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La désinformation menace "la vie démocratique", alerte un spécialiste du sujet

Laurent Cordonier, directeur de recherche à la Fondation Descartes à Paris. [@AntoineBeyeler]
La désinformation sʹintensifie après une année de guerre en Ukraine / Médialogues / 21 min. / le 22 février 2023
Face à l'essor des fakes news, Laurent Cordonier, directeur de recherche à la "Fondation Descartes pour lʹinformation", craint pour le futur de la démocratie à l'échelle mondiale. L'invité de l'émission de la RTS Médialogues estime que la désinformation met aussi les médias en danger en les utilisant comme diffuseur ultra puissant.

Influencer une élection présidentielle, c'est possible. Faire disparaître un article juste mais gênant, aussi. Mobiliser des dizaines de personnes autour de la mort fictive d'une personne, c'est faisable aussi.

Ces exemples de désinformation ne sont pas isolés et les médias, diffuseurs d'informations, sont forcément concernés par le sujet. C'est pour lutter contre cet essor que 100 journalistes et 30 médias (dont la RTS) du monde entier se sont regroupés autour du projet "Story Killers".

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Invité au micro de Médialogues, Laurent Cordonier, directeur de recherche à la "Fondation Descartes pour lʹinformation", estime que les fakes news sont un danger pour la démocratie et les médias.

Cette fondation créée en 2019 a pour objectif de "promouvoir l'exigence d'une information sincère pour une démocratie basée sur la confiance".

"Blanchiment de l'information"

En ce début d'année, le collectif Forbiden Stories et le média français France.info ont pointé du doigt un journaliste corrompu de la chaîne BFMTV pour avoir partagé "des informations biaisées et orientées" dans son journal.

Rachid M'Barki a depuis été licencié et un audit interne a été lancé.

Le directeur de recherche de la "Fondation Descartes pour lʹinformation" qualifie cette action de "blanchiment". Cette méthode "consiste à faire passer par un média traditionnel, fiable et reconnu, une information orientée ou fausse, voire même hyper partisane pour ensuite la diffuser sur les réseaux sociaux en direction du public qu'elle vise à influencer".

Un autre problème est que corrompre un journaliste est "bon marché" selon l'expert en désinformation. "Les journalistes qui ont participé à l'enquête pour Forbiden Stories ont estimé que ça ne coûterait que 3000 euros."

Tous les supports médiatiques en danger potentiel

Bien que l'information ait été diffusée dans le journal de nuit et que les écoutes soient moins nombreuses, c'est problématique puisqu'elle peut être réutilisée et repartagée, alerte le journaliste. "Une fois que l'information est passée dans un média officiel, elle peut être diffusée sur des plateformes. Peu importe l'heure à laquelle elle est diffusée via les ondes ou même si elle l'a été en dernière page d'un journal, ce qui compte c'est qu'elle peut ensuite être découpée, retravaillée et mise en scène sur les réseaux sociaux et adressée à un public particulier."

Un avantage non négligeable qu'a l'officine de désinformation avec laquelle collaborait Rachid M'Barki, située en Israël, est le nombre de faux comptes qu'elle détient. Elle a ainsi pu s'en servir pour "donner de l'importance et rendre virale cette information à l'égard d'un public cible et d'avoir ainsi un maximum d'efficacité", s'inquiète Laurent Cordonier.

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Les médias français ne sont pas les seuls à être victimes de désinformation. En Suisse aussi, certains en ont récemment fait les frais.

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"De graves conséquences sur la vie démocratique"

La désinformation a de "graves conséquences sur la vie démocratique", affirme Laurent Cordonier. Elle conduit notamment à "encourager les populations à détester ce qu'elles considèrent être le camp adverse".

En conséquence, cela "fracture nos sociétés et fait prendre des risques de santé publique comme par exemple le refus de se faire vacciner pendant le Covid".

Il est donc nécessaire de limiter la désinformation mais pour cela l'interviewé préconise de "ne pas abîmer la liberté d'expression, qui est une composante absolument essentielle de la liberté d'expression". "Interdire et censurer" ne sont donc pas une solution.

Propos recueillis par Antoine Droux
Adaptation web: Julie Marty

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Comment lutter contre la désinformation ?

Une première piste peut être "d'encourager les réseaux sociaux à rendre moins visibles ces fausses informations". En effet, "aujourd'hui, les algorithmes favorisent les contenus les plus polarisants et les plus engageants émotionnellement, qui sont des caractéristiques que les fakes news ont souvent", détaille l'invité de RTS La Première.

Une autre piste est de "renforcer l'esprit critique des populations". "La plupart des fausses informations rencontrent une partie de leurs succès en s'appuyant sur certains biais cognitifs, comme l'outil de confirmation par exemple."Nous sommes encouragés "à rechercher davantage d'informations qui vont dans le sens de nos croyances plutôt que de confronter nos idées à une diversité d'opinions", ajoute le spécialiste du sujet.

Nos connaissances actuelles étant beaucoup liées aux témoignages d'autrui, Laurent Cordonier met en garde sur cette "dépendance épistémique". "Il faut être particulièrement attentif à son attribution de confiance en se demandant à qui vais-je accorder ma confiance et sur quels critères, rationnels si possible", termine-t-il.