Au total, ce sont 99% des communications internet mondiales qui passent par ces câbles, contre seulement 1% par les satellites. Cette fibre optique transporte nos données, des simples emails aux séries télé en passant par les échanges bancaires ou commerciaux. Les économies sont fortement dépendantes de ces infrastructures pour fonctionner.
Une dépendance qui inquiète de plus en plus, alors que des navires russes ont été aperçus à proximité de ces câbles ces dernières années. Dernier événement en date, le Yantar, repéré au large des côtes irlandaises, un navire déclaré comme "océanographique" mais qui dispose d'un mini sous-marin capable de plonger jusqu'à 6000 mètres de profondeur et donc d'endommager potentiellement ces câbles.
Une zone difficile à surveiller
De par leur positionnement en profondeur, ces câbles sous-marins sont justement difficiles à surveiller. Leur étendue est également un défi de taille. Au total, ces tuyaux représentent 1,3 million de kilomètres, soit plus de trois fois la distance Terre-Lune.
Appartenant à des opérateurs privés, il est également impossible de savoir précisément où ils se trouvent, à moins d'avoir des contacts avec ceux qui les ont posés. Les cartes sont donc imprécises, même si l'on connaît la géographie générale de ce câblage.
"Au total, il y a environ 450 câbles actifs dans le monde. Ce sont des câbles de fibre optique, qui font donc transiter les données à la vitesse de la lumière. Ils se concentrent essentiellement sur trois axes: l'axe transatlantique, qui relie l'Europe aux Etats-Unis, l'axe Europe-Asie, qui passe par le canal de Suez, la Méditerranée et l'océan Indien et enfin l'axe transpacifique, qui relie l'Asie aux Etats-Unis. On voit donc que les Etats-Unis sont bien au centre de la concentration de ce grand réseau", explique dans Tout un monde Camille Morel, chercheuse en relations internationales et spécialiste de la géopolitique des fonds marins.
Des risques multiples
Espionnage, piratage, opération sous faux pavillon, les risques pour ces infrastructures essentielles sont de plus en plus visibles. En 2013, Edward Snowden avait par exemple révélé que le renseignement américain écoutait des communications grâce à ces "tuyaux internet".
Aujourd’hui c'est notamment la menace russe qui interpelle. "Ces navires à proximité des infrastructures participent plutôt de la démonstration de force. Il s'agit de dire pour un pays ou pour un autre, "nous savons où sont ces lignes de communications et nous sommes en mesure d'agir éventuellement dessus", estime Camille Morel.
Et d'ajouter: "Par contre, de la même manière que les gazoducs Nord Stream ont été touchés, il est possible que ces infrastructures soient visées, soit dans le cadre d'un conflit, soit dans des moments de tensions diplomatiques".
Pour la spécialiste, le flou touchant au domaine maritime permet surtout au besoin d'agir "en toute discrétion, sans revendiquer ses actions".
L'accès aux grands fonds à nouveau essentiel
Pour se prémunir de potentielles activités d’espionnage, les pays cherchent à se doter à nouveau de capacités pour accéder à de tels niveaux de profondeur. En France, la ministre des armées a présenté l'année dernière "une stratégie pour les fonds marins".
"Nous allons nous doter des moyens pour surveiller mais également pour réparer ces câbles", explique l'amiral Alain Coldefy, ancien inspecteur général des armées françaises.
La France va donc revenir sur "l'intervention profonde", qui avait été un peu écartée à la fin de la Guerre froide, comme pour beaucoup d'autres pays, pour des raisons financières.
"On s'est aperçu que c'était assez fondamental. Les Russes sont très peu dépendants d'internet par ces câbles sous-marin, car ils ont peu de relation avec le monde occidental. Ils ont déployé une stratégie de maîtrise, voire de destruction avec des capacités offensives certaines, comme le fait de transformer un sous-marin nucléaire lanceur d'engins en sous-marin capable de délivrer de petits sous-marins pouvant s'attaquer aux câbles", ajoute Alain Coldefy.
Une course mondiale
Actuellement, les Etats-Unis, la Russie et la Chine disposent de ces capacités de grande profondeur, jusqu'à 6000 mètres. La France a également ce genre de technologie, mais les robots utilisés ne sont pas purement destinés au domaine militaire. Ils servent également à la recherche.
Au niveau mondial, de nombreux Etats manifestent désormais leur intérêt dans ce secteur, que ce soit par des discours, en mettant en place de nouvelles législations ou tout simplement en renforçant leurs capacités. L'Otan également s'est emparée du sujet.
Au-delà des attaques physiques sur ces infrastructures, chercheurs et militaires s'interrogent aussi sur les potentialités de ces câbles en matière d'espionnage. Pourraient-ils par exemple permettre d'écouter l'activité maritime, mettant à mal la dissuasion nucléaire? Les chercheurs se posent la question et évaluent cette possibilité.
Blandine Levite/ther