'y a "aucun élément qui privilégierait la nécessité de leur saisine", a indiqué la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, écartant pour l'heure la piste d'un attentat.
Le porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) a à cet égard jugé "inadmissible que le caractère terroriste (de l'attaque) ne soit pas retenu". "La situation politique en Turquie concernant le mouvement kurde nous laisse très clairement penser que ce sont des assassinats politiques", a encore dit Agit Polat.
Motifs pas encore établis
Devant la presse, Laure Beccuau s'est refusée à commenter les motivations du tireur présumé. Elle a toutefois ajouté que les éventuels "motifs racistes des faits (...) vont évidemment faire partie des investigations qui viennent de débuter".
L'homme a "manifestement voulu s'en prendre à des étrangers" et "manifestement agi seul", a estimé pour sa part Gérald Darmanin, qui a précisé qu'il fréquentait un stand de tir.
"Il n'est pas sûr que le tueur qui a voulu assassiner ces personnes (...) l'ait fait spécifiquement pour les Kurdes", a-t-il ajouté, alors que des rumeurs d'attaque "politique" étaient relayées par la communauté kurde.
Protection mise en place
Gérald Darmanin a précisé que les victimes n'étaient pas "particulièrement signalées" ni "connues des services français". Il néanmoins ordonné la mise en place d'une protection devant les lieux où se réunissent la communauté kurde mais aussi les emprises turques.
"Rien ne permet à ce stade d'accréditer une quelconque affiliation de cet homme à un mouvement idéologique extrémiste", a pour sa part écrit la procureure Beccuau dans un communiqué publié en fin de journée.
Déjà connu pour faits de violence
Selon deux sources policières, cet homme, un conducteur de train à la retraite de nationalité française et âgé de 69 ans, est connu pour des faits de violences avec armes commis en 2016 et décembre 2021.
Il est en revanche inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a précisé une de ces deux sources.
La procureure de Paris a indiqué que le suspect avait été condamné en juin à douze mois d'emprisonnement pour des faits de violence avec armes commis en 2016. Il a fait appel de cette condamnation.
Il a par ailleurs été mis en examen en décembre 2021 pour violences avec armes, avec préméditation et à caractère raciste, et dégradations pour des faits commis le 8 décembre 2021 à Paris, selon Laure Beccuau.
Une source policière avait à l'époque indiqué à l'AFP que l'homme était soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche au moins deux migrants dans un campement à Paris et dégradé plusieurs tentes d'un campement du parc de Bercy.
Initialement placé en détention provisoire, il a été remis le 12 décembre dernier en liberté provisoire, ainsi que l'exige la loi, et placé sous contrôle judiciaire. En 2017, l'homme avait également été condamné à six mois de prison avec sursis pour détention prohibée d'armes.
agences/hkr/ami
Incidents entre manifestants et forces de l'ordre
Sur place, où un périmètre de sécurité a été instauré au croisement de la rue d'Enghien et de la rue d'Hauteville, l'émotion était vive. De violents incidents ont éclaté dans l'après-midi dans le quartier entre manifestants et forces de l'ordre qui ont répliqué à des lancers de projectiles par des jets de gaz lacrymogènes.
Des poubelles ont été incendiées et des barricades érigées dans la rue. Les vitres de plusieurs véhicules civils et de police ont été brisées par des pavés et briques, et de nombreux feux ont été allumés sur la chaussée.
"PKK" (Parti des travailleurs du Kurdistan), "les martyrs ne meurent pas!", scandaient notamment des manifestants.
Dès les minutes qui suivi les tirs, des membres du centre culturel Ahmed Kaya ont mis en cause la Turquie, a constaté une journaliste de l'AFP. "Cela recommence, vous ne nous protégez pas, ils nous tuent!", ont crié certains.
L'attaque de vendredi survient près de 10 ans jours pour jour après l'assassinat le 9 janvier 2013, de trois militantes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dans ce même Xe arrondissement. L'enquête judiciaire en France, toujours en cours, avait relevé "l'implication" de membres des services secrets turcs, sans désigner de commanditaires.
"Acte odieux", selon Elisabeth Borne
La Première ministre, Elisabeth Borne, a qualifié vendredi d'"acte odieux" la fusillade, en exprimant ses "pensées" et son "plein soutien aux victimes et à leurs proches".
"Gratitude envers les policiers de la préfecture de police qui ont interpellé l'auteur présumé" et "aux pompiers de Paris engagés", a poursuivi la cheffe du gouvernement dans un message sur Twitter.