Le nouveau Congrès américain n’est pas parvenu mardi et mercredi à élire un président, après cinq tentatives infructueuses du républicain Kevin McCarthy, grand favori pour remplacer Nancy Pelosi. Il s’agit d'une première en 100 ans.
Vieux routier de la politique chez les conservateurs, il se préparait pour ce moment depuis des années, mais a subi une fronde issue des élus les plus radicaux du camp républicain. Même s'il finit par être élu, il sera très affaibli et aura du mal à maîtriser ses troupes dans les deux années de législature qui s'ouvrent.
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Du côté des démocrates, le président des Etats-Unis Joe Biden vit lui aussi un moment charnière puisqu'il bascule dans la deuxième moitié de son mandat dans une meilleure posture que prévu.
Joe Biden, un président "sous-estimé"
En effet, la bonne performance surprise de son camp dans les élections de novembre dernier a lancé une nouvelle dynamique. Il a remporté des succès législatifs, obtenu le retour de la basketteuse Brittney Griner emprisonnée en Russie et validé des milliards de dollars d'investissements.
Pour Françoise Coste, professeure d'études américaines à l'Université de Toulouse Jean-Jaurès, le bilan politique de Joe Biden est sous-estimé. Elle voit en lui un président qui va marquer l'Histoire plus qu'on ne le pense aujourd'hui.
"Il a été sous-estimé dès le début. Tous les yeux étaient rivés sur Bernie Sanders lors de la primaire. On le considérait comme trop vieux, has been. Finalement, son message de réconciliation après le Trumpisme au printemps 2020 a trouvé un écho", souligne-t-elle mercredi dans l’émission Tout un monde de la RTS. "Son côté plan-plan était peut-être exactement ce dont avait besoin l’Amérique".
Tous les yeux étaient rivés sur Bernie Sanders lors de la primaire. On considérait Biden, comme trop vieux, has been. Finalement son message de réconciliation après le Trumpisme au printemps 2020 a trouvé un écho
Par ailleurs, c'est la première fois depuis 1934 qu’un président démocrate arrive à gagner des sièges au Sénat aux élections de mi-mandat. "Il a sans doute accompli plus de choses en deux ans que ce qu’a fait Barack Obama pendant ses deux mandats".
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Parmi les mesures sociales évoquées par la spécialiste, on retrouve notamment les chèques de 2000 dollars envoyés aux familles américaines lors de la crise du Covid, le grand plan d’infrastructure ou encore le plan de lutte contre l’inflation. "D'ici quelques années on se rendra compte qu’il fait partie des présidents démocrates qui ont fortement marqué de leur empreinte les politiques sociales des Etats-Unis." Françoise Coste évoque une "relance keynésianniste digne des années 1930".
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Un président peu populaire
Sur le plan international, le bilan est également plutôt positif. "On a vu début 2021 que la priorité de Joe Biden était de se rabibocher avec ses alliés, de rassurer l’Otan et de se rapprocher de l'Europe. Le tout, avec ce message: 'America is back', poursuit la professeure. Pour elle, avec un président comme Donald Trump à la tête du pays pendant la guerre en Ukraine, le conflit se serait peut-être déroulé différemment. "Les Européens l’ont échappé belle", estime-t-elle.
Sur le plan intérieur, la popularité de Joe Biden reste toutefois basse. Françoise Coste parle de "paradoxe Biden". Elle précise: "Il a beaucoup de succès politique et législatif, mais les sondages sur sa popularité ne sont pas mirobalants. Il y a une sorte de déconnexion entre la réalité de son bilan et sa popularité".
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Texte: Hélène Krähenbühl