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Le sexisme perdure en France, y compris chez les moins de 35 ans

Le sexisme perdure en France, y compris chez les moins de 35 ans. [HANS LUCAS VIA AFP - AMAURY CORNU]
Le sexisme perdure en France, y compris chez les moins de 35 ans. - [HANS LUCAS VIA AFP - AMAURY CORNU]
En France, ce mercredi marque la Journée de lutte contre le sexisme. Malgré la sensibilisation qu'a provoquée le mouvement #MeToo, le sexisme perdure dans le pays, notamment avec des "réflexes masculinistes" chez les jeunes hommes, déplore le Haut Conseil français à l'égalité.

"Le sexisme ne recule pas en France. Il a même tendance à s'aggraver dans certaines de ses manifestations les plus violentes et les jeunes entre 25 et 34 ans sont les plus touchés", s'inquiète la présidente du Haut Conseil français à l'égalité (HCE) Sylvie Pierre-Brossolette, lundi dans l'émission de la RTS Forum.

Avant d'ajouter: "Comme on sait que le sexisme est la cause des violences, si le sexisme se maintient, on aura toujours de la violence à la sortie." Le HCE, instance consultative indépendante, note que "cinq ans après #MeToo", la "société française reste sexiste dans toutes les sphères": publique, privée, professionnelle, médiatique...

>> L'interview de Sylvie Pierre-Brossolette dans Forum :

Sylvie Pierre-Brossolette, le 16 décembre 2021 à Paris. [AFP - Julien De Rosa]AFP - Julien De Rosa
En France, le sexisme a pris de l'ampleur auprès des jeunes: interview de Sylvie Pierre-Brossolette / Forum / 6 min. / le 24 janvier 2023

"L'opinion reconnaît et déplore l'existence du sexisme, mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes", selon le rapport qui s'appuie sur les chiffres officiels et sur un baromètre réalisé par l'institut ViaVoice auprès de 2500 personnes représentatives.

Selon le HCE, 80% de femmes disent avoir l'impression d'avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe au cours de leur vie et 14% déclarent avoir déjà subi "un acte sexuel imposé". Plus largement 37% disent avoir vécu des situations non consenties dans les rapports sexuels, dont un rapport non protégé devant l'insistance de leur partenaire (12%), non consenti sous l'effet de l'alcool ou la drogue (7%).

Influence sur la vie quotidienne

Le sexisme conduit à des renoncements quotidiens pour 9 femmes interrogées sur 10: la moitié renoncent à sortir ou faire des activités seules ou à s'habiller comme elles le souhaitent. Et 8 sur 10 ont peur de rentrer seules chez elles le soir.

Les hommes de leur côté peinent "à se sentir concernés", ne se sentent pas personnellement responsables de conduites sexistes, voire pour un quart d'entre eux pensent qu'on "en fait trop sur les agressions sexuelles".

Si les hommes de plus de 65 ans sont plus "conservateurs", attachés à des rôles genrés stricts, le HCE observe aussi des "clichés masculinistes" chez les moins de 35 ans: un quart estime qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter. L'image des femmes véhiculée par la pornographie est jugée problématique par la moitié d'entre eux contre 79% des 65 ans et plus.

Beaucoup de sexisme en ligne

Le HCE s'inquiète d'un "phénomène de backlash à l'oeuvre partout", avec des "raids masculinistes" sur les réseaux sociaux "pour réduire les femmes au silence ou les discréditer".

Globalement, le HCE met en garde contre une "situation qui s'aggrave avec l'apparition de phénomènes nouveaux: violence en ligne, virulence accrue sur les réseaux sociaux, barbarie dans de très nombreuses productions de l'industrie pornographique, affirmation d'une sphère masculiniste et antiféministe". Les pouvoirs publics "ne sont pas considérés à la hauteur des enjeux sur ces questions", note l'institution.

vajo avec l'afp

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Plusieurs recommandations

Parmi les "mesures clés" identifiées par le HCE, la "régulation des contenus du secteur numérique pour lutter contre les stéréotypes, les représentations dégradantes et les scènes de violences désormais banalisées sur internet, en particulier dans les vidéos pornographiques".

Réguler les contenus en ligne

"Il faut réguler internet comme on le fait pour l'audiovisuel, déclare la présidente du HEC Sylvie Pierre-Brossolette, sur les ondes de la RTS. En France, on n'a pas le droit - personne ne se plaint du manque de liberté dans l'audiovisuel - de montrer des images dégradantes et contraires à la dignité humaine. Et cela ne coûte rien."

L'institution propose aussi la création d'une "Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique". Elle recommande de renforcer les "moyens financiers et humains de la justice pour des juridictions chargées de traiter des violences intrafamiliales, à l'instar de l'investissement espagnol". Le gouvernement a confié au Parlement une mission sur de telles juridictions spécialisées.

Cours d'éducation sexuelle et interdiction de la publicité

"Depuis vingt ans, le Ministère de l'éducation n'applique pas la loi, soit trois séances d'éducation sexuelle par an dès le primaire jusqu'en terminal. Si cela avait été appliqué, quelques morts auraient sans doute été évités", estime Sylvie Pierre-Brossolette.

Pour changer les mentalités, le HCE recommande d'interdire la publicité pour les jouets genrés et de conditionner le versement d'argent public à une contrepartie en terme d'égalité pour les entreprises.