Jens Stoltenberg sur l'exportation des armes: "Dans le cas de l'Ukraine, il ne s'agit pas de neutralité"
Pour le patron de l'alliance atlantique, la guerre est dans une phase cruciale, et l'Ukraine a urgemment besoin d'armement lourd.
Toutefois, la Suisse s'est jusqu'ici non seulement refusée à livrer des armes, mais elle ne veut pas non plus que les membres de l'Otan fournissent du matériel produit en Suisse. Même si Jens Stoltenberg ne mentionne pas expressément la Suisse, on comprend que la pression est importante sur le pays hôte du Forum économique.
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"J'appelle toutes les nations à contribuer à fournir un soutien militaire à l'Ukraine, car il faut nous souvenir de quoi il s'agit: c'est une agression militaire de la part de la Russie contre une nation souveraine et démocratique en Europe, l'Ukraine", explique Jens Stoltenberg à la SSR.
"Respecter le droit à la légitime défense"
L'argument de la neutralité suisse ne convainc pas le secrétaire général de l'alliance militaire. Selon lui, la neutralité peut se défendre, mais dans d'autres circonstances.
"Dans le cas de l'Ukraine, il ne s'agit pas de neutralité. Il s'agit de respecter le droit à la légitime défense, de protéger l'état de droit, et de défendre la charte des Nations unies. Les deux parties ne sont pas à égalité. On parle d'un agresseur, et d'une victime d'une agression. Le droit international est absolument clair là dessus, le pays agressé a le droit de se défendre."
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Enjeux économiques
Les enjeux pour la Suisse sont aussi économiques. Alors que la Confédération a bloqué les exportations de matériel militaire "made in Switerland" depuis l'Espagne et l'Allemagne, le retour de bâton pourrait se faire sentir. L'industrie de l'armement craint que les membres de l'Alliance atlantique décident de ne plus acheter des armes helvétiques, comme l'Allemagne commence à le laisser clairement entendre.
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"La Suisse est un pays souverain. Nous avons le plus grand respect devant la Confédération. Mais quand on prend des décisions pareilles, il faut aussi accepter que ses partenaires et amis choisissent d’autres fournisseurs, y compris pour l’armement", déclare dans le 19h30 Christian Lindner, ministre des Finances allemand.
Irritation des autres pays
De son côté, Jens Stolenberg estime que cette décision revient aux Etats membres. Mais il confirme l'agacement, ou du moins l'impatience de certains.
"Les pays de l'Otan sont pressés d'aider l'Ukraine, parce que cela permet de sauver des vies. Vous voyez les attaques brutales continuer encore et encore, comme il y a quelques jours dans la ville de Dnipro, où un immeuble avec de nombreux appartements a été attaqué."
"Nous avons vu tellement d'attaques délibérées contre des infrastructures civiles essentielles, des centrales ou le réseau électriques. Le président Poutine essaie de faire de l'hiver une arme de guerre. Il n'a montré aucun signe qu'il est en train de préparer la paix. Le but de l'Otan est de sauver des vies, et les pays membres sont impatients de pouvoir apporter leur soutien."
Plusieurs pays européens ont revu drastiquement leur position depuis le début de la guerre. La Suède, qui est aussi un pays neutre, a par exemple posé une demande d'adhésion à l'Otan. L'Allemagne, qui n'avait pas livré d'armes dans une zone de conflit depuis la Seconde Guerre mondiale, est l'un des principaux fournisseurs d'armes de l'Ukraine. Dans ces pays, la position jusqu'au-boutiste de la Suisse commence à irriter.
Propos recueillis par Sebastian Ramspeck, avec Anouk Henry
Sujet TV: Pierre Nebel
Adaptation web: Antoine Schaub