Baptisée "Forever Pollution Project", en allusion à ces composés chimiques de synthèse quasi indestructibles et développés depuis les années 1940 pour résister à l'eau et à la chaleur, l'enquête s'appuie sur des méthodologies d'experts, des données et des "milliers de prélèvements environnementaux" ayant permis de réaliser, selon eux, la première cartographie européenne des sites contaminés et suspectés de l'être.
Un lac norvégien, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des zones immenses entourant la plupart des bassins de la chimie industrielle... : 17 médias, dont Le Monde et le Guardian, ont publié jeudi les conclusions d'une enquête de plusieurs mois et présentent une cartographie validée "sur le modèle des travaux scientifiques validés par des pairs".
Dans des objets de la vie courante
"D'après notre estimation prudente, l'Europe compte plus de 17'000 sites contaminés à des niveaux qui requièrent l'attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre). La contamination y atteint des niveaux jugés dangereux pour la santé par les experts que nous avons interrogés (plus de 100 nanogrammes par litre) dans plus de 2100 points chauds", indique le quotidien français.
Les journalistes ont également localisé vingt usines de production de PFAS et 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS, des composés dotés de propriétés anti-adhésives et imperméables, utilisés dans l'industrie et présents dans des objets de la vie courante: produits en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles.
Surtout en Allemagne
Les usines de production sont principalement localisées en Allemagne, berceau de la chimie industrielle avec l'implantation notamment des entreprises Archroma et des américains 3M Dyneon et W.L. Gore, et en France avec Arkema et Daikin au sud de Lyon, mais aussi Chemours et Solvay.
"Viennent ensuite le Royaume-Uni avec trois sites, l'Italie (deux), puis la Pologne, l'Espagne, les Pays-Bas et la Belgique (un)", ajoute Le Monde.
ats/vajo
134 sites en Suisse
En Suisse, 134 sites présentent des concentrations problématiques de PFAS. La vallée de Conches (VS) est de loin le site le plus contaminé par ces produits chimiques difficilement dégradables.
Une mesure effectuée en 2021 y a révélé une concentration de 14'569 nanogrammes de PFAS par kilogramme de terre. C'est ce qu'ont rapporté vendredi les journaux alémaniques du groupe Tamedia.
Les journaux attribuent le fait que la vallée de Conches soit si fortement contaminée au fartage des skis. En 2014, une mesure effectuée à Langenthal (BE) a révélé la deuxième plus grande quantité de PFAS, avec 5684 nanogrammes par kilogramme de sol. Rifferswil (ZH) arrive en troisième position avec 5636 nanogrammes.
Mousse anti-incendie
Pour l'administration valaisanne, le fartage des skis n'explique pas les concentrations élevées de PFAS à Conches. La pollution qui a été mesurée résulte de l'utilisation de mousse anti-incendie par les pompiers sur des places d'exercices, a indiqué Christine Genolet-Leubin, cheffe de service au département de la mobilité, du territoire et de l'environnement (DMTE).
Les mousses anti-incendie sont produites à partir d'émulsifs contenant des PFAS. Lors de l'utilisation de ces substances, les sols à proximité deviennent contaminés à cause de leur dispersion par le vent.
Risques difficiles à évaluer
Interrogée dans La Matinale, Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l'Université de Lausanne, explique qu'il est difficile de savoir quels risques ces PFAS représentent pour la santé et l'environnement.
"On est très démunis, parce qu'on a très peu de réponses. Pour évaluer les effets sur le long terme sur les populations humaines, il faut faire des études épidémiologiques où on regarde sur des dizaines d'années les effets de ces substances chimiques. Actuellement, on n'a pas assez de recul."