A Kiev, les dirigeants de l'UE ne donnent pas de calendrier à une adhésion ukrainienne
Le président du Conseil européen, Charles Michel, n'a pas été économe en déclarations de soutien à l'Ukraine. "L'Ukraine c'est l'UE, l'UE c'est l'Ukraine", a-t-il affirmé vendredi à l'issue du sommet. "Le futur de l'Ukraine est avec l'UE", a martelé le Belge lors d'une conférence de presse aux côtés du président ukrainien et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"Nous vous soutiendrons (...) à chaque étape de votre voyage vers l'UE", avait également promis sur Twitter Charles Michel en arrivant dans la capitale ukrainienne.
Dans un communiqué, les deux responsables européens ont salué les "efforts considérables" de l'Ukraine dans le cadre de sa candidature à l'adhésion à l'UE. Mais ils n'ont toutefois pas annoncé de calendrier, alors que Kiev souhaite accélérer le processus.
Impatience au sommet de l'Etat ukrainien
Volodymyr Zelensky a de son côté assuré après le sommet qu'il était "possible" d'engager cette année les discussions officielles. "Il y a une entente sur le fait qu'il est possible de commencer cette année les négociations sur l'accession de l'Ukraine à l'Union européenne", a-t-il affirmé dans sa traditionnelle intervention quotidienne du soir.
Le chef d'Etat ne cesse de souligner qu'il veut aller de l'avant dans le dossier européen. "Notre objectif est absolument clair: entamer des négociations sur l'adhésion de l'Ukraine", a-t-il dit dans un message sur Telegram, accompagnant la vidéo de l'arrivée des responsables européens au sommet.
Les habitants du pays ne partagent pas nécessairement l'empressement de leur dirigeant. En direct de Kiev vendredi, la correspondante de la RTS Maurine Mercier relate la réaction d'une jeune Ukrainienne, qui résume bien l'état d'esprit: "Vous pensez que je peux me payer le luxe, là maintenant, de rêver d'adhésion à l'Union européenne? C'est la guerre. La priorité, c'est la survie, tout simplement."
Longues réformes nécessaires à l'adhésion
L'Ukraine est officiellement candidate à l'adhésion depuis juin 2022, un processus ardu nécessitant de nombreuses réformes qui pourrait prendre des années.
La lutte contre la corruption est particulièrement importante. Le pays a intensifié récemment ses efforts dans ce domaine, qui ont été salués par Ursula von der Leyen jeudi. "Je suis rassurée de voir les organismes anti-corruption en alerte et détectant rapidement les cas de corruption", a-t-elle dit aux côtés de Volodymyr Zelensky, dont elle a loué la réaction "rapide au niveau politique" pour que cette lutte ait des "résultats tangibles".
Le président ukrainien avait estimé le même jour que son pays méritait de commencer dès "cette année" les pourparlers sur son entrée dans la communauté des 27.
"Chaque pas en direction d'une plus grande intégration de l'Ukraine à l'UE est une source d'inspiration pour notre peuple", a-t-il plaidé, appelant aussi à renforcer encore la pression internationale sur la Russie.
ami avec agences
Sanctions et utilisation des avoirs russes gelés
A Kiev, Ursula von der Leyen a assuré travailler à de nouvelles sanctions contre la Russie pour le 24 février, date du premier anniversaire de l'invasion. Elle n'a pas donné le détail de ses intentions pour ce dixième paquet, mais a assuré que le pays devrait "payer pour les destructions qu'il a causées".
Elle a estimé que les mesures punitives prises depuis un an avaient déjà fait reculer l'économie russe d'"une génération", notant que le plafonnement du prix du pétrole russe exporté à 60 dollars le baril coûtait à Moscou 160 millions d'euros par jour.
Un embargo européen sur les produits pétroliers raffinés russes exportés par voie maritime doit d'ores et déjà entrer en vigueur dimanche. Le Kremlin a fustigé vendredi une mesure "négative" qui va "déséquilibrer davantage" les marchés.
La question des capitaux russes bloqués
Kiev réclame par ailleurs l'utilisation d'avoirs russes gelés dans les pays occidentaux pour financer la reconstruction de l'Ukraine, une mesure âprement débattue qui poserait plusieurs problèmes d'ordre légal.
L'UE a dit vendredi vouloir trouver une façon d'utiliser ces capitaux. "L'UE intensifiera (...) ses efforts en vue d'utiliser des avoirs gelés de la Russie pour soutenir la reconstruction de l'Ukraine et à des fins de réparation, conformément au droit européen et au droit international", ont indiqué dans un communiqué Charles Michel et Ursula von der Leyen à l'issue du sommet à Kiev.
L'UE et Kiev décident d'un bureau d'enquête sur le "crime d'agression" de la Russie.
L'Union européenne et l'Ukraine ont convenu vendredi de la mise en place à La Haye d'un bureau d'enquête, sorte de parquet intérimaire. Il est destiné à coordonner le recueil de preuves du "crime d'agression" de la Russie.
Son but est "de coordonner l'enquête sur le crime d'agression contre l'Ukraine, de préserver et de stocker les preuves pour de futurs procès", est-il précisé dans une déclaration conjointe à l'issue du sommet UE-Ukraine à Kiev.
Étape intermédiaire
Ce centre est envisagé comme une étape intermédiaire avant l'établissement d'un tribunal spécial pour juger les plus hauts responsables russes, une demande de Kiev.
La Cour pénale internationale (CPI) n'est compétente que pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité perpétrés en Ukraine, et non pour les "crimes d'agression" de la Russie, car Moscou et Kiev ne sont pas signataires du traité de Rome instituant cette juridiction. Le crime d'agression est imputable aux plus hauts dirigeants politiques et militaires d'un pays.
L'UE soutient la création d'une juridiction compétente pour ce type de crime, mais sa forme exacte soulève des questions juridiques complexes.
Deux options
La Commission européenne a soumis deux options: un tribunal international spécial, basé sur un traité multilatéral, ou une juridiction hybride, relevant du droit ukrainien mais comportant des juges internationaux.
L'Ukraine voudrait un tribunal spécial capable de juger Vladimir Poutine fondé sur une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies.