Benjamin Netanyahu rempile pour un sixième mandant à la tête d'Israël. Le chef du Likoud a présenté fin décembre son nouveau gouvernement, le plus à droite de l'histoire de l'Etat hébreu. Il a réuni autour de lui une large coalition. Notamment la liste "Sionisme religieux", composée de formations aux positions ultra-conservatrices, ouvertement anti-palestiniennes qui prônent l'annexion d'une partie de la Cisjordanie.
En Israël, "des partis d'extrême droite ont déjà été dans des coalitions au pouvoir", rappelle dans Géopolitis le spécialiste du conflit israélo-palestinien Pascal de Crousaz. "Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que cette extrême droite est au coeur même du pouvoir. Elle a hérité du ministère des Finances, du ministère de la Sécurité intérieure, avec aussi des prérogatives sur les Territoires occupés." Deux ministères qui reviennent respectivement à Bezalel Smotrich, leader du parti "Sionisme religieux", et à Itamar Ben-Gvir d'"Otzma Yehudit". A peine investi, ce dernier s'était rendu sur l'Esplanade des Mosquées (Mont du Temple pour les juifs), lieu saint au coeur des tensions à Jérusalem-Est. Une visite perçue comme une provocation par les Palestiniens, dont il nie l'existence.
Lâché par ses alliés traditionnels, Benjamin Netanyahu a choisi d'opérer un virage plus radical pour assurer son retour au pouvoir. L’extrême droite et les partis ultra-religieux disposent désormais de 32 sièges à la Knesset, autant que le Likoud. "Ces partis sont absolument indispensables à Benjamin Netanyahu", poursuit le chercheur. "Non seulement pour sa coalition, mais peut-être aussi pour sa simple survie politique. Ou l'évitement même de la prison pour les affaires de fraude et de corruption dont il est accusé. Donc il en est l'obligé, si ce n'est, disent certains, l'otage." Le procès pour corruption visant Benjamin Netanyahu est toujours en cours.
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"Loin des pères fondateurs"
Le nouveau ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben-Gvir, est l'un des visages les plus connus de cette extrême droite israélienne décomplexée. Cet avocat de formation, habitués aux coups d'éclat, arbore régulièrement un pistolet à la ceinture. Itamar Ben-Gvir a été reconnu coupable en 2007 d'incitation au racisme et de soutien à un groupe terroriste.
"On est loin de l'Israël des pères fondateurs, de David Ben Gourion, Golda Meir. (...) On réalise qu'un abîme s'est ouvert", résume Pascal de Crousaz. En récent déplacement dans le pays, il a été particulièrement frappé d'entendre des discours toujours plus radicaux, comme des élus de gauche qualifiés de "traîtres à Israël" ou une opposition appelant "à de grands mouvements de désobéissance civile."
La Cour suprême israélienne est aussi dans le viseur de ce nouveau gouvernement qui entend réduire ses prérogatives. "Il y a une volonté de se débarrasser de cette entrave", explique-t-il. "Et donc une volonté de faire passer une loi qui permette de mettre le Parlement et le gouvernement au-dessus de la Cour suprême. Et donc de porter préjudice, si ce n'est à la séparation des pouvoirs, au moins à des contre-pouvoirs ou un équilibre des pouvoirs au sein d'Israël."
Craintes d'embrasement
Depuis plusieurs jours, le pays affronte une nouvelle flambée de violences, alors que l'année 2022 a été la plus meurtrière depuis 2005 en Cisjordanie. Selon un décompte de l'AFP, le conflit a fait l'an dernier 235 morts, des Palestiniens à près de 90%.
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En visite au Proche-Orient, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'est joint au concert d'appels internationaux exhortant à un retour au calme. "Les Américains sont un peu embarrassés évidemment par rapport à l'évolution que prend la coalition", poursuit Pascal de Crousaz. "Antony Blinken a donné une petite leçon de démocratie en Israël, en rappelant en visite à Jérusalem que l'alliance inébranlable entre les États-Unis et Israël repose certes sur des intérêts communs, mais aussi sur des valeurs communes: (...) démocratie, respect des droits humains, respect et traitement égal des minorités. Une longue liste qui va complètement à l'encontre du programme suprémaciste des partis d'extrême droite."
Antony Blinken a également mis en garde contre toute démarche compromettant la solution à deux Etats, en pointant "l'expansion des colonies, la légalisation des colonies sauvages, les démolitions et les expulsions". Selon l'ONG israélienne B'tselem, 662'000 colons israéliens sont installés en Cisjordanie, où vivent environ 2,9 millions de Palestiniens. Des colonies illégales au regard du droit international.
Mélanie Ohayon