Le 26 décembre 2004, un séisme de magnitude 9,3 provoquait le tsunami le plus meurtrier de l'histoire récente. L'énorme vague s'était abattue sur tout le pourtour de l'océan Indien, faisant 250'000 morts, dont 170'000 en Indonésie.
Un tsunami était alors un phénomène naturel encore peu connu. Il était difficile à détecter et il était encore plus ardu de communiquer son arrivée aux personnes se trouvant en bord de mer.
Après la catastrophe de 2004, des outils de surveillance ont été mis en place. En Indonésie, un système d'alerte précoce aux tsunamis appelé TEWS a été inauguré en 2008 par le président Susilo Bambang Yudhoyono.
Quinze ans plus tard, ce dispositif novateur et sophistiqué est à l'abandon.
Des bureaux vides
Cité par Le Courrier International, le média indonésien Koran Tempo dit s'être rendu fin janvier au Centre indonésien d'observation des tsunamis à Djakarta et s'être trouvé face à des bureaux vides.
La pièce de la taille d'un terrain de badminton était fermée à clé, plongée dans le noir, sans aucun employé à l'intérieur. Les ordinateurs étaient encore allumés, mais avec le seul logo du Centre et de l'Agence météorologique du pays.
Ces appareils étaient censés fonctionner 24 heures sur 24 pour surveiller en continu les données transmises par les dispositifs de détection des tsunamis au milieu de l'océan, essentiellement des bouées et des capteurs permettant de détecter la pression sous-marine et la propagation des ondes sonores.
Les alertes maritimes en cas de séisme en mer devaient transiter par ces bureaux avant d'être transmises partout dans le pays et avertir les populations du danger en l'espace de quelques minutes. Si le dispositif a fait ses preuves, des dysfonctionnements ont aussi été rapidement annoncés.
Selon la presse indonésienne, l'abandon du système TWES est essentiellement dû à la restructuration de l’Agence nationale de la recherche et de l’innovation (BRIN). Issue de la fusion controversée de plusieurs autres centres de recherche gouvernementaux en 2021, cette nouvelle institution a tout simplement cessé de financer le programme, et ce depuis plus d'un an.
Des critiques contre les autorités
Les médias indonésiens ont aussi relayé diverses critiques à l'égard des autorités, qui préféreraient utiliser l'argent pour autre chose qu'un programme pourtant aussi vital pour les régions côtières. Alors que la corruption est un fléau souvent dénoncé en Indonésie, d'autres ont aussi évoqué des problèmes de gestion administrative et de gouvernance.
Le système est, il est vrai, coûteux à entretenir. Des bouées ont été endommagées ou perdues ces dernières années, sans être remplacées. Des problèmes de fonctionnement ont également été constatés, notamment lors d'un tsunami en 2018 aux Célèbes, qui a finalement fait plus de 2000 morts: la vague a été détectée et une alerte a été lancée. Mais elle a été levée peu après, trente minutes avant l'arrivée de la vague principale du tsunami...
Des problèmes de communication, un matériel défectueux, notamment les sirènes d'alerte, et des critiques sur une maintenance aléatoire avaient déjà été émises à ce moment-là.
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Une épée de Damoclès
Koran Tempo estime que l'abandon de ce projet évalué à 7 millions de francs est un "gâchis financier" qui met la population "à la merci de catastrophes naturelles". L'ancienne ministre des Affaires maritimes et de la Pêche Susi Pudjiastuti a de son côté publié un tweet avec des émojis en pleurs.
Autre média indonésien, Suara a donné la parole à de multiples internautes, qui ont ouvertement dénoncé l'attitude des autorités: "Notre pays n'a aucun bon sens", "Les fonctionnaires de ce pays n'ont pas de cerveau", "Si le gouvernement manque d'argent, il faut réduire les salaires des fonctionnaires, mais pas enlever un système qui a fait ses preuves."
Au final, s'il suffit, en théorie et avec un système qui fonctionne et qui est bien entretenu, de cinq minutes pour qu'une alerte précoce soit émise après un tremblement de terre, ce sera à l'avenir beaucoup plus long. Un temps précieux qui pourrait être perdu dans un pays souvent frappé par les tsunamis et dont les habitations côtières sont très vulnérables face à des vagues de plusieurs mètres de haut.
Frédéric Boillat
Le traumatisme de 2004
Le 26 décembre 2004, à 7h58 locales, un séisme de magnitude 9,3 avait provoqué une vague géante dans l'océan Indien. Ce tsunami a atteint douze pays et fait plus de 250'000 morts, en Indonésie, en Thaïlande, en Inde et au Sri Lanka principalement.
La vague a dépassé les 30 mètres par endroits, notamment quand elle a frappé l'île indonésienne de Sumatra.
En raison de l'absence d'un centre d'alerte sur les tsunamis dans l'océan Indien, aucune mise en garde n'a été diffusée dans les pays concernés avant l'arrivée des raz-de-marée.
En Thaïlande, des avertissements des autorités ont été lancés à la radio et à la télévision à propos d'un risque de courant sous-marin le long de la côte. Mais ces messages n'ont en réalité été émis qu'après l'arrivée des premières vagues dévastatrices. Sur les plages, nombre de locaux et de touristes n'ont pas eu le temps de réagir face à la vague meurtrière.
>> Le déroulé du tsunami de 2004 minute par minute : Le tsunami du 26 décembre 2004 minute par minute