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Malgré l'arrestation de Matteo Messina Denaro, la mafia reste bien active en Italie

Des policiers montent la garde devant le repaire du chef de Cosa Nostra, Matteo Messina Denaro, après une descente de nuit à Campobello di Mazara, en Sicile, dans le sud de l'Italie, le 17 janvier 2023. [KEYSTONE - Max Firreri / EPA]
Un gros coup loin d'être fatal pour la mafia italienne / Tout un monde / 7 min. / le 17 janvier 2023
L'arrestation lundi du mafieux le plus recherché d'Italie, Matteo Messina Denaro, a été saluée par les autorités politiques du pays comme une grande victoire. Mais cette incarcération est loin de constituer un coup fatal pour l'influence de la mafia, estiment des spécialistes de ces organisations.

Matteo Messina Denaro est le dernier grand parrain de la mafia sicilienne Cosa Nostra. Il a notamment été l'organisateur des attentats de 1992 contre les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.

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Le mafieux a été arrêté lundi dans une clinique de Palerme, en Sicile, où il était soigné pour un cancer sous une fausse identité. Recherché depuis 30 ans, il était présent sur le territoire sicilien depuis lequel il contrôlait les affaires de son organisation.

Cette longue cavale illustre les réseaux de soutien importants de Matteo Messina Denaro. "Comme tous les plus grands responsables de Cosa Nostra, il a été attrapé au bout de plusieurs décennies et arrêté dans son lieu d'origine. C'est la nature même de cette mafia: avoir des complicités avec des gens haut placés, tant dans les administrations que dans le système sanitaire", explique Charlotte Moge, spécialiste des mafias italiennes et maîtresse de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon 3, mardi dans l'émission Tout un monde.

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Un système bien implanté

Cosa Nostra a fortement été mise sous pression après ses attentats contre des juges anti-mafia, amenant de nombreux repentis à collaborer avec la justice. La mafia s'est depuis renouvelée. A partir des années 2000, elle a repris ses affaires de manière plus discrète, mais a continué à contrôler le territoire sicilien, et notamment les élections.

"Aujourd'hui, une grosse tête est tombée, mais le système est toujours en place. C'est ce qui caractérise une mafia, l'organisation survit à ses membres", souligne Charlotte Moge.

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La justice et les forces de l'ordre sont bien impliquées dans la lutte anti-mafia, mais leur pouvoir d'action est limité par la nature de ces organisations criminelles. "Ce sont des réseaux ou des fédérations de familles qui contrôlent le territoire de façon capillaire, ce qui permet une emprise de très longue durée et rend le combat encore plus compliqué", précise Clotilde Champeyrache, économiste et maîtresse de conférences au Centre national des arts et métiers (CNAM) de Paris.

Au niveau politique, il existe en revanche plus de flottement et d'ambiguïtés. "Le discours sur le mafia est un peu passé au second plan", note-t-elle.

Des législations manquantes

D'autres puissantes mafias sont actives en Italie et au-delà des frontières de la péninsule, comme la Camorra dans la région de Naples ou la 'Ndrangheta basée en Calabre.

Ces organisations coopèrent entre elles, notamment dans le cadre du trafic international de stupéfiants, et sont particulièrement présentes dans les grands ports commerciaux. Selon Charlotte Moge, la 'Ndrangheta est l'un des principaux importateurs de cocaïne en Europe. Elle est implantée dans plusieurs passages commerciaux et a même son propre port à Gioia Tauro, en Calabre, construit avec son argent, indique la spécialiste.

Mais les moyens pour lutter contre ces réseaux manquent. La question de la sécurité et du contrôle des marchandises reste un gros point faible des ports européens, affirme Clotilde Champeyrache. La formation du personnel dans ces points commerciaux, pouvant permettre de résister aux propositions corruptives des mafias, est aussi lacunaire.

Il existe en outre un vide législatif et juridique pour combattre efficacement ces organisations dans les pays européens. "Seule l'Italie a une législation qui permet de condamner un système criminel. Toutes les autres législations européennes se concentrent sur un délit ou un crime. Il n'y a donc pas toujours de travail d'enquête de démantèlement de réseaux à la suite d'une saisie de stupéfiants, par exemple", souligne Charlotte Moge.

Sujet radio: Patrick Chaboudez

Adaptation web: iar

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