Le but des sanctions est d'entraver un Etat qui va à l'encontre de ses propres intérêts politiques à long terme, même si cela s'oppose à un intérêt économique à plus court terme, détaille Sylvie Matelly vendredi dans La Matinale.
"Toute la difficulté est de trouver le juste équilibre entre les conséquences que vont avoir les sanctions sur nous-mêmes et la volonté de sanctionner une violation manifeste du droit international", souligne l'économiste.
Ce signal était l'objectif: on ne veut plus faire des affaires et gagner de l'argent avec des gens qui violent le droit international
L'experte rappelle que les Européens n'ont pas été unanimes sur l'étendue des sanctions, notamment la Pologne qui a été frileuse sur le 10e train de mesures décidé il y a une semaine.
Message politique
"La sanction est une arme alternative à la guerre", précise Sylvie Matelly. "On constate que la Russie possède l'arme atomique et qu'on ne peut pas se permettre de rentrer en conflit direct avec elle parce qu'on risquerait l'escalade. A ce moment, soit on ne fait rien et on laisse faire – et l'Ukraine serait aujourd'hui sous le joug de la Russie. Soit on se dit qu'on ne veut pas laisser faire, parce que c'est un signal envoyé à d'autres qu'ils peuvent envahir tous les territoires qu'ils veulent, du moment qu'ils sont les plus forts", développe-t-elle.
Ces sanctions portent-elles quand même leurs fruits, outre le fait de signifier sa position? Elles pénalisent la Russie sur le long terme, affirme la directrice adjointe du think tank parisien. Sa chaîne d'apprivoisement en ressort handicapée. Le contournement des sanctions est possible à court terme, car de nombreux Etats ne participent pas aux sanctions, mais pas entièrement. Elles ont sans doute des conséquences également au plan militaire, même si l'experte n'est pas catégorique. "On peut se demander si ce n'est pas les sanctions qui ont pénalisé l'armée russe (…). Il n'y a pas que ça, mais je pense que les sanctions depuis 2014 y ont participé", avance Sylvie Matelly.
Pousser aux négociations
Toutefois, ces mesures ne sont pas l'arme ultime. "On n'arrête pas une guerre avec des sanctions", souligne Sylvie Matelly. "Par contre, une fois qu'elles commencent à faire de l'effet ou qu'elles sont bien choisies et bien maîtrisées, on peut pousser les pays belligérants à la table des négociations", déclare-t-elle.
On n'arrête pas une guerre avec des sanctions
La sanction économique perturbe, mais ne met pas à genoux. Toutefois, son éventualité effraie les Etats. Le cas de la Chine est emblématique. L'Empire du Milieu soutient Moscou sans pour autant trop s'engager. "On peut penser que la Chine est très prudente, car elle craint des sanctions", estime Sylvie Matelly.
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Stratégie chinoise
De l'autre côté, le plus grand pays du monde tente de tourner la situation à son avantage. Sylvie Matelly explique que l'Europe veut clairement stopper les ambitions du Kremlin d'accroissement de son influence sur une partie du contient. En revanche, elle s'aligne moins sur les Etats-Unis dans son bras de fer avec la Chine pour la première place dans l'économie mondiale.
Les pays européens cherchent en effet à "restaurer la stabilité et la sécurité en Europe". Mais celles-ci dépendent aussi de la prospérité. "On a bien compris qu'on n'avait pas intérêt à rentrer dans cette escalade, cet affrontement, voire cette fragmentation du monde que nous proposent aujourd'hui les Chinois et les Américains. On essaie de trouver une ligne de crête pour satisfaire tout le monde. Les Chinois ont bien compris notre embarras, notre positionnement, et essaient de capitaliser dessus."
Propos recueillis par Frédéric Mamaïs
Adaptation web: Antoine Michel