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Philip Grant: "L'enlèvement d'enfants ukrainiens est de grande ampleur"

Déportation d'enfants ukrainiens en Russie: les explications de Philip Grant, directeur et fondateur de l'ONG Trial International
Déportation d'enfants ukrainiens en Russie: les explications de Philip Grant, directeur et fondateur de l'ONG Trial International / 19h30 / 4 min. / le 5 février 2023
L'Ukraine et plusieurs ONG accusent les forces russes d'avoir enlevé et emmené dans les territoires contrôlés par Moscou des milliers d'enfants, dont des orphelins. Pour le directeur de l'organisation Trial, il s'agit de crimes de guerre de grande ampleur qui devront être jugés.

Les autorités de Kiev parlent de quelque 16'000 enfants ukrainiens actuellement déportés. L’ONG Save Ukraine en aurait déjà rapatrié 120 des zones occupées en Ukraine et 50 autres de Russie, parfois au prix de milliers de kilomètres parcourus à travers plusieurs pays.

>> Voir le reportage de Karima Benamrouche dans le 19h30 :

Kiev accuse Moscou de déporter des enfants ukrainiens en Russie, un crime de guerre au regard du droit international
Kiev accuse Moscou de déporter des enfants ukrainiens en Russie, un crime de guerre au regard du droit international / 19h30 / 2 min. / le 5 février 2023

Une pratique "assez unique"

Interrogé dimanche dans le 19h30 de la RTS, le directeur et fondateur de l’ONG Trial souligne qu'il est difficile de confirmer l'ampleur du phénomène alors que le conflit est en cours. "Mais c'est clair que la pratique existe, elle est assez unique à cette guerre-là (…) et de grande ampleur", dit Philip Grant.

Or la déportation est considérée par le droit international comme crime de guerre et crime contre l’humanité. L'Ukraine demande du reste la création d’un tribunal spécial, notamment pour juger ces transferts forcés d’enfants. Et l’Allemagne, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, se dit favorable à une telle juridiction.

Possible crime de génocide

Pour le responsable de Trial, qui traque les crimes de guerre depuis plus de 20 ans, il peut même être question de génocide.

"Il n'y a pas forcément besoin pour cela de massacrer une population entière", rappelle-t-il. "La convention de l'ONU contre le génocide prévoit que le transfert forcé d'enfants - d'un groupe national à un autre - peut être constitutif d'un acte de génocide à condition qu'il y ait une intention de vouloir détruire le groupe national d'origine des enfants".

Il n'est évidemment pas facile de le prouver. "Mais que cette intention soit démontrée ou non, le transfert d'enfants d'un pays à un autre dans un conflit est un crime de guerre interdit par les Conventions de Genève et doit être interdit de toute manière de ce fait-là", souligne Philip Grant.

Des milliers de criminels potentiels

Et s'il y a bel et bien eu des crimes, ils devront donc être jugés. "C'est probablement un tribunal international qui, un jour, dira" si Vladimir Poutine est un criminel de guerre, poursuit le fondateur de l'ONG.

Mais en dessous de lui, ajoute-t-il, "il y a un ministre de la Défense, un état-major, des commandants militaires régionaux, locaux, des soldats, des mercenaires du groupe Wagner, des fonctionnaires qui participent à ce genre d'actions". Pour Philip Grant, ce sont donc "des centaines, des milliers de personnes qui - aux côtés de Vladimir Poutine - se rendent responsables de crimes de guerre et devront un jour être amenées en justice".

Le Kremlin, lui, réfute toute accusation de déportation et nie avoir connaissance d’enfants séparés de leurs parents.

Propos recueillis par Fanny Zürcher/oang

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