Juliette Morillot: "La nouvelle doctrine nucléaire de la Corée du Nord est inquiétante"
"La Corée du Nord est persuadée que les Etats-Unis ne joueraient pas le rôle de protecteur de la Corée du Sud s'il y a des tensions avec Taïwan", explique Juliette Morillot, lundi dans l'émission de la RTS Tout un monde. "Car les Nord-Coréens estiment que les Américains n'auraient pas envie d'affronter deux conflits dans cette région du monde."
Partant de ce principe, la Corée du Nord est "décomplexée" sur l'utilisation de l'arme nucléaire, note la journaliste et spécialiste de la péninsule coréenne.
Un sentiment renforcé par l'invasion russe en Ukraine, qui avait abandonné son arsenal nucléaire au début des années 1990. En septembre dernier, Pyongyang a donc développé une nouvelle doctrine nucléaire, jugée "inquiétante" par Juliette Morillot, coauteure avec Dorian Malovic du livre "Le monde selon Kim Jong-un".
En effet, la Corée du Nord considère désormais sa force nucléaire comme irréversible; elle ne sert plus seulement à se défendre contre une attaque éventuelle, mais elle intègre la possibilité de frappes préventives. Ce nouveau document indique explicitement que l'arme nucléaire peut être utilisée "pour défendre le pays et en cas d'un conflit pour en changer l'issue de façon décisive".
Réplique de la Corée du Sud
"Tous ces points sont conçus comme des avertissements", indique Juliette Morillot. "La Corée du Nord publie tous les détails et les possibilités de recours à l'arme nucléaire pour éviter les malentendus", dit-elle." La journaliste est d'autant plus inquiète que l'"atmosphère est très volatile". "Le nouveau président de la Corée du Sud, Yoon Seok-youl, veut répondre du tac au tac à toutes les provocations nord-coréennes. (...) Jusqu'ici, Séoul avait temporisé."
Pour Juliette Morillot, ce n'est pas de simples déclarations. Car Pyongyang a mis à profit les deux ans de Covid-19 pour développer son industrie balistique et nucléaire. "Le dernier perfectionnement date d'il y a quelques jours avec le lancement d'un missile à combustible solide."
Séoul souhaite également développer son arme nucléaire. "La population y est favorable, surtout dans l'optique d'une non-intervention des Etats-Unis pour aider la Corée du Sud en cas de conflit." La reprise des discussions entre les deux Corée, menée par Donald Trump dès 2017, semble donc bien loin, selon Juliette Morillot.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/vajo
La radio que les Nord-Coréens écoutent en cachette
Comme les ondes radio sont invisibles, elles peuvent traverser les frontières. Les militants des droits humains en Corée du Sud les utilisent pour s'adresser à leurs voisins du Nord, qui n'ont presque aucun accès à l'information extérieure à cause de la censure drastique appliquée par le régime.
Depuis 2005, une station de radio privée diffuse depuis Séoul des émissions à destination de la population nord-coréenne.