Ukraine: retour sur une année de guerre de haute intensité

Grand Format

Reuters - Oleg Pereverzev

Introduction

Le 24 février 2022, la Russie lançait son "opération militaire" en attaquant l'Ukraine. Un an plus tard, la guerre continue de faire rage sur le terrain, même si les fronts se sont enlisés avec le temps. Entre victoires, déroutes, offensives et contre-offensives, retour sur douze mois de combats marqués par des découvertes macabres, des images fortes, des drames humanitaires et d'importants changements de l'équilibre géopolitique mondial.

Chapitre 1
2013- 2022: une guerre prévisible

AFP - Andriy Mosienko

La Crimée, premier territoire perdu de Kiev

Fin 2013, les manifestations proeuropéennes de la place Maïdan mettent le président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch sous pression. En à peine quelques mois, le pays s'embrase. Du 18 au 21 février 2014, des affrontements font plus de 80 morts. Le 22 février, Viktor Ianoukovitch est chassé du pouvoir et fuit en exil.

Le lendemain, le statut du russe comme langue régionale protégée en Crimée est aboli par le Parlement ukrainien. Quelques jours plus tard, la région connaît des premiers affrontements entre prorusses et partisans des nouvelles autorités ukrainiennes. Le 27 février, des hommes armés envahissent le Parlement régional et y dressent des drapeaux russes. Le 11 mars, le Parlement de Crimée, considéré comme illégal par Kiev, adopte une "déclaration d'indépendance" à l'égard de l'Ukraine. Cinq jours plus tard, la Crimée vote à plus de 95% en faveur de son intégration à la Russie, un référendum rejeté par Kiev. Les pays occidentaux ne reconnaissent pas ce qu'ils considèrent comme une annexion et l'Union européenne vote des sanctions économiques contre la Russie.

>> Lire à ce sujet : "Vladimir Poutine a récupéré la Crimée, mais il a perdu l'Ukraine" et les racines historiques du conflit en Ukraine

>> En savoir plus sur : Des drapeaux russes flottent autour et au-dessus du Parlement de Simferopol, en Crimée, le 27 février 2014. [Reuters - David Mdzinarishvili]
Des drapeaux russes flottent autour et au-dessus du Parlement de Simferopol, en Crimée, le 27 février 2014. [Reuters - David Mdzinarishvili]

Huit ans de guerre... avant la guerre

Le 7 avril, des séparatistes prorusses proclament la République populaire de Donetsk. La guerre du Donbass, nom de la région à l'est de l'Ukraine, commence. Et malgré le Protocole de Minsk, signé le 5 septembre dans la capitale biélorusse, les combats se poursuivent. Ils ne cesseront pas jusqu'à l'invasion du 24 février 2022.

>> Le grand format de RTS Info : Dans le Donbass en Ukraine, sur le fil du rasoir

>> Le reportage de Mise au Point du 20 février 2022 :

Ukraine : sur la ligne de front
Mise au point - Publié le 20 février 2022

Échec des négociations et provocations

En juin 2020, l'Otan reconnaît l'Ukraine comme partenaire. Un an plus tard, le pays est au coeur des enjeux de la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine à Genève, alors que la Russie a déjà massé des milliers de militaires à la frontière ukrainienne.

Entre décembre 2021 et janvier 2022, des négociations sous haute pression échouent, notamment à Genève. Le président russe exige des "garanties juridiques sûres" empêchant un élargissement de l'Otan. Des exigences balayées par les Occidentaux, alors que le renseignement américain alerte sur des mouvements de troupes "inhabituels" aux frontières de l'Ukraine. Vladimir Poutine accuse les Occidentaux de livrer des armes à Kiev et de mener des exercices militaires "provocants" dans la région, notamment en mer Noire. L'Ukraine, elle, se prépare à la guerre.

Des civils se préparent au maniement des armes à Kiev, peu avant le lancement de l'invasion russe, le 6 février 2022. [AFP - Sergei Supinsky]
Des civils se préparent au maniement des armes à Kiev, peu avant le lancement de l'invasion russe, le 6 février 2022. [AFP - Sergei Supinsky]

>> Consulter notre chronologie complète : Guerre entre l'Ukraine et la Russie - Chronologie de huit ans de crise

Près de huit ans après l'annexion de la Crimée et le début des conflits dans le Donbass, la Russie lance son invasion de l'Ukraine.

Chapitre 2
Février 2022: en quatre jours, l'invasion se dessine

Reuters - Stringer

Lundi 21 février 2022: Vladimir Poutine annonce dans un discours télévisé que la Russie reconnaît l'indépendance des territoires séparatistes prorusses du Donbass. De nombreuses violations de la trêve sont signalées dans les régions séparatistes. Le lendemain, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis annoncent de nouvelles sanctions.

>> Retour sur cette journée : La Russie reconnaît l'indépendance des régions séparatistes d'Ukraine

Mercredi 23 février 2022: Le Sénat russe approuve la demande de Vladimir Poutine pour déployer l’armée afin de soutenir les séparatistes ukrainiens dans le Donbass. Sur le terrain, la confusion reste totale. Des milliers de réservistes sont mobilisés en Ukraine tandis que Moscou commence à évacuer son personnel diplomatique à Kiev.

Jeudi 24 février 2022: Vladimir Poutine annonce "une opération militaire" en Ukraine, qui décrète la loi martiale. Des premiers combats ont lieu dans le Donbass, des explosions sont entendues à Kiev, Kramatorsk (est), Kharkiv (est) et Odessa (sud) et des attaques aériennes frappent Lviv (ouest). Le Kremlin annonce que l'opération militaire "durera le temps nécessaire".

>> Les événements de la matinée du 24 février : La Russie lance une offensive militaire en Ukraine

Dans le reste du monde occidental, c'est la stupeur: la guerre est bel et bien de retour en Europe.

Chapitre 3
Février-Mars: la déroute de Kiev

Reuters - Valentyn Ogirenko

Effet de surprise dans les deux camps

Dans les premiers jours de l'invasion, les premiers affrontements sont marqués par ce que l'institut britannique RUSI qualifie de "surprise mutuelle". L'Ukraine subit des bombardements massifs mais l'armée russe, mal organisée, pêche par excès de confiance et se heurte à une résistance inattendue.

Début mars, des troupes aéroportées arrivent à Kharkiv (nord), tandis qu'au sud, Kherson subit d'intenses bombardements avant de tomber rapidement aux mains des Russes. C'est la première ville d'ampleur à tomber. Au sud-est, l'artillerie russe pilonne déjà la ville de Marioupol.

>> Le témoignage de Pavel Filatiev, soldat russe qui a participé à l'attaque de Kherson : Un déserteur russe donne sa version de la guerre en Ukraine

La capitale plie mais ne rompt pas

C'est sur Kiev que les regards du monde sont principalement tournés. Sous la menace des blindés arrivant par le nord, la capitale subit des bombardements quotidiens. Toutefois, la ville tient bon et l'offensive russe s'enlise. Le 24 mars, pour la première fois, les troupes de Moscou perdent du terrain et reculent de plusieurs dizaines de kilomètres dans la région de Kiev. Le lendemain, l'état-major russe annonce qu'il va concentrer son effort sur son objectif principal, la libération du Donbass.

>> Lire à ce sujet : Dominique Trinquand: "La guerre éclair n'a pas fonctionné" et l'horreur de Boutcha

Le 3 avril, les autorités ukrainiennes annoncent avoir repris le contrôle de l'ensemble de la région de Kiev. Les localités d'Irpin et Boutcha, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest du centre de la capitale, sont notamment libérées: le monde découvre alors

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La main d'Iryna Filkina, civile abattue à vélo et laissée dans la rue par les soldats russes à Boutcha. [Reuters - Zohra Bensemra]
La main d'Iryna Filkina, civile abattue à vélo et laissée dans la rue par les soldats russes à Boutcha. [Reuters - Zohra Bensemra]

>> (Re)lire les témoignages choc recueillis sur place par les journalistes de la RTS : A Boutcha en Ukraine, "les Russes tiraient sur tout ce qu'ils voyaient"

A Boutcha en Ukraine, "les Russes tiraient sur tout ce qu'ils voyaient"

À Boutcha, une mère et sa fille témoignent de deux semaines de viols et de terreur

La double peine d’une mère victime de viols à Boutcha en Ukraine

>> Revoir le débat d'Infrarouge :

Ukraine: quelle réaction face à l’horreur?
Infrarouge - Publié le 6 avril 2022

La première phase de guerre se termine avec le repositionnement des forces russes au nord-est, à l'est et au sud de l'Ukraine.

Chapitre 4
Mars-Août: une guerre de haute intensité

AP/Keystone - Alexei Alexandrov

Marioupol, entre héroïsme et drame humanitaire

Au sud-est, le port stratégique de Marioupol, en mer d'Azov, est assiégé depuis début mars. Dès le 19 mars, l'armée russe intensifie ses efforts. La ville est assiégée et dévastée, la population civile piégée: le 21 mars, l'ONU dénonce un "crime de guerre majeur", et le monde suit la résistance acharnée de la poche de résistance ukrainienne, retranchée dans l'usine métallurgique géante d'Azovstal.

Au fil des semaines, la résistance s'épuise. Des couloirs humanitaires sont organisés tant bien que mal pour évacuer les civils et de plus en plus de soldats ukrainiens se rendent. Mais les combats se poursuivent jusqu'au 20 mai. Ce jour-là, après plus de deux mois de siège, les derniers soldats retranchés dans l'aciérie reçoivent l'ordre de Kiev d'arrêter de défendre la ville et Moscou annonce le contrôle total de Marioupol.

Le site de l'usine métallurgique d'Azovstal à Marioupol, le 5 mai 2022. [AP/Keystone]
Le site de l'usine métallurgique d'Azovstal à Marioupol, le 5 mai 2022. [AP/Keystone]

Le Moskva touché, un symbole coulé

Le 13 avril, l'Ukraine parvient à couler le navire de guerre amiral Moskva, croiseur historique de l'armée russe en mer Noire. Si cet événement n'est pas décisif dans le rapport de force entre les deux belligérants, il a une forte valeur symbolique.

D'une part, la domination russe en mer Noire, qui semblait jusque-là incontestable, est remise en cause. De l'autre, il s'agit du plus grand navire de guerre coulé au combat depuis la Seconde Guerre mondiale, et la première perte d'un navire amiral russe en temps de guerre depuis 1905.

>> Lire : Le croiseur russe Moskva probablement victime de missiles ukrainiens

Moscou à la conquête du Donbass, Kiev se remobilise

Le 3 juin marque le centième jour de l'invasion. Une ligne de front de plus de 900 km s'est stabilisée et les affrontements diminuent en intensité. Les regards sont tournés vers la province de Lougansk et la ville de Severodonetsk. Celle-ci tombe aux mains russes le 25 juin, suivie début juillet par Lyssytchansk. Ces défaites ukrainiennes ouvrent la voie à une conquête totale du bassin minier du Donbass par la Russie.

>> Lire : L’armée ukrainienne face au rouleau compresseur russe dans le Donbass et La bataille pour Kherson racontée par celles et ceux qui l'ont vécue

>> Le témoignage de Vlad, jeune Ukrainien de 16 ans emprisonné par l'armée russe:

"Ils m'ont donné pour mission de nettoyer la salle de torture"

Durant le mois d'août, si les forces ukrainiennes perdent du terrain à l'est, elles se remobilisent et mènent notamment une contre-offensive au sud, reprenant plusieurs localités dans la région de Kherson. Mais le conflit s'enlise. A Mykolaïv, dernière ville en mains ukrainiennes dans cette région, la guerre fait désormais partie du quotidien.

>> Lire : L’armée ukrainienne face au rouleau compresseur russe dans le Donbass, Six mois après l'invasion russe, le conflit en Ukraine s'enlise et Les confidences rares d'un soldat de l'une des villes les plus bombardées d'Ukraine

>> Le témoignage de Yuri*, soldat ukrainien basé à Mykolaïv: Les confidences rares d'un soldat de l'une des villes les plus bombardées d'Ukraine

La crainte d'une catastrophe à Zaporijjia

Mi-juillet, l'Ukraine accuse Moscou d'avoir installé des lanceurs de missiles sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Proche de la ligne de front, la plus importante centrale nucléaire d'Europe est sous le contrôle des Russes depuis début mars.

La centrale nucléaire de Zaporijjia. [Reuters - Alexander Ermochenko]
Les forces russes ont rapidement contrôlé la centrale nucléaire de Zaporijjia. [Reuters - Alexander Ermochenko]

À partir du début août, les inquiétudes se font de plus en plus importantes autour de la centrale qui subit régulièrement des tirs d'artillerie. Jeudi 1er septembre, une équipe de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) est autorisée à se rendre sur place. Son directeur Rafael Grossi déplore que l'intégrité physique de la centrale ait été mise à mal. Quelques jours après, l'AIEA dénonce une situation "intenable" et demande la mise en place d'une "zone de sécurité" pour prévenir un accident nucléaire. "Nous jouons avec le feu", prévient Rafael Grossi, en se gardant de mettre en cause l'un ou l'autre camp.

>> Lire : Un accident nucléaire comme celui de Tchernobyl "impossible" à Zaporijjia

Chapitre 5
Août-Novembre: l'Ukraine reprend la main

Reuters - Gleb Garanich

La reconquête de Kherson et Kharkiv

Durant l'été, Kiev profite des capacités de renseignements de ses alliés et de l'envoi de matériel militaire de pointe pour reprendre la main. Dès la fin août, son armée reprend l'initiative et prépare sa contre-attaque. Le 29 août, Kiev lance sa contre-offensive dans la région de Kherson, au sud, et reprend largement du terrain. Son objectif: repousser les troupes russes de l'autre côté du fleuve Dniepr. Elle y parviendra moins de deux mois plus tard. Après une série de victoires dans les villages alentours, les forces ukrainiennes entrent dans la ville de Kherson le 11 novembre sans combattre.

>> Lire : Reportages au cœur de la contre-offensive de l'Ukraine au sud du pays et devenue depuis un symbole des exactions

À partir du 6 septembre, la contre-offensive est également menée dans la région de Kharkiv, au nord-est. En à peine une semaine, les troupes russes sont forcées de reculer. Le 11 septembre, les forces ukrainiennes libèrent la ville d'Izioum,

commises sous l'occupation russe. Dans une seconde phase, elles gagnent encore du terrain jusqu'à reprendre, le 1er octobre, la ville de Lyman dans la région séparatiste de Donetsk. Le 3 octobre, les Russes sont totalement chassés de l'Oblast de Kharkiv.

>> Une analyse de RTS Info : Après avoir repris plus de 50% du territoire perdu en février, le plus dur reste à faire pour l'Ukraine

Une fresque de John Lennon dans la ville détruite d'Izioum [RTS - Maurine Mercier]
Une fresque de John Lennon dans la ville détruite d'Izioum [RTS - Maurine Mercier]

>> Les témoignages recueillis à Izioum et Kherson par les journalistes de la RTS : Entre peur de la délation et traumas: récit des territoires ukrainiens libérés

Entre peur de la délation et traumas: récit des territoires ukrainiens libérés

La bataille pour Kherson racontée par celles et ceux qui l'ont vécue

Enlevés, frappés, menacés: le calvaire de deux habitants de Kherson

Mobilisation, annexion et menace nucléaire

Face aux revers de son armée, le Kremlin tente de reprendre l'initiative. Au matin du 21 septembre, Vladimir Poutine décrète une mobilisation partielle en Russie, afin de réunir 300'000 soldats réservistes. La veille, il avait annoncé des référendums d'annexion dans quatre régions ukrainiennes contrôlées par Moscou, laissant planer la menace d'un recours à l'arme nucléaire si Kiev poursuit sa contre-offensive.

Après des scrutins organisés à la hâte, qualifiés de "simulacres" par Kiev et ses alliés, le dirigeant russe signe le 30 septembre un décret d'annexion des régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson.

>> Lire : Comment la contre-offensive de Kiev a mené à la menace nucléaire?

En Crimée, l'arrière-garde russe mise à mal

Pendant que les troupes "conventionnelles" se font face, des actions plus secrètes sont menées derrières les lignes, par des forces spéciales mais aussi des partisans civils. Cela permet à l'Ukraine de frapper en profondeur dans les zones sous contrôle russe. Ainsi, le 9 août, une base aérienne de l'armée russe sur l'aéroport de Crimée est touchée par une série d'explosions.

Le 8 octobre, un important incendie se déclare sur le Pont de Crimée, vaste pont automobile et ferroviaire reliant la péninsule au territoire russe. Kiev n'a jamais formellement revendiqué ces deux attaques.

Une explosion a endommagé le pont de Crimée qui relie la péninsule à la Russie
19h30 - Publié le 8 octobre 2022

Début décembre, le Kremlin reconnaît qu'il est "vulnérable" à des attaques en Crimée après plusieurs frappes par drones sur des bases militaires éloignées du front. Les autorités locales annoncent la construction de fortifications et de tranchées.

Chapitre 6
Novembre-Février: un hiver glacial et glaçant

AFP - Anatolii Stepanov

Des combats qui se figent et se recentrent dans le Donbass

Après plus de deux mois de contre-offensive, l'armée ukrainienne marque une pause. Dès novembre, la Russie adopte une posture plutôt défensive, en construisant des positions défensives, notamment à l'aide de "dents de dragon" ou de tranchées. La région du Donbass semble être l'endroit où la Russie compte à terme effacer ses échecs militaires. Les combats y sont aussi nombreux qu'intenses. Rien qu'entre le 12 et le 17 novembre, au moins 500 confrontations y sont comptabilisées.

La zone grise entre les positions russes et ukrainiennes rend compliquée l'évolution des combats, ce qui donne l'impression trompeuse d'un front statique. Dans le ciel ukrainien, les drones sont toujours plus nombreux. Plus au nord, la région russe frontalière de Belgorod continue à être renforcée.

>> Lire: Belgorod, la base logistique russe devenue la cible des Ukrainiens

Un soldat ukrainien fait feu dans une région frontalière avec la Biélorussie. [AFP - Dimitar Dilkoff]
Un soldat ukrainien fait feu dans une région frontalière avec la Biélorussie. [AFP - Dimitar Dilkoff]

La population ukrainienne livrée au froid, Nouvel-An sous les bombes

Dès novembre, le commandement russe commence à cibler les infrastructures énergétiques de l'Ukraine, à l'aide notamment de ses drones kamikazes iraniens. L'objectif est clair: priver la population ukrainienne de courant, de chaleur et de moral pour l'hiver. À Kiev ou à Odessa, deux villes relativement épargnées par les combats depuis avril, la situation est particulièrement critique.

Les plus optimistes attendaient une trêve de fin d'année; il n'en fut rien. Du 31 décembre au 2 janvier, la Russie multiplie les attaques de drones sur Kiev et d'autres villes. De son côté, l'Ukraine réplique dans la nuit du Nouvel-An à l'aide d'une frappe meurtrière sur Makiïvka, qui fait 89 morts. Quant au cessez-le-feu unilatéral de 36 heures décrété par la Russie pour le Noël orthodoxe, il n'est que peu respecté.

>> Lire : En Ukraine, Moscou piétine sans montrer de signes de fléchissement

Le siège de Bakhmout, un "Verdun ukrainien"

Dans les premières semaines de 2023, si les deux parties campent globalement sur leurs positions, l'attention se concentre sur la frontière ouest du Donbass, avec les batailles de Soledar et surtout de Bakhmout. Sous contrôle ukrainien, cette ville - à l'importance plus symbolique que stratégique - est attaquée sans relâche par les soldats du groupe Wagner. Les combats y sont d'une intense violence et coûteux en vies humaines ainsi qu'en matériel tant du côté ukrainien que russe. Sur le reste de la ligne de front, les Russes sont désormais installés en position défensive.

>> Lire : Siège de Bakhmout, un coup de poker d'Evgueni Prigojine? et La dévastation des combats à Soledar révélée par les satellites

>> Voir également : L'Ukraine a pu se réarmer durant l'hiver grâce au soutien occidental. Suffisant pour résister aux assauts futurs de Moscou? [Keystone - Evgeniy Maloletka]
L'Ukraine a pu se réarmer durant l'hiver grâce au soutien occidental. Suffisant pour résister aux assauts futurs de Moscou? [Keystone - Evgeniy Maloletka]

Chapitre 7
Et maintenant ?

AFP - Yasuyoshi Chiba

Alors que l'invasion s’apprête à entrer dans sa deuxième année, le bilan humain donne d'ores et déjà le vertige: les chiffres les plus crédibles font état de près de 100'000 morts ou blessés côté ukrainien, environ 180'000 côté russe. Plus de huit millions d'Ukrainiennes ou d'Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants, ont fui leur pays, soit près de 20% de la population d'avant-guerre. Un bilan qui s'alourdira sans doute, tant la menace reste entière. Si la situation semble figée sur le front, les combats acharnés se poursuivent autour de Bakhmout.

Il y a un an, le peuple ukrainien basculait du jour au lendemain dans l’horreur de la guerre. Témoignages
19h30 - Publié le 19 février 2023

Mi-décembre 2022, le chef de l'Otan Jens Stoltenberg estimait que la Russie cherchait à "geler les combats" pendant l'hiver pour se regrouper et se renforcer en vue d'une "plus grande offensive" au printemps. Le chef d'état-major ukrainien a aussi déclaré qu'une attaque majeure pourrait intervenir en février ou en mars.

L'Ukraine va au-devant d'une guerre de longue haleine. [Keystone - Evgeniy Maloletka]
L'Ukraine va au-devant d'une guerre de longue haleine. [Keystone - Evgeniy Maloletka]

À quelques jours du premier anniversaire de l'invasion russe, le président américain Joe Biden a estimé que l'Otan était "plus forte que jamais". En face, Vladimir Poutine a poussé encore d'un cran la tension autour du risque d'escalade du conflit en suspendant sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire. Par ailleurs, en Europe, le conflit aura donné un nouveau souffle à la course à l'armement.

En dépit du risque d'escalade, les principaux alliés de l'Ukraine ont désormais accepté de lui livrer des armes lourdes. L'Allemagne s'est notamment résolue à fournir des chars Leopard 2, après de longues hésitations.

>> Voir le reportage de Géopolitis :

Géopolitis: Ukraine, un an de guerre [Keystone - AP Photo/Libkos]
Geopolitis - Publié le 19 février 2023

Côté finances, pour l'heure, les sanctions occidentales n'ont pas détruit l'économie russe: l'inflation s'est stabilisée et la chute du PIB - estimée à 3% - ne semble pas aussi forte que prévu. Certains experts estiment ainsi que Vladimir Poutine a les moyens de poursuivre sa guerre, grâce notamment à ses réserves budgétaires et à la rentabilité de ses hydrocarbures. Mais ses ressources ne sont pas illimitées.

>> Lire : La Russie a-t-elle les moyens financiers de poursuivre la guerre en Ukraine? et ont appelé de leur voeux une défaite de la Russie

Selon plusieurs experts et expertes, l'invasion de l'Ukraine est désormais une guerre d'usure: l'objectif est plutôt de gagner du temps que du terrain. D'importants acteurs internationaux

, tandis que des voix se font aussi entendre qui appellent à une sortie du conflit par la diplomatie, et donc par un traité de paix.

>> Écouter l'épisode du Point J: "Comment on termine une guerre?" :

Les présidents russe et ukrainien, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. [Keystone]Keystone
Le Point J - Publié le 13 février 2023

>> Voir le débat à Infrarouge :

Un an de guerre : l’Ukraine, Poutine…et nous
Infrarouge - Publié le 22 février 2023