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Patrick Weber: "La monarchie doit se décoincer, tout en gardant cette part de mystère qui fait rêver"

Le roi Charles III danse en visite dans une communauté juive de Londres [KEYSTONE - Ian Vogler/AP]
L'invité de La Matinale (vidéo) - Patrick Weber, romancier et journaliste spécialiste des monarchies européennes / La Matinale / 17 min. / le 4 janvier 2023
Les rois et reines d'Europe ne peuvent plus régner comme avant. Leur train de vie est parfois contesté. La solution? "Se rapprocher des gens, tout en continuant à faire rêver", a suggéré dans La Matinale le présentateur de la RTBF et écrivain Patrick Weber, fin connaisseur des têtes couronnées européennes.

Monarque est le "plus vieux métier du monde", à en croire Patrick Weber: "Depuis l'homme des cavernes jusqu'à aujourd'hui, il y a toujours eu ce qu'on appelle un chef, qui parfois règne et parfois est uniquement un symbole."

On ne règne toutefois pas au XXIe siècle de la même manière qu'au temps de la Préhistoire. "La monarchie s'inscrit aussi dans les us et coutumes", note Patrick Weber, qui anime sur la RTBF Gotha, un nouveau rendez-vous dédié aux royautés.

Figures contestées

L'accolade du roi d'Espagne Juan Carlos et du prince Felipe avant la cérémonie de l'acte d'abdication, au Palais royal de Madrid, le 18 juin 2014. [REUTERS - Juan Medina]
L'accolade du roi d'Espagne Juan Carlos et du prince Felipe avant la cérémonie de l'acte d'abdication, au Palais royal de Madrid, le 18 juin 2014. [REUTERS - Juan Medina]

Sur le continent européen, les douze monarchies (en comptant le Vatican) sont à l'heure actuelle plus ou moins bien reçues. Des scandales écornent l'image de certaines.

En Espagne, rappelle Patrick Weber, le roi Juan Carlos Ier, 84 ans, était dans un premier temps "extraordinaire", ayant oeuvré à l'instauration de la démocratie. Mais "il a complètement dérapé par la suite" et a abdiqué en 2014. Poursuivi par le fisc, accusé en 2022 de harcèlement par une ancienne maîtresse, il vit désormais en exil dans le Golfe, bien que presque toutes les affaires aient été classées. "En Espagne, une série de podcasts (Corinna y El Rey, ndlr) fait maintenant plus de bruit que la série Harry et Meghan sur Netflix. Son ancienne maîtresse raconte tous les dessous de la couronne", détaille Patrick Weber.

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Réduire la vapeur

Aujourd'hui, le train de vie des têtes couronnées est parfois remis en question, surtout en temps de crise, car il peut "choquer".

Au Royaume-Uni, le roi Charles III ne régnera pas comme sa mère Élisabeth II, décédée le 8 septembre dernier, après un règne record de plus de 70 ans. Le nouveau souverain britannique a déjà fait l'impasse sur une partie de son héritage. "Charles a dû faire pas mal d'économies. On n'en a pas tellement entendu parler, mais il a revendu une partie de l'écurie de sa maman, parce que cela coûte fort cher. C'était son dada – sans mauvais jeu de mot. Aujourd'hui, je pense que ça ne passerait plus", avance Patrick Weber.

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La reine du Danemark Margrethe II le 03 janvier 2023 au château de Christiansborg, à Copenhague. [KEYSTONE - EPA/Liselotte Sabroe]
La reine du Danemark Margrethe II le 03 janvier 2023 au château de Christiansborg, à Copenhague. [KEYSTONE - EPA/Liselotte Sabroe]

Les membres des familles royales peuvent aussi être mis sur la touche à la suite de ce qui s'apparente à un plan de restructuration avec réduction d'équipe à la clé, dans le but de resserrer les cordons d'une bourse remplie par le contribuable.

Par exemple, la reine du Danemark Margrethe II, 82 ans, a supprimé récemment les titres princiers de quatre de ses huit petits-enfants, provoquant le mécontentement de son fils cadet Joachim. "Toutes les monarchies sont obligées de passer par-là", affirme Patrick Weber.

Un catalogue des princesses à marier

Par le passé, chaque membre d'une famille royale avait son importance. "Vous aviez l'aîné qui succède", indique-t-il. Venaient ensuite les autres filles, mariées pour établir des alliances diplomatiques internationales. Il existait même une sorte de catalogue des princesses à marier, l'almanach de Gotha, détaille-t-il.

"On disait: 'Celle-là, elle n'est pas trop moche, elle a des hanches assez larges, elle nous fera des enfants'. Je suis un peu plat et vulgaire, mais c'était vraiment ça l'idée: donner des héritiers à la Couronne. Elles étaient toutes élevées pour ça. On ne leur demandait rien, sinon de se taire, de danser un peu, de jouer de la musique et de faire des enfants. Et c'est tout", assène le spécialiste des familles royales.

Les cadets, "un réel problème"

"Les garçons cadets, on ne sait pas trop quoi en faire. On leur trouvait un boulot dans l'armée, ou ce genre de choses. Aujourd'hui, ce n'est plus tellement le cas. Les cadets sont un réel problème en Europe. Le plus célèbre est Harry, mais Joachim, le prince du Danemark, la princesse Märtha Louise de Norvège, le prince Laurent de Belgique, ou encore le prince Friso aux Pays-Bas (décédé en 2013, ndlr), c'est la même chose. Il y a toujours un flou au niveau des cadets", remarque-t-il.

"La meilleure solution serait de les retirer du dispositif et de leur permettre de vivre normalement", avance Patrick Weber, qui relève toutefois un obstacle: s'ils veulent ensuite se lancer dans une carrière professionnelle roturière, ils seront accusés de profiter du prestige de leur nom pour se faire de la pub.

Symbole d'union nationale

Les temps changent. Mais Patrick Weber remarque tout de même une forme de continuité. La monarchie, malgré ses défauts et les contestations auxquelles elle doit faire face, reste essentielle à l'unité de certains pays européens.

En Espagne, les turbulences ayant mené à la fin du règne de Juan Carlos en 2014 n'ont pas provoqué l'écroulement du régime. Son fils et successeur Felipe VI, 54 ans, est "relativement reconnu", note Patrick Weber, tout en relevant l'existence d'un courant républicain important qui est "historique". Comme en Belgique ou au Royaume-Uni, la monarchie tient le rôle de liant dans un pays constitué de diverses composantes très diverses. "La monarchie sert souvent de symbole de réunion et d'union au sein d'un Etat. Cela fonctionne plus ou moins bien."

La famille royale de Belgique. Au centre, le roi Philippe et, deuxième depuis la droite, la princesse Élisabeth. [KEYSTONE - OIVIER MATTHYS]
La famille royale de Belgique. Au centre, le roi Philippe et, deuxième depuis la droite, la princesse Élisabeth. [KEYSTONE - OIVIER MATTHYS]

Patrick Weber illustre son propos avec sa patrie, la Belgique, qu'il "ne voit pas une seule seconde devenir une république": "Ce serait ingérable. On ne pourrait pas imaginer un président qui parle plutôt flamand ou français. Chez nous, le roi est asexué linguistique. Officiellement, on ne sait pas quelle langue il parle. La future reine (la princesse Élisabeth, 21 ans, ndlr) est allée à l'école en néerlandais. Elle parle l'allemand, le français, le néerlandais et l'anglais couramment. C'est devenu indispensable", assure l'auteur de deux livres sur la royauté belge parus récemment.

Faire rêver, une mission royale

La monarchie reste donc en piste mais se trouve à un tournant. Elle doit "se rapprocher des gens, tout en continuant à faire rêver". Patrick Weber pense qu'amener une pointe d'humour et "le petit clin d'œil" ne peut pas faire de mal.

A cet égard, Philippe, le roi des Belges, a relevé le défi grâce à un clip avec la sélection nationale juste avant le Mondial de football au Qatar. On y voit le roi entraîner les diables rouges. "Cela n'a malheureusement pas été une très grande réussite au niveau de la compétition", s'amuse Patrick Weber.

"Mais, en attendant, le truc est très bien passé", poursuit-il. Philippe passe habituellement pour un homme rigide. "En termes d'image, ces quelques secondes sur les réseaux sociaux ont fait beaucoup. Je pense que, parfois, la monarchie doit se décoincer, tout en gardant cette petite part de mystère qui fait rêver."

Propos recueillis par Benjamin Luis
Adaptation web: Antoine Michel

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Parfois, un désir de vivre autrement

Certaines personnes au sein des royautés ne supportent pas les contraintes d'une vie passée dans une cage dorée et revendiquent un mode de vie émancipé. Surtout les femmes, qui refusent d'être cantonnées au rôle de génitrices. Patrick Weber cite Charlène de Monaco, Diana et, plus récemment, Meghan.

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A l'heure des réseaux sociaux, il est en outre plus facile de prendre en main son image. Au Palais royal à Bruxelles, le service de communication aimerait d'ailleurs pouvoir "tout gérer", révèle le journaliste belge, une tâche toutefois devenue impossible.