La France est-elle le pays où l’on part le plus tôt à la retraite en Europe?

L'âge légal de départ à la retraite y étant actuellement fixé à 62 ans, la France fait partie des pays d'Europe où l'on arrête le plus tôt de travailler. Il s'agit d'ailleurs de l'un des arguments principaux des défenseurs de la réforme des retraites. Or, cet indicateur ne reflète pas tout à fait la réalité.

Reculer l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans permettrait à la France de rattraper son retard et de s'aligner sur ses voisins européens. Il s'agit de l'un des arguments principaux avancés par les défenseurs de la réforme des retraites.

Le choix de reporter cet âge, "c’est aussi celui qu’ont réalisé tous nos voisins européens face au vieillissement de la population", justifiait ainsi Elisabeth Borne lors de la présentation de la réforme mi-janvier. Interrogé sur ce dossier fin janvier, le président Emmanuel Macron a qualifié cette réforme d'"indispensable quand on se compare en Europe et pour sauver notre système par répartition".

>> Lire également : Le gouvernement français annonce la hausse de l'âge de la retraite à 64 ans

67 ans en Italie

En regardant les chiffres de plus près, avec 62 ans au compteur, la France fait effectivement partie des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas. A l'opposé, en Italie, au Danemark et en Islande, il n'est légalement possible de s'arrêter de travailler que dès 67 ans. En Italie, il devrait même être repoussé à 69 ans et 9 mois d'ici 2050. A noter qu'en Suisse, l'âge légal pour prendre sa retraite est aujourd'hui fixé à 65 ans pour les hommes comme pour les femmes.

Or, si ces différences sont régulièrement mises sur la table lors des débats autour de la réforme française, cet indicateur ne représenterait pas forcément la réalité. Au sein de l'Union européenne, le fonctionnement des différents régimes de retraite varie en effet largement, avec des spécificités selon les pays.

Retraites anticipées

De nombreux pays permettent ainsi un départ anticipé à la retraite sous certaines conditions, comme la durée de carrière ou le nombre d'années de cotisations (Espagne), la nature des emplois exercés (Portugal) ou encore le nombre d'enfants (République Tchèque). Par conséquent, en France comme ailleurs, l'âge auquel les salariés s'arrêtent effectivement de travailler ne correspond que rarement à l'âge légal de départ à la retraite.

En Allemagne, les salariés peuvent par exemple prétendre à la retraite avec un taux plein dès 63 ans et 8 mois à condition d'avoir cotisé 45 ans. Les assurés allemands peuvent aussi arrêter à 63 ans s'ils justifient 35 années de cotisation, à condition d'accepter une décote de 0,3% par mois d'anticipation sur leur pension. Même chose en Belgique où la retraite peut être prise à partir de 61 ans si l'on a cotisé 43 années. Sans compter les nombreux pays qui adaptent ce seuil selon l'espérance de vie de leurs citoyens.

Toutes ces exceptions et spécificités rendent donc les comparaisons d'âges légaux entre pays très aléatoires.

Forte mobilisation en France pour cette 6ème journée de manifestations contre la réforme des retraites / 19h30 / 2 min. / le 7 mars 2023

Fabien Grenon

Publié le 8 mars 2023 à 12:16

Un regard européen sur la révolte des Français

La mobilisation contre la réforme des retraites en France met en lumière, aussi, le rapport des Français au travail. L'émission Tout un monde a demandé mercredi à des correspondants étrangers à Paris de donner leur point de vue sur la question.

Le journaliste franco-allemand Niels Minkmar, par exemple, souligne que les Français et les Françaises ne bataillent pas seulement pour travailler deux ans de moins. Ils défendent aussi un idéal, un sens à la vie. Et les protestataires se sentent héritiers d'une tradition de résistance.

"Ce qui est vraiment très français dans ce mouvement, c'est de voir que la France fait figure d'OVNI au milieu de l'Europe", analyse la journaliste belge Joëlle Meskens. Or, poursuit-elle, dans d'autres pays comme la Belgique on est déjà à 67 ans [pour l'âge de la retraite] et on pense même aller au-delà". Les Français, eux, "sont convaincus qu'ils font exception, qu'ils ont un modèle social unique".

Journaliste de CNN installé à Paris depuis trente ans, Jim Bittermann démonte de son côté quelques clichés, en rappelant notamment que les Français sont moins syndiqués que les Américains. "Les travailleurs français sont très efficaces. Ils travaillent peut-être moins d'heures que d'autres, mais en fait, ils sont autant, voire plus productifs, que dans beaucoup d'autres pays industrialisés", souligne-t-il aussi.