L'homme soupçonné d'avoir tué trois Kurdes à Paris reconnaît une "haine des étrangers"
L'homme, dont la garde à vue a été levée samedi pour des raisons de santé et qui a été conduit à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, s'est décrit comme "dépressif" et "suicidaire", précisant avoir "toujours eu envie d'assassiner des migrants, des étrangers" depuis un cambriolage à son domicile en 2016, a précisé la procureure de Paris Laure Beccuau.
Il considère ce cambriolage "comme déclencheur d'une 'haine des étrangers devenue complètement pathologique'", a-t-elle rapporté dans un communiqué.
Le suspect, un conducteur de train retraité de nationalité française, a violemment frappé ses cambrioleurs. Il a été condamné le 30 juin dernier à douze mois d'emprisonnement pour des violences avec armes, condamnation dont il a fait appel.
Le jour des faits, il s'est "d'abord rendu tôt le matin à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), muni de son arme et de ses munitions, pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères", relate la procureure.
Arrivé sur place, il a renoncé "compte tenu du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l'empêchant de recharger son arme facilement", a-t-elle ajouté, précisant qu'un titre de transport et les premières exploitations de la vidéoprotection corroboraient ce déplacement.
Revenu au domicile de ses parents à Paris, il "décide ensuite de se rendre à pied rue d'Enghien où il sait que se trouve le centre kurde, connaissant ce quartier" proche.
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Suicide envisagé
Le sexagénaire a indiqué en vouloir "à tous les migrants" et expliqué "s'en être pris à des victimes qu'il ne connaissait pas, précisant en vouloir aux Kurdes pour avoir 'constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daesh (l'organisation Etat islamique, ndlr) au lieu de les tuer'", détaille Laure Beccuau.
L'homme a précisé "ne pas avoir fixé à l'avance le nombre de victimes mais avoir eu l'intention d'utiliser toutes les munitions et de se suicider avec la dernière balle", selon la procureure.
Lors de son interpellation dans un salon de coiffure où il avait été maîtrisé avant l'intervention de la police, ont été découverts son arme, "quatre chargeurs contenant au total 14 munitions, une boîte de 25 munitions".
Il a également reconnu que "son seul regret est de n'avoir pas pu se suicider, ajoutant s'être toujours dit que s'il se suicidait un jour, il 'emporterait des ennemis dans la tombe', précisant que par 'ennemis', il entendait 'tous les étrangers non européens'", a expliqué Laure Beccuau.
"Acte terroriste" pour la communauté kurde
La femme tuée était une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, selon le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Elle avait fait une demande d'asile politique "rejetée par les autorités françaises", a précisé vendredi devant la presse le porte-parole du mouvement, Agit Polat.
Les deux hommes décédés sont kurdes également, "un citoyen kurde ordinaire", et artiste kurde reconnu comme réfugié politique et "poursuivi en Turquie pour son art", selon le CDK-F.
Les trois victimes blessées sont désormais hors de danger, a déclaré la procureure de la République, Laure Beccuau dans un communiqué.
La communauté kurde a évoqué un acte "terroriste" et mis en cause la Turquie, et de violents incidents ont éclaté vendredi avec les forces de l'ordre.
Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a reçu samedi matin des responsables de la communauté kurde. Une manifestation a rassemblé en fin de matinée plusieurs centaines de personnes sur la place de la République à Paris, ont constaté des journalistes de l'AFP [Lire encadré].
La piste d'un attentat terroriste a été écartée à ce stade des investigations, suscitant l'incompréhension et la colère du CDK-F. "Le fait que nos associations soient prises pour cible relèvent d'un caractère terroriste et politique", a déclaré Agit Polat après sa rencontre avec le préfet de police. "Nul doute pour nous que ce sont des assassinats politiques".
Antécédents judiciaires
Le suspect, qui fréquentait un stand de tir, a "voulu s'en prendre à des étrangers" et "manifestement agi seul", avait estimé vendredi le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Il est inconnu des services de renseignements et "n'était pas fiché comme étant quelqu'un de l'ultradroite", selon Gérald Darmanin.
Le tireur présumé est mis en examen depuis décembre 2021 pour violences avec armes, avec préméditation et à caractère raciste, et dégradations pour des faits commis le 8 décembre 2021. Il est soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche des migrants sur un campement à Paris et d'avoir lacéré leurs tentes.
Après un an en détention provisoire, il a été remis le 12 décembre en liberté, comme l'exige la loi française, et placé sous contrôle judiciaire, selon la procureure.
Il a en outre été condamné en 2017 à six mois de prison avec sursis pour détention prohibée d'armes et, en juin dernier, à douze mois d'emprisonnement pour des violences avec armes commises en 2016. Il a fait appel de cette condamnation.
Le matin des faits, "il n'a rien dit en partant (...) Il est cinglé. Il est fou", a déclaré à l'AFP le père du suspect âgé de 90 ans, le décrivant comme "taiseux" et "renfermé".
fgn avec les agences
Violences en marge de la manifestation en hommage aux Kurdes tués à Paris
Des heurts ont éclaté entre manifestants et forces de l'ordre en marge de la manifestation qui réunissait samedi plusieurs milliers de personnes à Paris pour rendre hommage aux trois Kurdes tués et aux trois autres personnes blessées la veille près d'un centre culturel kurde de la capitale.
Vers 13h00, une heure après le début du rassemblement place de la République, des affrontements ont commencé à proximité, ont constaté des journalistes de l'AFP. Selon une porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), qui a annoncé plus tard la fin de la mobilisation, des provocations auraient entraîné la colère de manifestants.
Au moins quatre voitures ont été renversées, dont au moins une incendiée. Les forces de l'ordre, visées par des jets de projectiles, ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes.
Le cortège, fort de plusieurs milliers de personnes à l'origine, s'est ensuite scindé en deux en raison de ces tensions et seules quelques centaines de manifestants sont parvenus à rejoindre peu après 14h00 la place de la Bastille, point d'arrivée du cortège.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a précisé que 11 personnes avaient été interpellées lors de ces heurts.