Série de rappels au règlement et suspension de séance ont retardé les discours des ministres dans un hémicycle surchauffé où les oppositions ont ferraillé autour du projet gouvernemental, qui prévoit un recul de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans.
C'est "une réforme d'équité et de progrès qui répartit l'effort de manière juste", a affirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt, prêt à "aller plus loin" pour améliorer l'emploi des seniors ou les pensions des femmes.
L'ancien socialiste a été chahuté par la gauche, qui l'a traité de "vendu". "Vous faites du favoritisme pour les riches", l'a tancé l'Insoumis François Ruffin, en référence aux soupçons de favoritisme visant le ministre dans l'attribution d'un marché public lorsqu'il était maire en Ardèche.
"C'est la réforme ou la faillite"
A sa suite, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal est monté au créneau contre les opposants au projet, les appelant à choisir entre "intérêt général" et "intérêt électoral". "C'est la réforme ou la faillite" du système de retraites, a-t-il affirmé, renvoyant dos à dos la Nupes et son "canon fiscal", et le RN, "camp du mensonge et des privilèges".
Par 292 voix contre 243, et 3 abstentions, les députés ont ensuite repoussé une motion de rejet de l'ensemble du projet de loi portée par les insoumis. Leur patronne Mathilde Panot a fustigé une réforme qui "aggrave le chaos" dans la société, sans convaincre toutes les oppositions. La motion "échoue de peu, la bataille commence", pour Cyrielle Chatelain (EELV). Puis une motion du groupe RN demandant un référendum a été rejetée par 272 voix contre 101.
Signe des tensions dans l'hémicycle et au-delà, la présidente des députés RN Marine Le Pen a pointé des "manoeuvres" pour "distraire" des députées pendant ce scrutin. "Quatre ou cinq (...) viennent de recevoir un message leur indiquant qu'un de leurs enfants est hospitalisé", ce qui est faux, a-t-elle expliqué.
Une "mascarade" dénoncée par la gauche
Lors de ce vote, la gauche a déserté l'hémicycle pour dénoncer une "mascarade" car ses élus souhaitaient qu'une autre motion soit soumise au vote: celle qu'elle avait signée, ou celle initiée dans la journée par le petit groupe indépendant Liot.
Dès le début de la séance, Mathilde Panot, le communiste André Chassaigne et encore Charles de Courson (Liot) avaient dénoncé "un déni de démocratie" dans la mise aux voix de la seule motion RN.
La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet n'ayant pas donné suite à leurs demandes, les oppositions avaient bruyamment protesté, provoquant une brève interruption de séance. "Est-ce que vous croyez que nous allons passer 15 jours comme ça dans l'hémicycle", a demandé aux oppositions la titulaire du perchoir. "On n'est pas dans un amphi, pas dans une manif".
Deux semaines sous hautes tensions
Les deux semaines prévues d'examen s'annoncent à haut risque sur cette réforme phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée.
A l'approche de deux journées d'action, mardi et samedi à l'appel de l'intersyndicale, la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne a reconnu encore dimanche que le recul de l'âge légal représentait "un effort collectif".
Dans une concession de dernière minute, elle a annoncé que les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite à 63 ans, une extension du dispositif carrières longues.
Ce geste sera-t-il suffisant pour obtenir les voix, cruciales, de la droite? Marine Le Pen raille une "négociation de marchands de tapis" entre le gouvernement et la droite.
Côté syndicats, l'effort de la Première ministre n'a pas convaincu: une "rustine" qui "n'est pas la réponse" attendue "à la mobilisation massive constatée", dénonce Laurent Berger, patron de la CFDT.
afp/fgn