Une vingtaine de sénateurs républicains ont déposé quelques jours avant Noël une proposition de loi visant à "préserver les traditions immémoriales de la France". Autrement dit à autoriser la présence temporaire des crèches au sein des mairies et lieux publics.
La mangeoire où fut placée Jésus à sa naissance, et les petites figurines qui l’accompagnent, font depuis longtemps débat en France. Le cœur des discussions est occupé par la laïcité. Les opposants à la loi voient dans les tableaux de la Nativité une menace portée à la neutralité de l’Etat.
Un article du droit français interdit en effet "d’élever ou d’apposer un quelconque signe ou emblème religieux sur les monuments ou emplacements publics sauf dans des musées ou expositions ". Pourtant, des maires bravent l’interdiction chaque année.
Maires délinquants mais créatifs
Les maires ne reculent pas devant la justice. Même si ces derniers se font condamner pour installation interdite de crèche en public, ils recommence en transformant ou déplaçant le dispositif initial. C'est le cas de la crèche sur roulettes du maire de Béziers.
Autre exemple, un président de région a installé huit différents tableaux de la Nativité. De fait, cela en fait alors une exposition de santons, autorisée pour des raisons culturelles.
Pour mettre fin à ses allers-retours devant les tribunaux, le Conseil d’Etat avait tranché en faveur de l’interdiction des crèches de Noël dans les bâtiments publics en 2016. Cependant, certaines exceptions ont été faites, notamment liées au caractère artistique ou culturel des installations.
Question de laïcité
La question au centre du problème est de savoir si la crèche est un objet culturel, traditionnel, ou au contraire un objet cultuel, lié à la pratique d’une religion. D’un côté on trouve les partisans d’une laïcité "stricte". De l’autre, les défenseurs de la loi qui voient dans les racines chrétiennes de la France, "un héritage culturel".
Des politiques de droite vont jusqu’à traiter les opposants d’extrémistes. Ce à quoi un sénateur communiste a répondu que la loi sur la laïcité est, elle aussi, un héritage culturel commun. Il a même proposé d’inscrire l’interdiction dans la Constitution.
Sujet radio: Camille Besse, Emmanuelle Steels
Adaptation: Raphaël Dubois
Débat similaire au Mexique
L’installation de crèches dans les espaces publics suscite un vif débat depuis plusieurs semaines au Mexique également. La Cour suprême pourrait les interdire, considérant qu’il s’agit d’une atteinte à la laïcité de l’État.
En effet, un groupe de citoyens a déposé un recours en justice pour éviter que les municipalités ne financent l’installation de crèches dans leurs villes. Les organisations catholiques mexicaines se montrent scandalisées et parlent d’une attaque à l'encontre de la liberté religieuse.
Les juristes spécialistes de la Constitution ont beau répéter dans les médias qu’il ne s’agit pas d’une atteinte à la liberté religieuse, mais d’une exigence de respect de la laïcité: la Cour suprême veut empêcher d’utiliser l’argent du contribuable pour favoriser une religion en particulier.
La Cour suprême devait rendre sa décision en novembre, mais face à la virulence des protestations, les juges ont décidé de laisser passer la période de Noël et de reprendre le débat plus tard, lorsque les crèches auront disparu du paysage urbain.