Le musicien au crâne rasé est décédé "samedi vers 23H55", a affirmé à l'AFP une responsable de sa maison de disques, Universal France. Le chanteur "avait des problèmes de santé depuis quelque temps" et est décédé à l'hôpital d'une septicémie, a précisé à l'AFP son proche collaborateur et saxophoniste, Stef Gotkovski, louant "un musicien hors pair, et très créatif".
"Sa voix gouailleuse s'est tue mais ses chansons tendres et grinçantes continueront de nous faire rire et pleurer", a réagi sur Twitter Rima Abdul Malak, la ministre de la Culture. En particulier le tube des années 1990, "Dans la salle du bar-tabac de la rue des martyrs", chronique des rades de la capitale à une époque où, dans les bas-fonds de Paris, on peut encore "tout acheter tout vendre / le meilleur et le pire".
Gamin du XVe arrondissement, contaminé par la musique en écoutant Dylan, cet autodidacte à la carrure d'ogre, chanteur multi-instrumentiste, parolier et compositeur, maîtrise la guitare, mais aussi le banjo, l'accordéon, le violon, la cornemuse ou la vielle. C'est évidemment dans les couloirs du métro que ce Parigot trouve son premier public. Il abandonne son métier d'instituteur pour se lancer dans la musique.
Chantre du rock alternatif
Fréquentant les mêmes bars que d'autres fondateurs du punk à texte comme les Wampas ou Bérurier Noir, il racontera sa vision nocturne de la capitale dans les chansons de son groupe Pigalle, mêlant guitares hurlantes et écriture soignée, sourire et spleen. "Rip Vieille Canaille", a réagi dimanche sur Instagram Didier Wampas.
La pochette de l'album phare du groupe ("Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant", 1991) sera croquée par un autre amoureux de Paname, le dessinateur Tardi. "Nous revendiquons nos racines françaises même si le rock fait partie de nos racines: on aurait tort de rougir de la chanson française", déclare en 1988 à l'AFP François Hadji-Lazaro, à propos de l'alliance de rock et de chanson réaliste qu'il prisait.
Il fondera également les Garçons bouchers, auteur de l'anti-tube de l'été "La Lambada on n'aime pas ça" (1990) et d'une reprise punk de "Viens voir les musiciens" de Charles Aznavour. Son empreinte musicale va au-delà de ses chansons: en 1985, il fonde Boucherie Productions, pour tenter d'arracher le rock alternatif à la marginalité, sans se compromettre pour autant avec le show-biz.
Physique de cinéma
Il s'agissait de "l'un des premiers labels indépendants pour les groupes alternatifs qui ne voulaient pas dépendre d'une major", explique Stef Gotkovski. Un label qui jouera un rôle important sur la scène alternative parisienne en donnant leur chance à de nombreux artistes émergents, avant de déposer le bilan en 2001. Non sans avoir produit une centaine d'albums et couvé les débuts d'artistes alors balbutiants comme la Mano Negra, dont il publiera en 1988 le premier simple ("La Zarzamora") et le premier album ("Patchanka").
Engagé à gauche, amateur de vin, François Hadji-Lazaro s'était aussi lié d'amitié avec l'intellectuel Roland Topor, sortant même un album "François détexte Topor". Ses albums solos, plus récents, lorgnent plus du côté de la chanson rock. Son physique de colosse à bretelles, crâne lisse et visage rond, a aussi tapé dans l'oeil de réalisateurs, qui lui ont confié des seconds rôles ou de la figuration, dans "La cité des enfants perdus" de Jean-Pierre Jeunet, et "Le Pacte des Loups".
afp/br