Cette droite prône un leader autoritaire et des droits civils plus limités. Elle rejette la mondialisation, condamne l'ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale et revendique le modèle hongrois de Viktor Orban.
L'origine du national conservatisme remonte à 2019, explique dans l'émission Tout un monde Maya Kandel, historienne spécialiste des Etats-Unis. Elle a étudié le mouvement en se rendant à ses conventions et en rencontrant ses acteurs principaux. Elle vient de publier pour l'Institut français des relations internationales (IFRI) une note de recherche sur le sujet.
"En juillet 2019, un ensemble d'intellectuels et de think tanks lancent la première conférence du national conservatisme, NatCon. Donald Trump est encore président. Ce sont tous des gens qui sont à droite aux Etats-Unis, plus ou moins proches du Parti républicain, mais leur objectif de départ est de prendre acte de l'élection de Trump et donc de l'évolution du socle électoral du Parti républicain, puisque Trump a été élu en mobilisant notamment des électeurs qui jusque-là ne votaient pas", détaille Maya Kandel.
Penseurs et think tanks
La chercheuse énumère les premiers fondateurs du mouvement. "Il y a le penseur israélo-américain Yoram Hazony, qui vient d'écrire un livre sur la vertu du nationalisme, qui crée une fondation et met en place cette première conférence avec un certain nombre de financiers derrière, comme le milliardaire Peter Thiel. Mais aussi des think tanks et des anciens néo-conservateurs reconvertis au trumpisme. Tous ces gens se rassemblent à Washington pour essayer de faire une théorisation intellectuelle à rebours du trumpisme et ce que ça signifie. Et un des traits dominants de ce mouvement est qu'il tourne le dos au libéralisme."
Le NatCon est anti-immigration, anti-interventionniste en politique étrangère et anti-mondialisation
Selon Maya Kandel, le national-conservatisme s'inscrit en opposition avec certaines des idées des élites actuelles de la droite. "Dès le départ il y a une volonté de se débarrasser de l'establishment du Parti républicain pour proposer trois grandes idées: le NatCon est anti-immigration, anti-interventionniste en politique étrangère - et c'est donc un rejet très clair des néoconservateurs de l'entourage de Bush - et anti-mondialisation, en prônant un retour au protectionnisme commercial."
Ce mouvement national conservateur veut toutefois s'écarter de Donald Trump. "Ils sont un peu mal à l'aise avec le personnage. Il y a beaucoup de penseurs et intellectuels religieux dans le mouvement et ils n'aiment pas le côté amoral de Trump, avec ses maîtresses, tous ses mariages etc. Il y a des intellectuels rigoureux qui sont dérangés par le côté chaotique de Trump. Ils aimeraient un véhicule pour traduire leurs idées qui ne soit pas Trump, mais quelqu'un de plus discipliné et de plus rigoureux dans la mise en oeuvre des choses."
Ron DeSantis comme champion?
Cette tête de gondole pourrait être le républicain Ron DeSantis, actuel gouverneur de Floride: "Il est proche de cette mouvance depuis plusieurs années. Il est proche du Claremont Institute, un think tank qui était un des fournisseurs d'idées officiels du trumpisme, et il est allé à la troisième conférence du mouvement. Ron DeSantis est quelqu'un de très prudent, mais se reconnaîtrait totalement dans ce mouvement, dont il reprend les éléments de langage."
Maya Kandel précise que le mouvement NatCon n'est pas un parti politique. Il pourrait toutefois peser de tout son poids sur le Parti républicain lors de la prochaine élection présidentielle, en 2024: "Ce sont des gens qui réfléchissent, qui développent des points de programme, des positions sur certains sujets. Ils préparent un programme pour 2024 si un républicain est élu."
"Leur influence dépendra donc du candidat républicain. Si c'est Ron DeSantis par exemple, il y a des chance qu'il aille puiser dans ce vivier intellectuel, avec de propositions qui tournent le dos à la politique étrangère américaine actuelle."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Version web: Antoine Schaub