"Bien qu'il y ait eu de nombreux actes d'héroïsme au milieu de la souffrance, nous avons également été témoins de l'échec total du gouvernement et de la communauté internationale, y compris les Nations unies, à diriger rapidement l'aide vitale vers les Syriens", a déclaré le président de la Commission d'enquête internationale sur la Syrie Paulo Pinheiro, dans un communiqué diffusé à l'occasion de la publication d'un nouveau rapport presque 12 ans après le début du conflit syrien.
"Ils ont échoué à obtenir un accord sur une pause immédiate des hostilités. Ils ont échoué à faciliter l'acheminement de l'aide vitale par toutes les voies disponibles", accuse la commission, soulignant le sentiment d'abandon des Syriens et le besoin d'enquête.
Défi démultiplié pour les organisations humanitaires
La secousse de magnitude 7,8, suivie d'une autre neuf heures plus tard de magnitude 7,6, a tué près de 46'000 personnes et fait 105'000 blessés en Turquie, selon des bilans non définitifs. Près de 6000 personnes ont aussi perdu la vie en Syrie, selon les autorités.
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La catastrophe a démultiplié le défi posé aux organisations humanitaires pour venir en aide à la population syrienne, en particulier dans la zone rebelle d'Idleb (nord-ouest), le pays étant frappé par des sanctions internationales et les routes d'accès au seul point de passage frontalier qui était autorisé par Damas avant le séisme avaient elles-mêmes été endommagées.
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Depuis, les Etats-Unis et l'Union européenne ont allégé les sanctions imposées à la Syrie, tandis que Damas a accepté d'autoriser l'ONU à ouvrir d'autres passages frontaliers pour aider à acheminer plus d'aide.
La commission onusienne accuse le gouvernement et l'armée nationale syrienne d'avoir "empêché l'aide transfrontalière aux communautés touchées" et le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham, dans le nord-ouest de la Syrie, d'avoir "refusé l'aide transfrontalière en provenance de Damas".
"L'aide détournée à 90% par le gouvernement syrien"
La communauté syrienne en exil, elle, s'inquiète du détournement de l'aide humanitaire par le régime de Bachar el-Assad. Via des lettres ouvertes et des communications aux médias, toute une part de la diaspora monte au créneau.
"Le gouvernement central reçoit une grande partie de l'aide internationale", rappelle Tawfik Chamaa, membre fondateur de l’Union des Organisations de Secours et Soins médicaux (UOSSM-Suisse), mardi dans La Matinale de la RTS. "Et cette aide énorme, malheureusement, ne va pas aux destinataires. Elle est détournée à 90% par le gouvernement syrien", assure ce médecin genevois d'origine syrienne.
"On ne leur demande pas de couper l'aide à Damas, c'est un droit international", précise Tawfik Chamaa. "On demande tout simplement de traiter directement avec les ONG qui font le travail sur le terrain. L'aide ne doit pas passer par le gouvernement - syrien ou turc, d'ailleurs", précise-t-il.
Un risque de légitimer le pouvoir en place
Il faut donc d'abord connaître les organismes auxquels l'aide est donnée, mais ce n'est pas toujours aussi simple. "Il y a très souvent des zones grises", souligne Karim Bitar, professeur en relations internationales à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.
"L'aide n'est pas entièrement détournée, elle va très souvent à des personnes dans la détresse", souligne-t-il. "Mais cela peut contribuer à légitimer le régime en donnant l'impression qu'il contribue à alléger la souffrance du peuple ayant souffert du tremblement de terre. Or ce même régime est accusé par une grande partie de la population syrienne de continuer à semer la souffrance dans bien d'autres régions."
Une partie de la diaspora réclame notamment l'exclusion du Croissant-Rouge syrien, organisme jugé "affilié au régime de Bachar al-Assad", de la Conférence des donateurs.
oang avec Cédric Guigon et ats