Près de 200 personnes ont passé la journée de lundi à nettoyer le palais présidentiel de Brasilia, saccagé par les bolsonaristes. Un travail de titan épuisant, tant physiquement qu'émotionnellement, pour les employées et les employés de ce palais, qui figure au patrimoine de l’Humanité et qu'il faudra encore réparer pendant de longues semaines.
"C'est très triste de voir l'endroit où nous travaillons, qui a été ainsi détruit par cette bande de vandales. J'ai été tellement blessée, j'ai beaucoup pleuré", témoigne une employée dans La Matinale.
Le patrimoine en péril
Les trois bâtiments vandalisés, le Palais présidentiel de Planalto, le Cour suprême et le siège du Congrès, constituent des trésors de l'architecture moderne signés Oscar Niemeyer.
Les constructions futuristes aux courbes emblématiques de cet architecte génial sont pour beaucoup dans le classement par l'Unesco du tissu urbain de la capitale brésilienne au Patrimoine mondial de l'humanité, en 1987.
Mobilier rare, oeuvres de grands artistes
Chacun des trois bâtiments, dont une quantité impressionnante de vitres ont été brisées, regorgeait en outre de mobilier rare, d'oeuvres de grands artistes modernistes brésiliens, ou d'autres offertes au Brésil par des pays étrangers.
Dans un communiqué, l'Institut du Patrimoine historique artistique national du Brésil (Iphan) a "profondément déploré les dégâts occasionnés" et assuré qu'une expertise serait menée prochainement pour "évaluer les besoins de restauration". Le gouvernement a par ailleurs publié sur son site une liste des principales oeuvres endommagées.
"La Justice" taguée
La statue de granite "La Justice", sculptée en 1961 par le Brésilien Alfredo Ceschiatti, trône devant la Cour suprême, sur la Place des Trois pouvoirs, en face du palais présidentiel.
Cette oeuvre monumentale de plus de trois mètres de haut représente une femme assise, les yeux bandés, une épée à la main. Dimanche, elle a été taguée, avec l'inscription "Perdeu, mané" (tu as perdu, pauvre con), sur la poitrine.
Cette expression avait été utilisée par un juge de la Cour suprême, Luis Roberto Barroso, pour s'adresser à un bolsonariste qui l'interpellait sur la fiabilité des urnes électroniques en novembre, peu après la défaite de Jair Bolsonaro face à Luiz Inacio Lula da Silva au second tour de la présidentielle.
Pendule Louis XIV
Une pendule fabriquée par Balthazar Martinot, horloger du Roi de France Louis XIV, de marqueterie Boulle, a été retrouvée sur le sol, au troisième étage du Palais présidentiel, le coffre marron et doré très abîmé, un trou béant à la place du cadran.
Selon la présidence, il s'agissait d'un cadeau de la Cour du Roi Soleil à la couronne portugaise, apporté par le Roi Joao VI au Brésil en 1808, quand il avait fui Lisbonne à l'approche des troupes napoléoniennes.
Seules deux pendules de ce type ont été fabriquées par cet horloger: l'autre, qui fait la moitié de la taille de celle qui a été endommagée au Brésil, est exposée au Château de Versailles.
La restauration de l'exemplaire de Brasilia est considérée comme "très difficile" par Rogerio Carvalho, responsable du patrimoine des Palais présidentiels, cité dans un communiqué.
Chef-d'oeuvre moderniste
Le tableau "Les mulâtres", du peintre Di Cavalcanti, un des maîtres du modernisme brésilien, exposé au Salon noble du troisième étage du Palais présidentiel, a été gravement endommagé.
La toile datant de 1962, qui représente quatre femmes dans un décor végétal exubérant, a été "trouée à sept reprises" à coups de couteau par les émeutiers, selon la présidence.
"Sa valeur est estimée à 8 millions de réais (environ 1,4 million d'euros), mais ce genre d'oeuvre est habituellement vendu cinq fois plus cher aux enchères".
Une table historique comme barricade
La "table de travail de Juscelino Kubitschek", ex-président brésilien visionnaire à l'origine de la construction de Brasilia, capitale bâtie ex nihilo au milieu de la savane et inaugurée en 1960, a également été endommagée.
Cette table marron foncé, conçue par Oscar Niemeyer et sa fille unique Anna Maria, a été renversée et utilisée comme barricade par les émeutiers pour bloquer l'accès des forces de l'ordre, selon la présidence.
afp/vkiss