Plus de 100’000 personnes sont arrivées par la Méditerranée sur les côtes italiennes en 2022, soit le taux le plus élevé depuis cinq ans. La semaine dernière, le gouvernement Meloni a décidé de rendre les débarquements plus difficiles en limitant les accès des embarcations des ONG à des ports très éloignés. L'Italie refuse également de reprendre des migrants dits "Dublin", que plusieurs pays membres de l'espace Schengen doivent renvoyer dans la Botte.
A Rebbio, dans la banlieue industrielle de Côme, une cinquantaine de jeunes migrants sont actuellement hébergés à l’oratoire de San Martino. Il s'agit de l’église de Don Giusto Della Valle, celui que l’on surnomme le "curé des migrants".
"Une politique très ignorante"
Mercredi dans La Matinale de la RTS, il a expliqué que sa structure se substituait au travail de l'Etat: "Le problème, c'est que la politique migratoire italienne ne voit pas loin. Hier, le Parlement a approuvé des lois qui empêchent les ONG de faire des secours en mer, ou au mieux les rend beaucoup plus difficiles. C'est une politique qui n'a pas d'avenir. Elle a été promulguée uniquement pour des questions démagogiques", dénonce-t-il.
Don Giusto soupire: "On fait ce qu'on peut, mais dans le cadre d'une politique migratoire italienne qui n'existe pas. Cette politique est très ignorante, très imbécile. Aucun parti, même pas les partis de gauche, n'ont le courage de faire une politique sérieuse."
Bénévolat et dons
Les occupants actuels de l’oratoire de San Martino arrivent principalement d'Egypte. Ils ne savent ni l’italien, ni l’anglais. Ils ont entre 15 et 18 ans. Giorgia, la collaboratrice de Don Giusto, explique que le lieu est surtout un point de chute pour les Afghans et les Syriens mineurs qui se font refouler à la frontière italo-suisse, avant de retenter leur chance pour rejoindre le nord de l’Europe.
En cuisine, Brunetta, une bénévole, range les victuailles. Fruits, légumes, viande, pain et pâtisseries: tout provient de dons. L'église n'achète absolument rien. Ces structures d'accueil fonctionnent uniquement grâce à des actions caritatives et du bénévolat.
En Suisse, les frais sont pris en charge par l’Etat. Mais les autorités helvétiques verrouillent strictement l’accès aux structures qui hébergent des migrants.
Nicole della Pietra/asch
"Les migrants ont un réseau très informé"
Depuis cet automne, chaque jour, des dizaines de migrants débarqués en Méditerranée tentent de transiter par la Suisse en direction du nord. Mais en vertu d’un accord signé entre Berne et Rome, ils sont renvoyés vers l’Italie.
Lorsque les horaires italiens ne permettent pas une réadmission immédiate, ils passent la nuit dans un centre dit de "réadmission" avant d’être raccompagnés en Italie le lendemain. En ce moment, 188 migrants qui devaient rentrer en Italie sont bloqués en Suisse.
5 à 6 semaines de Lampedusa à la frontière suisse
"Une personne qui débarque à Lampedusa ou sur les côtes siciliennes met en moyenne 5 à 6 semaines pour arriver à la frontière italo-suisse", explique dans La Matinale Ryan Pedevilla, chef de la section militaire et de la protection de la population et chargé des opérations.
"Les migrants ont un réseau très informé, ils sont généralement au courant des contrôles et des passages d’entrée. Ainsi, l’accord de réadmission conclu entre la Suisse et l’Italie est différent de ce qui est prévu avec l’Autriche ou l’Allemagne. Et si leur première tentative de traverser la Suisse échoue, ils tentent une autre voie, par exemple à Buchs ou en contournant la Suisse".