Selon une étude de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation, un parent sur deux en France a déjà partagé des photos et des vidéos de sa progéniture sur les réseaux sociaux. Ces chiffres montrent l'étendue d'un phénomène qui porte un nom: le sharenting (de share, "partager", et parenting, "manière d'exercer la parentalité"). On parle ici de parents #tropfierdemafille (ou mon fils), heureux de publier la première dent de lait tombée ou encore l'immanquable image de bébé sur le pot.
Des images de bonheur, comme celles de la famille bretonne Breizh, qui met en scène son enfant de 3 ans surnommé "Tchouni" devant plus de 400'000 abonnés sur Instagram et qui cumule des millions de vues sur TikTok.
Ces moments du quotidien peuvent paraître anodins quand on est enfants, ils le sont moins quand on est adolescents. Selon une étude de Microsoft de 2019, quatre adolescents sur dix trouveraient que leurs parents les exposent trop sur internet.
Les risques d'une exposition sur internet
Exposer des enfants sur internet les empêche d'avoir un anonymat pour la suite, sans compter le risque de cyberharcèlement. Une fois diffusées, les images peuvent être reproduites et se propager hors de tout contrôle. Ces données sont stockées durablement sur les serveurs des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et sont susceptibles d'être utilisées par des personnes mal intentionnées et faire l'objet d'exploitations diverses (profilage, ciblage comportemental, exploitation commerciale). Les conséquences à long terme de la diffusion d'images de la vie privée menacent l'identité numérique des jeunes enfants.
Mais le risque le plus important est celui du détournement des photos de mineurs dans le cadre de pratiques pédocriminelles. "Quelque 50% des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux", rappelle la proposition de loi française.
Le texte veut donc instaurer la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale, et en cas de dérive grave, il permettrait à un juge de confier le droit à l'image d'un enfant à un tiers.
L'Assemblée nationale a adopté lundi 6 mars, en première lecture, la proposition de loi. Le texte doit désormais être examiné au Sénat.
Miruna Coca-Cozma/lan
Qu'en est-il de la situation en Suisse?
Il n'y a pas de chiffres exacts sur ce phénomène de "sharenting". L'article 13 de la Constitution suisse défend le droit à la protection de la vie privée et familiale ainsi que le droit d'être protégé contre l'emploi abusif de données.
Le droit à l'image des enfants est donc protégé, mais lorsque les enfants sont trop petits et qu'ils et elles n'ont pas la capacité de discernement, ce sont souvent les parents qui décident.