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Des relations inégales entre la Chine et l'Iran, alliés face à l'Occident

Le président iranien Ebrahim Raïssi et le président chinois Xi Jinping se serrent la main lors de la cérémonie d'accueil d'Ebrahim Raïssi à Pékin, en Chine, le 14 février 2023. [Keystone - Bureau présidentiel iranien / EPA]
Ce qui unit la Chine et l'Iran: interview de David Rigoulet-Roze / Tout un monde / 11 min. / le 20 février 2023
Malgré des positions différentes, la Chine et l'Iran se soutiennent mutuellement en tant que rivaux de l'Occident. Invité dans l'émission Tout un monde, David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique, est revenu sur les liens qui unissent ces deux pays.

Le président iranien Ebrahim Raïssi a passé trois jours en Chine la semaine dernière dans le cadre d'une visite à son homologue Xi Jinping. Il s'agit du premier déplacement d'un chef d'Etat iranien dans le pays depuis plus de 20 ans. Le président chinois a de son côté annoncé qu'il se rendra "avec plaisir" en Iran prochainement.

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Xi Jinping a également salué la solidarité entre la Chine et l'Iran, deux pays qui se soutiennent mutuellement, notamment face aux pressions occidentales dont ils font l'objet. Le rapprochement se fait en effet sur cette base, mais il faut relativiser, estime David Rigoulet-Roze, chercheur et rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique, interrogé lundi dans l'émission Tout un monde.

"En réalité, l'Iran a beaucoup plus besoin de la Chine que l'inverse", nuance-t-il. "Les relations entre les deux pays sont très sujettes à caution au regard des aléas de la situation internationale. La Chine achète à l'Iran, par des voies souvent détournées, les hydrocarbures dont elle a besoin à bas prix, alors que le pays perse est soumis à des sanctions. Chacun y trouve son compte, mais Pékin profite d'une situation de faiblesse de la part de Téhéran. La Chine se trouve en position de force, d'autant plus qu'elle entretient de très bonnes relations avec les pays pétroliers du Golfe, rivaux de l'Iran", explique le chercheur, qui a aussi codirigé l'ouvrage "La République d'Iran en crise systémique" aux éditions L'Harmattan.

Des accords pas concrétisés

En 2021, la Chine et l'Iran ont signé un vaste accord stratégique sur l'énergie, la sécurité, les infrastructures et les télécommunications. Lors de la visite d'Ebrahim Raïssi à Pékin la semaine dernière, une vingtaine d'accords bilatéraux ont été signés entre les deux pays dans les domaines énergétique, bancaire et des transports notamment.

La mise en oeuvre de l'accord de coopération datant de 2021 a néanmoins pris du retard, car Pékin ne veut pas prendre le risque d'investir dans le secteur des hydrocarbures et des hautes technologies, ce qui lui fermerait le marché américain, affirme David Rigoulet-Roze, qui rappelle que le détail de cet accord n'a pas été rendu public, le texte ne faisant pas l'unanimité en Iran et étant considéré par certains comme "humiliant" pour la nationalisme iranien.

"Pour l'instant, il n'y a rien de véritablement concret à l'exception de quelques mémorandums indicatifs sur l'agriculture et le commerce", résume le rédacteur en chef.

L'Occident comme ennemi commun

Selon David Rigoulet-Roze, les liens entre la Chine et l'Iran se basent essentiellement sur un "axe anti-occidental", mais il n'y a pas d'alignement de Pékin sur la position de Téhéran.

S'il y a une convergence d'intérêts, elle n'est pas totale et n'empêche pas de très bonnes relations avec des rivaux stratégiques, appuie le chercheur.

L'Iran et la Chine soutiennent également tous deux la Russie dans sa guerre en Ukraine, malgré des "arbitrages différents". "Moscou veut faire exploser le système international, Pékin, dans un révisionnisme mesuré, souhaite le modifier à son profit, tandis que Téhéran se cherche une place et veut se voir reconnaître un statut de puissance régionale", indique David Rigoulet-Roze.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/iar

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