Ce 15 février, quelque 300 cuisiniers et restaurateurs ont fait le déplacement à Osaka (ouest) pour goûter toute la journée différents mets à base de viande de baleine. "La viande de baleine, c'est très sain", déclare aux invités Hideki Tokoro, le patron de l'entreprise de pêche japonaise Kyodo Senpaku, à l'origine de cette dégustation qui se déroule dans un luxueux hôtel. "C'est un énorme succès", se réjouit l'homme d'affaires.
Des tables ont été dressées dans l'immense salle. Le buffet est copieux: sushis, sashimis, curry, pot au feu, bacon, croquettes ou encore gyozas (un genre de raviolis).
Engouement des invités
L'une des invitées, restauratrice de métier, semble apprécier. "C'est le curry de baleine que je préfère", indique-t-elle. "Mes parents aimaient beaucoup la viande de baleine, donc on en mangeait à la maison, quand j'étais écolière et collégienne. A l'époque, il y avait des boutiques spécialisées dans la viande de baleine, mais elles ont disparu avec la longue suspension de la pêche commerciale. Aujourd'hui, à coup sûr, mon fils ou mes petits-enfants ne connaissent pas le goût de la chair de baleine."
Le PDG de Maruho, une société de conditionnement de viande de baleine, est lui aussi plein d'entrain. "Nous préparons la viande en la faisant frire, en l'assaisonnant de différentes façons, de sorte qu'elle soit facile à manger, par exemple en beignets ou sous forme de viande grillée pour les enfants", explique-t-il. "Nous l'accommodons en mêlant le bon goût japonais à des recettes de type occidental. Nous préparons ainsi l'avenir de notre société en proposant des mets faciles à manger."
Absence d'offre sur le marché
Pour Hideki Tokoro, le patron de Kyodo Senpaku, si les Japonais ne consomment quasiment pas de viande de baleine, ce n'est pas par manque d'envie, mais parce qu'ils n'en trouvent pas.
"Rares sont les petits poissonniers qui en proposent. Les grands supermarchés n'en vendent pas", souligne-t-il. "C'est à cause des organisations opposées à la chasse à la baleine. Elles ont tellement fait pression autrefois qu'elles ont entravé le commerce", avance-t-il. "Ils ont peur que leurs boutiques soient saccagées, que leurs activités commerciales soient empêchées, même si les opposants se sont assagis et qu'à mon avis cela n'arriverait pas. Mais comme cela s'est produit, le souvenir reste vif."
Dans l'espoir d'inciter les poissonniers à présenter de la baleine sur leurs étals, l'homme d'affaires encourage les restaurateurs à en mettre à leur menu. Sans pour autant culpabiliser ni craindre les défenseurs du cétacé. Ceux-ci sont moins énervés depuis que le Japon a renoncé à ses chasses sous couvert de recherches dans l'Océan Austral, après que le Japon a quitté mi-2019 la Commission baleinière internationale (CBI).
Gouvernement peu actif dans la promotion
Du côté du gouvernement, la promotion de la baleine, que défendait par exemple l'ancien Premier ministre mort assassiné Shinzo Abe, est actuellement timide.
"C'est le gouvernement qui a levé le moratoire sur la pêche commerciale, mais in fine c'est nous qui faisons à sa place le travail de promotion commerciale qui lui revenait. Il est trop sensible aux critiques venues de l'étranger, c'est fâcheux", estime Hideki Tokoro.
Distributeurs automatiques
En attendant que les commerçants ne se décident, l'entreprise Kyodo Senpaku brave les obstacles en installant, dans un premier temps à Tokyo, Yokohama et Osaka, des distributeurs automatiques de viande de baleine dans des espaces dédiés, sans vendeurs, sous différents conditionnements.
"La grande surprise est que ça se vend au-delà de mes attentes", se réjouit Hideki Tokoro. "Le prix est pourtant élevé, mais ça part comme des petits pains, on peine à suivre pour réapprovisionner les machines."
Perspectives de croissance
Kyodo Senpaku voit l'avenir en rose et mettra à la mer en mars 2024 un nouveau bateau-usine baleinier pour alimenter les restaurants et consommateurs pour les trois prochaines décennies. Mais l'entreprise estime que les quotas de pêche fixés par les autorités sont insuffisants. Elle importe aussi de la viande d'Islande.
Du côté de l'agence gouvernementale des pêches, on explique avoir à cœur de limiter les prises sur des critères scientifiques censés garantir la protection des espèces.
Sujet radio: Karyn Nishimura
Adaptation web: Antoine Michel