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La Syrie est "la plus grande crise depuis la Deuxième Guerre mondiale"

La Syrie traverse une crise humanitaire sans précédent: interview de Tawfik Chamaa
La Syrie traverse une crise humanitaire sans précédent: interview de Tawfik Chamaa / Forum / 9 min. / le 26 janvier 2023
Douze ans après le début de la guerre en Syrie, 12 millions d'habitants souffrent de la faim dans ce pays, alerte l'ONU. "La plus grande crise que l'humanité subit depuis la Deuxième Guerre mondiale est bel et bien la Syrie", estime Tawfik Chamaa, un médecin d’origine syrienne et actif dans l'aide humanitaire.

"Le peuple syrien reste pris au piège d’une profonde crise humanitaire, politique, militaire, sécuritaire, économique et des droits de l’Homme d’une grande complexité et d’une ampleur presque inimaginable", a lancé cette semaine Geir O.Pedersen, envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, devant le Conseil de sécurité.

Le nombre de Syriens souffrant de la faim a atteint un nouveau record après 12 ans de guerre civile, a averti vendredi le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a mis en garde contre "une nouvelle vague d'émigration de masse". "Douze millions de personnes ne savent pas comment elles se procureront leur prochain repas", indique l'agence de l'ONU, qui apporte une aide à près de 5,5 millions de personnes.

Les prix des denrées alimentaires ont été multipliés par 12 au cours des trois dernières années dans ce pays frappé en outre par la sécheresse, le choléra et le Covid-19.

Une population "vraiment dans la détresse"

"La plus grande crise que l'humanité subit depuis la Deuxième Guerre mondiale est bel et bien la Syrie" et la population qui vit dans des zones sous le contrôle de Damas "est vraiment dans la détresse", car le régime concentre le peu de moyens à disposition à sa survie. "L'Etat central utilise une partie de l'aide humanitaire comme une sorte de perfusion", a estimé Tawfik Chamaa, médecin d’origine syrienne, jeudi dans l'émission Forum.

Depuis 2017-2018, pratiquement 80% de l'aide humanitaire passe par Damas. "Ce qui veut dire que le gouvernement central, avec une certaine corruption, est en train de tirer profit de 70% de cette aide qui n'arrive pas à destination", dénonce celui qui est le porte-parole en Suisse de l'Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM), une ONG médicale qui travaille avec les populations victimes du conflit syrien.

"Actuellement, il n'y a pas vraiment des opérations militaires en Syrie", mais "il y a des factions armées qui sont en équilibre", indique Tawfik Chamaa. Mais si "on ne peut plus parler d'une guerre au sens militaire du terme", le morcellement du pays complique le travail des humanitaires et "maintient une pression inacceptable sur les populations civiles". Et pour ne rien arranger, les ressources allouées à la Syrie diminuent notamment en raison de la guerre en Ukraine, constate le médecin.

Un pays divisé

Après 12 ans de conflit, le pays est divisé et plusieurs troupes étrangères ainsi que plusieurs groupes armés sont actifs sur le terrain. Parmi les forces en présence, l'armée syrienne et ses alliés, notamment russes, contrôlent la majeure partie de l'ouest du pays.

Mais les forces kurdes soutenues par les Etats-Unis tiennent une bonne partie du nord et de l'est, où les Turcs sont aussi présents. La région d'Idleb (nord-ouest) reste une des dernières enclaves tenues par des rebelles et des djihadistes. Les Etats-Unis disposent aussi d'une base à Al-Tanf, dans le sud du pays, où ils soutiennent le groupe rebelle de l'Armée de la Syrie libre. L'Iran est aussi impliqué dans le soutien au président Bachar al-Assad.

La Syrie compte 13 millions de personnes déplacées, soit plus de la moitié de la population estimée du pays. Et 6 millions de ces personnes ont quitté le pays. Près d'un réfugié sur quatre dans le monde est Syrien, estimait l'ONU en 2021. En outre, depuis le début du conflit en 2011, près d'un demi-million de personnes ont été tuées, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

>> Lire aussi : Onze ans de conflit en Syrie et des similitudes évidentes avec l'Ukraine

Propos recueillis par Mehmet Gultas

Adaptation web: Caryl Bussy

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Aide humanitaire de 6 mois pour les rebelles d'Idleb

Le Conseil de sécurité de l'ONU a étendu le 9 janvier le mécanisme d'aide transfrontalière à la Syrie pour six mois.

La résolution adoptée à l'unanimité étend jusqu'au 10 juillet 2023 le mécanisme qui permet d'acheminer de l'aide depuis la Turquie, uniquement par le point de passage de Bab al-Hawa, aux régions sous contrôle de groupes djihadistes et rebelles dans la province d'Idleb et ses environs, sans passer par le régime syrien de Bachar al-Assad.

Le mécanisme avait été renouvelé en juillet dernier également pour seulement six mois, une durée imposée par Moscou, allié de Bachar al-Assad.

La Russie veut que l'aide transite exclusivement par les régions sous contrôle du régime et non par le point de passage de Bab al-Hawa, qui assure plus de 80% des besoins de la population des zones jihadistes.

>> Lire à ce sujet : En Syrie, l'aide humanitaire n'arrive plus à Idlib en raison du veto russe