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Camille Grand: "Le 24 février 2022 aura été un moment de réveil stratégique pour l'Europe"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’OTAN
L'invité de La Matinale (vidéo) - Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’OTAN / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 21 février 2023
Pour l'ancien secrétaire général adjoint de l'Otan Camille Grand, l'invasion russe de l'Ukraine est un "moment pivot", qui marque un changement de perception de l'environnement stratégique en Europe. Mardi dans La Matinale, il plaide pour une remise à niveau de l'industrie de l'armement occidentale.

Aux yeux de l'ancien haut fonctionnaire français, qui a notamment occupé des postes aux Ministères de la Défense et des Affaires étrangères, l'Occident a pris du retard dans le domaine de la défense. Il rappelle que, pour les Ukrainiens, la guerre n'a pas un an, mais neuf: elle a commencé en 2014 avec l'annexion de la Crimée et le début du conflit dans le Donbass.

Le retour de la guerre de haute intensité sur le Vieux Continent a toutefois été vécu comme un "choc". "Même si on avait beaucoup d'éléments de renseignement, qui laissaient penser que cette invasion était imminente, il y avait encore un débat s'il (Vladimir Poutine, ndlr) allait vraiment passer à l'acte et, surtout, quelle allait être l'ampleur de cette attaque", raconte celui qui fut le responsable de la division sur les investissements de défense de l'Otan entre 2016 et octobre 2022.

"Moments de réveil stratégique"

Selon Camille Grand, les choses sont désormais bien plus claires au niveau stratégique. "On se souvient que le 11 septembre avait symboliquement ouvert une vingtaine d'années de guerre contre le terrorisme, qui a mobilisé beaucoup d'énergie en Afghanistan, au Moyen-Orient et au Sahel", rappelle-t-il. "Il me semble que le 24 février 2022 (date du début de l'offensive russe en Ukraine, ndlr) aura été un de ces moments de réveil stratégique pour l'Europe", avance-t-il.

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L’Otan muscle son flanc oriental, face à la Russie
L’Otan muscle son flanc oriental, face à la Russie / Geopolitis / 2 min. / le 19 février 2023

"On aurait pu regarder ce point un peu plus tôt. Cela a été le cas dans les alliances militaires, dans l'Otan et dans les cercles spécialisés. Mais aujourd'hui, les gouvernements, les parlements et les populations sont devant un certain nombre de choix, qui ne sont pas impossibles, de réinvestissement dans l'outil militaire, à des niveaux en pourcentage du PIB qui sont d'ailleurs inférieurs à ceux de la Guerre froide."

Regarnir les arsenaux

D'après le spécialiste de la défense, "l'environnement stratégique dégradé en Europe" justifie la hausse des dépenses militaires.

"On est en réalité dans un moment de rattrapage, où on paie une vingtaine d'années de réduction des efforts de défense. Ce rattrapage a été engagé dès 2014, mais il a été lent. On en voit les effets sur la faible disponibilité du matériel et l'absence du stock de munitions suffisant, qui pèsent sur notre capacité à aider l'Ukraine et à être parfaitement en ordre de bataille", analyse-t-il.

L'Union européenne et l'Otan s'activent à corriger le tir. Mais cela prend du temps. En ce qui concerne les munitions, l'expert évoque un "moment de tension" pour décrire la situation actuelle. En effet, les Etats doivent en même temps aider l'Ukraine et regarnir leurs propres arsenaux.

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Mais Camille Grand précise que les décisions sont prises de "manière très responsable". "La situation est parfaitement sous contrôle pour ce qui est de la protection du territoire de l'Otan et de l'Union européenne", assure-t-il.

Nous ne sommes pas en train de mettre en danger notre propre sécurité

Camille Grand

Industrie de l'armement à revitaliser

Il n'en reste pas moins qu'un des défis réside dans l'industrie de l'armement, qu'il s'agit de mettre à jour. Camille Grand rappelle que l'Ukraine consomme plus que ses alliés ne peuvent produire.

L'ancien haut responsable de l'Otan plaide donc pour un "vrai effort" des gouvernements et des industriels. Il s'agit pour lui de mettre en place une "réflexion de plusieurs années pour reconstituer un appareil industriel de défense apte à répondre à ce type de crise".

Le chancelier allemand Olaf Scholz (penché sur le char) inspecte un blindé anti-aérien Gepard, pilier de la défense des villes ukrainiennes. [Reuters - Axel Heimken]
Le chancelier allemand Olaf Scholz (penché sur le char) inspecte un blindé anti-aérien Gepard, pilier de la défense des villes ukrainiennes. [Reuters - Axel Heimken]

La Suisse pourrait participer

La Suisse doit-elle aussi participer à l'effort de guerre en cours, en autorisant par exemple les réexportations d'armement, quitte à faire une entorse au principe de neutralité?

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"Je ne vois pas bien ce qui s'oppose à autoriser la réexportation de tel ou tel type d'armement ou de munitions qui sont livrées à l'Ukraine", répond Camille Grand.

"Je pense en particulier aux munitions anti-aériennes pour les canons Gepard, qui sont un sujet extrêmement sensible pour les Ukrainiens. Ces canons protègent les villes et les infrastructures ukrainiennes. C'est à mon sens un point sur lequel on pourrait imaginer plus de souplesses de la part de vos autorités."

Propos recueillis par David Berger

Adaptation web: Antoine Michel

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