La Croatie se vide de ses habitants. A seulement 19 ans, Karla, jeune serveuse, ne compte pas travailler longtemps dans des cafés. "Ici, la plupart des boulots sont sous-payés et il y a peu de possibilités d'emploi", a-t-elle regretté lundi dans l'émission Tout un monde. "On ne peut pas faire respecter nos droits au travail. Partout, les gens travaillent pour des salaires trop bas, les horaires sont souvent compliqués. Je ne vois pas de perspectives ici", appuie-t-elle.
A Novska, dans la région de Slavonie, l'Union européenne a financé ces dernières années de nombreuses infrastructures afin de revitaliser l'économie locale et contrer un chômage qui touche près d'un jeune sur trois. Mais malgré ces investissements de plusieurs millions d'euros, la jeunesse continue de quitter la Slavonie.
"C'est très difficile d'attirer les jeunes. Peu importe le nombre d'activités et ce qu'on leur propose, ils ne voient pas ce que cela leur apporte. A l'avenir, il faudrait qu'il y ait plus de projets pour qu'ils rencontrent de nouvelles personnes ici, qu'ils fassent de nouvelles connaissances. Cela pourrait réellement nous aider à dynamiser la vie locale", estime Lucija, bénévole dans de nombreuses associations de Novska.
Un exode massif
Depuis son indépendance de la Yougoslavie il y a trente ans, la Croatie a perdu près d'un million d'habitants. Les Croates sont moins de 4 millions à résider dans le pays. Parallèlement, le taux de natalité est tombé à 1,4 enfant par femme. Le pays connaît l'un des déclins démographiques les plus rapides au monde.
"Aujourd'hui, il n'y a pas un seul indicateur démographique positif en Croatie. Depuis le précédent recensement de 2011, le pays a perdu plus de 400'000 habitants, ce qui représente près de 10% de la population totale. Cela s'explique en partie par l'émigration, mais aussi par le déclin naturel, c'est-à-dire la supériorité du nombre de décès sur celui des naissances", note le démographe Stjepan Šterc.
"Si l'on fait une projection sur 10 ans, les choses vont vraiment empirer. Tous les systèmes de base du pays seront remis en question", alerte-t-il.
Un manque de stratégie
Si la capitale et les grandes villes touristiques de la côte Adriatique voient leur population augmenter, le reste du pays se dépeuple et vieillit à grande vitesse. En Slavonie, comme dans d'autres régions rurales, on souffre du manque d'infirmières, d'ingénieurs ou d'ouvriers agricoles. Et la tendance s'est encore accentuée depuis que le pays est entrée dans l'UE en 2013.
"Au niveau national, le dépeuplement est de 10% de la population, mais dans certaines régions comme la Slavonie, ce chiffre monte même jusqu'à 20%. Dans certaines municipalités, la population a baissé de plus de 50% en dix ans", indique Stjepan Šterc.
La Croatie se dépeuple principalement dans les zones frontalières, rurales, montagneuses et insulaires, souligne aussi le démographe, qui estime que l'absence de stratégie dans ces régions menacées pose problème pour la sécurité nationale.
Plutôt que de recourir officiellement à l'immigration, le gouvernement conservateur a lancé le programme "Je choisis la Croatie". Entre autres mesures, les expatriés croates se sont notamment vus offrir jusqu'à 26'000 euros pour revenir dans leur pays et lancer leur propre entreprise. Près d'un an après, seules 80 personnes ont tenté l'expérience.
Louis Seiller/iar