"Cette nouvelle loi va envoyer un message clair: si vous venez dans ce pays illégalement, vous serez rapidement expulsé", a résumé le Premier ministre Rishi Sunak dans le quotidien The Sun. "Ceux qui viennent ici dans des petites embarcations ne peuvent pas demander l'asile ici."
A trois jours de sa première visite en France, le dirigeant conservateur se montre déterminé à enrayer l'augmentation des traversées illégales de la Manche, incessante malgré les plans successifs, et au coeur de régulières tensions avec Paris.
Le Royaume a enregistré plus de 45'000 arrivées par cette voie dangereuse l'année dernière (principalement des ressortissants albanais et afghans, mais aussi des Iraniens, des Irakiens et des Syriens) et déjà plus de 3000 depuis le début de l'année. Il juge que son système d'asile est "dépassé".
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Le texte interdit aux migrants arrivés illégalement de demander l'asile et, ultérieurement, de s'installer au Royaume-Uni ou de demander la nationalité britannique. Il facilite la détention des migrants jusqu'à leur expulsion vers un pays tiers jugé sûr. Il restreint aussi "radicalement" la possibilité d'appels contre les expulsions. Pour ceux qui sont arrivés légalement, un quota annuel de réfugiés autorisés sera déterminé par le Parlement.
Aux limites du droit international
Devant la Chambre des Communes, la ministre de l'Intérieur Suella Braverman a qualifié le projet de loi de "robuste". "Face à la crise migratoire mondiale, les lois d'hier ne sont simplement pas adaptées", a-t-elle affirmé.
Face aux critiques des associations, qui affirment que ce projet de loi n’est pas compatible avec la convention des Nations unies sur le statut des réfugiés, la ministre a reconnu dans la presse avoir "repoussé les limites du droit international" et admis ne pas pouvoir dire de manière "définitive" si la législation respecte la loi britannique sur les droits humains. Elle a précisé que des discussions avaient été lancées avec la Cour européenne des droits de l'Homme.
"Je suis confiante dans le fait que le projet est compatible avec nos obligations internationales", a-t-elle assuré. Le Royaume-Uni a voté une loi l'an passé pour expulser au Rwanda des demandeurs d'asile, quelle que soit leur origine, mais le projet reste au point mort, bloqué par la justice européenne.
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Inquiétudes des associations
Avec ses mesures très restrictives, le gouvernement conservateur veut décourager les traversées et briser le modèle économique des passeurs qui monnayent pour des sommes exorbitantes les traversées.
Les associations d'aide aux réfugiés rétorquent que les durcissements successifs déjà opérés n'ont eu aucun effet, que les migrants ne seront découragés que si les autorités proposent des moyens légaux de venir demander l'asile au Royaume-Uni, ce qui actuellement n'est quasi pas le cas.
"Si vous fuyez des persécutions ou la guerre, si vous fuyez l'Afghanistan ou la Syrie et que vous craignez pour votre vie, comment pourrez-vous demander l'asile au Royaume-Uni?", s'inquiète Christina Marriott, directrice à la Croix Rouge britannique.
Pour l'opposition travailliste, le projet de loi est une diversion avant les élections locales de mai alors que la popularité des conservateurs est en berne après 13 ans au pouvoir.
Un porte-parole du Premier ministre a assuré que le gouvernement réfléchissait à mettre en place des voies "légales et sûres" réclamées par les associations pour demander l'asile au Royaume-Uni mais sans donner de détails et seulement "une fois que nous contrôlerons nos frontières".
ats/iar
Crispations avec la France
Rishi Sunak est attendu vendredi à Paris pour rencontrer le président français Emmanuel Macron, quelques mois après que les deux pays ont signé un accord de coopération prévoyant notamment une aide financière des Britanniques pour surveiller les plages et l'envoi d'observateurs britanniques côté français.
Le sujet a été au coeur de régulières crispations avec la France, accusée de ne pas en faire assez, mais l'heure est plus à la détente actuellement entre Londres et les Européens.
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